dimanche 15 novembre 2009

Nur Götter dürfen dich berühren - 3 et 4

3ème partie


Je suis resté assis jusqu’à la fermeture du restaurant. C’est le serveur, témoin impuissant de la scène, qui m’a plus ou moins mis à la porte. Je n’ai pas mangé grand-chose mais je n’ai plus faim. Depuis quelques heures déjà, j’erre dans les rues de Berlin, un peu au hasard. Sans but. Sans direction. Je n’arrive pas à croire ce qui est arrivé et j’aimerais rembobiner la soirée comme on rembobine une VHS pour revoir un passage. J’aimerais revenir en arrière.
En fin de comptes, je ne peux pas en vouloir à Nele. C’est vrai que Regina m’attendait à Londres. Elle m’a fait un long discours tout préparé (ça s’entendait à l’absence de fautes) pour « reconquérir ma patience » a-t-elle dit avec un sourire. Et j’ai accepté. J’ai accepté de la suivre en escapade amoureuse comme si toutes nos précédentes disputes n’avaient jamais eu lieu.
A Londres, c’est clair que j’aimais Regina. Et j’étais prêt à lui faire toutes les promesses qui apaiseraient son petit cœur. Mais quand je suis revenu à Berlin, je lui ai demandé de me laisser un peu de temps avant de la voir revenir habiter à la maison. En fait, je pensais surtout à Nele.
Je n’ai jamais aimé deux femmes en même temps. D’ailleurs, je me suis toujours moqué de Till et Richard à chaque fois qu’ils justifiaient leurs tromperies par leurs indécisions éternelles. Paul était souvent de mon côté à ce propos. Les tournées, en particulier, sont l’occasion pour les plus infidèles d’entre nous de se laisser tenter. D’où notre choix unanime de faire hôtel à part cet hiver. Découvrir Richard dans les bras d’une autre et avoir sa copine au téléphone le lendemain pour essayer de lui expliquer pourquoi Richard ne répondait pas à ses textos, ça me soûlait. Presque autant que nos disputes au sujet de la voix de Till qui déraille, ma faiblesse sur telle ou telle chanson, les fausses notes de Richard, les erreurs de setlist de Flake – bref ! toutes nos disputes, en fait ! Par conséquent : on a décidé de voyager dans des bus différents aussi. En ce moment, il est préférable de s’éviter – même si je m’entends toujours bien avec Paul et Till, je ne peux plus saquer Richard, qui ne peut plus saquer Paul, qui lui-même préfère rester avec Oli qui, lui, a du mal à comprendre Flake. Par contre, Flake fait bande à part depuis toujours alors ça ne lui change guère.
Mais je m’égare un peu, là.

Revoilà les deux chiens attachés à la même laisse. L’un a le morceau de carton dans sa gueule, morceau de carton que l’autre essaye de lui prendre. J’en ris. Rire jaune.
Quelle métaphore absurde de la vie de couple ! me dirait sûrement Paul. Il n’aurait pas tort. D’ailleurs, c’est marrant : j’ai comme entendu sa voix quand j’ai pensé ça. Je me retourne. Non. Personne.


Parfois, j’ai l’impression d’être malheureux. Perpétuellement insatisfait, pour être exact. Et je connais les causes. Mais je m’accroche à mon mal-être. Comme ces deux chiens qui restent attachés ensemble. Pour le meilleur. Et pour le pire.



4ème partie


« Mais qu’est-ce qui t’amène à cette heure-ci ? me demande Flake, en robe de chambre et chaussons de vieillard.
- C’est vrai que Till est chez toi ?
- Heu…oui. Pourquoi ?
- Je peux lui parler ? »
Derrière Flake, c’est Jenny qui arrive. Vêtue de la même robe de chambre. Et portant les mêmes chaussons. Comme le ferait un vieux couple.
« Eh bien…je crois qu’il dort profondément. Si tu veux t’aventurer à le réveiller, libre à toi ! »
Flake me laisse entrer, puis m’indique la direction de sa chambre d’amis. Till y ronfle bruyamment. Je le secoue légèrement d’abord, puis franco. Il marmonne de le laisser dormir avec sa grosse voix qui fait peur, et j’insiste. Je lui dis que c’est à propos de Nele. Il ouvre les yeux et se lève d’un coup.
« Qu’est-ce qu’elle a ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Il y a…un truc…dont je dois te parler.
- Elle a eu un accident ? demande-t-il avec inquiétude en sortant ses jambes de dessous les draps d’un geste vif.
- Non, non. Elle va bien.
- Ah, soupire-t-il de soulagement. Mais pourquoi tu me réveilles à c’te heure, alors ? »
Je regarde ma montre. Presque cinq heures du matin. Je n’ai pas fait attention.
« Désolé. C’est juste que…je n’ai pas osé te le dire avant parce que…parce que j’avais peur de ta réaction…et…de ce que tu en penserais. Toi, et les autres du groupe aussi. Et puis, mes amis et ma famille et…et ma femme.
- Hein ? »
Till est désarçonné. La tête penchée en avant pour mieux me voir dans la pénombre, les deux mains posées sur le lit à côté de ses cuisses poilues.
« Je… Moi et Nele…heu…
- Quoi ? »
Soudain, Till et ses muscles me paraissent plutôt effrayants. D’autant plus qu’il n’a pas arrêté de faire du sport ces derniers mois et il a retrouvé le physique qu’il avait pour la dernière tournée. S’il s’énerve, je vais sentir passer sa colère. Je recule donc pour m’asseoir sur un fauteuil contre le mur.
« En fait…je…c’est dur à expliquer…
- Bon, viens-en aux faits, là ! Je suis fatigué !
- Désolé. C’est juste…c’est juste que ce soir, j’ai pas arrêté d’y penser et…
- Pfff !!! »
Till se gratte le dos, puis jète un coup d’œil à la porte. Flake se tient dans l’encadrement, curieux de connaître la raison de ma visite nocturne.
« J’ai…j’ai couché avec Nele. »
Till me dévisage. Son expression s’est figée. La bouche demi-ouverte. Le choc complet. Je regarde Flake. Il ne cligne même pas, il clignote des yeux. Sa bouche forme un O dont je me serais bien passé. Je regarde à nouveau Till qui n’a pas bougé.
« Tu plaisantes, j’espère ?
- Heu…non. On a…on s’est vu…heu…ça fait quelques mois qu’on…
- Quelques mois ?
- Heu…oui, ça a commencé…tu sais, pendant nos vacances…tu te souviens…
- Oui.
- Bref…heu…
- Tu couches avec ma fille ?
- Heu…oui…enfin…on a…enfin, aujourd’hui, on s’est séparé…enfin, je crois. On s’est pas vraiment expliqué, à vrai dire…
- T’AS COUCHÉ AVEC MA FILLE ?????? »
Till vient de se lever d’un bond. Il me surplombe comme une montagne gigantesque, menaçant de me tomber dessus comme un arbre qu’on aurait scié.
« Laiss…Laisse-moi t’expliquer…
- Qu’est-ce qui se passe ici ? demande Annie, en chemise de nuit, derrière son père.
- Schneider a couché avec Nele, lui dit Jenny sur le ton avec lequel on raconterait l’épisode d’une série télé.
- C’est pas vrai ! s’exclame Annie, intéressée.
- Si, si, l’assure Flake, presque souriant. »
Till se dirige vers eux d’un pas lourd et leur claque la porte au nez. Puis il revient sur moi, et m’attrape par le col de la chemise. J’ai presque l’impression de me retrouver sur la pointe des pieds, son nez collé au mien, son regard méchant rivé sur moi.
« Tu as osé touché ma fille ! dit-il d’une voix de mafioso qui contient sa colère.
- Je…je suis désolé, sangloté-je. Je croyais…je croyais l’aimer, tu sais ! Je sais pas ce que…ce qui m’a pris…je l’aime toujours au fond…mais je n’arrive pas accepter tout ça…à accepter notre différence d’âge – et puis, le fait que ce soit ta fille – et puis, le fait que Regina veuille toujours de moi – et…
- Stop ! »
Till soupire. Il me lâche et je tombe dans le fauteuil. Il secoue la tête. Il s’étire un peu et regarde ailleurs. Il semble réfléchir. Comme lorsqu’on lui dit que les paroles de telle chanson, ça ne va pas – il prend généralement son air renfrogné et montre combien ça lui fait chier de devoir les réécrire. Là, pareil. Il me surveille du regard. M’analyse au laser. Puis regarde à nouveau ailleurs, comme si ma vue lui faisait penser à celle d’un chien poisseux, qui traîne dans son quartier à la recherche d’une maigre petite chose à manger.
« C’est une fille bien, Nele, dis-je enfin. »
Till me dévisage à nouveau. Puis il s’assied.
« Oui. C’est pour cela qu’elle mérite mieux qu’un bipolaire comme toi ! »
Je suis à la fois sonné par l’incongruité de sa réponse et vexé par ses propos.
« Je suis pas bipolaire…
- Ah bon ?
- C’est Paul le dépressif, pas moi.
- Non. Paul, c’est un dépressif à temps partiel. Toi, c’est tout le temps. Comme un bipolaire.
- Si tu le dis.
- Oui, je le dis ! Et quelle idée que t’as eue de draguer ma fille ???? Tu pouvais pas plutôt te taper Khira ?!
- Elle est trop jeune, voyons !
- Ma Nele aussi !
- Oui, mais elle est majeure…
- Ouais, mais Khira aussi !
- Non, Khira, elle est majeure depuis février dernier seulement…et…
- Ah parce que ça date d’avant février en plus ???!!!!
- Je t’ai dit : depuis nos vacances d’hiver…
- Ah oui… Mais comment tu peux… ? Quelle idée t’as eue, hein ? Tu pensais qu’après quelques mois de votre petite aventure secrète, j’aurais dit Amen à votre relation ? Sachant tout ce que tu m’as dit au sujet de Regina ?
- Non, je me doutais bien que tu n’approuverais jamais…
- Ben, alors, POURQUOI ?
- Je sais pas… »
Till soupire à nouveau.
« Je crois que j’ai eu besoin de son affection…tu sais, quand on croise quelqu’un comme ça et qu’on se dit qu’elle pourrait…qu’elle pourrait guérir les maux…les maux divers…qu’on ressent tous les jours…et puis…
- Schneider ?
- Oui ?
- Tu vas me promettre de ne plus toucher à ma fille !
- Mais…
- Il est HORS DE QUESTION – tu entends bien ? HORS DE QUESTION que tu fasses souffrir mon petit ange !
- Mais…
- C’est bien clair ? »
Son index menaçant est dirigé vers mon visage, prêt à frapper si je donne la mauvaise réponse.
« Oui. »

(suite! http://doomkrusmannders.blogspot.com/2009/11/nur-gotter-durfen-dich-beruhren-5.html )

3 commentaires:

  1. Merci pour cette bonne crise de rire ! J'adore Till ! :D
    Finalement ces parties 3 et 4 sont comme un bonus pour moi ! Hâte de lire la suite, comme toujours ! ^^

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  2. rahh mais qu'est-ce qu'il fait chier, Till! C'est tout lui ca... en même tmeps, j'ai cru qu'il allait frapper Doom... j'étais dans mon fauteuil à me dire: Non! la pauvre gueule de Doom!

    Et sinon, Doom va se faire démolir, ou va se prendre un coup de Till, comme dans les bonnes vielles ficitons qui parlent de la mère de Khira et Nele. (Richard qui dit ;a Till qu'il atend un enfant, Till qui tape sur Richard...)...

    M'enfin, je reste encore affamée. Elle sera courte alors? Rahh, j'ai hâte de me refaire Vertrau Mir en anglais alors :P

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  3. "Sa bouche forme un O dont je me serais bien passé" : cette image m'a beaucoup fait rire. J'imagine très bien Till avec une tête comme ça XD
    Il a un sacré courage Schneider pour tout avouer à Till. J'ai vraiment cru à un moment que ce dernier allait lui fracasser la tronche xD
    Hâte de voir la suite en tout cas ! Si la prochaine partie risque d'être la dernière, je serais bien curieuse de voir comment va finir cette histoire.

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Ich verstehe nicht - 15

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