jeudi 24 décembre 2009

Berlin - concert du 19 - et mes mésaventures

Berlin – 19-12-2009

Après avoir posé bagages au Generator Hotel puis fait un peu de tourisme le 17 et le 18, c’est parti pour l’attente devant le Velodrom : il est 11h30 du matin, il fait -15°C. Et il n’y a qu’une petite vingtaine de personnes présentes.
On se réchauffe tant bien que mal à coup de thé et chocolat chaud – il y a la piscine pas loin où on utilise les toilettes à volonté surtout parce qu’elles sont chauffées. Bizarrement, à Paris, j’étais venue peu avant 8h30 mais l’attente m’a paru plus courte – les températures, ça jouent beaucoup !
Mon amie Belge, mon amie du Vénézuéla et moi, on sympathise direct avec deux Suédois mignons et deux filles des Pays-Bas, et très vite, c’est concours de chant à l’aide des iPods de chacun. ITDW s’impose jusqu’à être chantée juste avant l’ouverture des portes, à 18h30 pile cette fois (ce ne fut pas le cas le 18, à ce que j’ai vu).
Fouille approximative, problème pour lire les codes barres à l’entrée, résultat : moi qui étais parmi les 10 premiers à passer, je dois courir comme une malade pour rattraper mon retard. Des tas d’escaliers – on descend, on court, on monte, on remonte, on court – le Velodrom est un véritable labyrinthe aux issues très mal indiquées, mais je finis par me poster là où je voulais, exactement là où j’étais à Paris : premier rang, côté gauche, pile devant le micro de Paul.

Mes amies me rejoignent quelques minutes après – étant la plus petite et ayant sprinté comme une malade, j’avais pris plus d’avance qu’elle. Les mecs de la sécu sont peu commodes et nous interdisent de poser nos sacs et manteaux sur la barrière ou derrière donc ils finissent par terre sur mes pieds. [Je pense d’ailleurs que c’est pour cela que la fosse bougeait peu à Berlin, comparé aux shows français : même si la salle plus petite (une seule rangée de gradins, avec des gens debout au fond) et un public très allemand doivent y jouer beaucoup aussi.]

Combichrist arrivent vers 20h30 – concert plus court (5 chansons seulement, dont ma préférée Get your body beat) mais plus énergique qu’à Paris le 8 : Andy était en forme, a balancé une grosse caisse à Joe, qui a jeté une baguette dans ma direction (la baguette est désormais dans une valise à Francfort où mon amie du Vénézuéla, qui joue de la batterie, attendait son vol hier). Pas grand-chose à dire si ce n’est que les Allemands n’accrochent pas à CC – et que Joe avait l’air déçu par la « marchandise » quand il est venu faire son petit tour devant les barrières pendant Rammstein). Mais bon, j’ai ma photo avec lui quand même (durement gagnée car je ne suis visiblement pas son type).

Rammstein maintenant ! (oui, je sais, ça commence à être long !)
L’entrée sous les fous rires de Paul, destinés à un ingénieur ou un assistant sûrement. Richard aussi y met du cœur et sera aussi enthousiaste qu’à Anvers, où il dansait presque. A Berlin, il ira jusqu’à taper dans la main de Paul et Ollie – et même monter sur le bateau pour Haifisch – moment mémorable, même si le voyage a été tumultueux et plutôt court : les fans, qui lui font des misères, sont décidément bien coquins avec Richard, qui a l’air soulagé de revenir poser les pieds sur scène. C’est sûr : son expérience à St Petersbourg et celle-ci ne le convaincront pas de recommencer !
Paul : purement et simplement adorable. C’est vraiment DER BESTE sur scène : il a souvent fait des signes aux fans, dont moi et mes amies, puisque Sasha (Vén.) n’arrêtait pas de lui faire « You rock ! » par signes, auxquels Paul a répondu par les deux doigts levés bien mythiques chez les headbangers et une tête du genre à dire « Ouais, je sais ! ». J’ai aussi eu l’impression que sur Waidmanns Heil, Paul m’a reconnue : il m’a tout simplement pointée du doigt en souriant. Je mets ça sur le compte de mon tatouage atypique ! ^^
Till et Flake fidèles à eux-mêmes : leur duo est délirant, Flake allant imiter Till quand il se tape la cuisse, ébouriffant les cheveux du colosse avant de le pousser sur ITDW, toujours aussi synchro sur Weisses Fleisch. Bref ! Parfaits. (Même si Flake toussait beaucoup quand il jouait dans son coin.)
Grosse déception par contre sur Schneider qui, en comparaison, semblait totalement distant.
Ollie aussi au début, mais s’est vite rattrapé quand il a décidé, vers le 1er rappel je crois, à cramer sa basse verte sur une cheminée de fond de scène. Paul, situé devant, n’a rien remarqué d’où sa tête sceptique face à nos fous rires et nos encouragements.

Excellente impression pour les changements niveau décor et lumières : les ventilos de chaque côté de scène sont l’occasion d’une autre facétie de Paul, prêt à tout pour faire rire : il s’est posté devant pendant FiP, où il a gigoté le postérieur ou fait semblant de surfer (au choix suivant les points de vue) jusqu’à se retrouver avec les cheveux ébouriffés, laissant entrevoir sa calvitie décidément trop précoce. Une scène donc plus éclairée aussi, ce qui réjouira tous ceux qui avaient critiqué le show avant, même si l’effet de surprise sur Wiener Blut (à « Aus ! » à la fin du premier couplet) ne fonctionne pas car l’obscurité n’est plus totale, et les lasers moins visibles. Par contre, le rideau qui tombe sur FiP rend beaucoup mieux puisque le changement de décor est tout de suite plus flagrant.
A noter aussi le maquillage d’Ollie : du rouge sous les yeux en plus, ce qui bizarrement lui donne un côté encore plus extraterrestre !
Un Till qui fait semblant de chanter les chœurs de Rammlied pour montrer la lumière dans sa bouche et qui mime les paroles des nouvelles chansons – je me souviens surtout du moment où, sur Haifisch, il se poste à côté de Paul pour chanter « Wir halten uns den Arm » et Paul, toujours aussi comique, se redresse et regarde Till de biais avec une tête du genre « Mais je le connais pas ce type ! »
D’ailleurs, je suis sûre d’avoir vu Till sourire lorsqu’il chantait Keine Lust du côté gauche – j’ai pris l’habitude de faire les mêmes mimiques (même pour le fameux « onanieren ») mais est-ce la raison ? aucune idée ! Till a toujours l’air trop concentré pour voir le public de toute façon.
ITDW d’abord chantée avec les fausses paroles, mais face à un public préparé, Till abandonne et nous balance le second couplet non censuré, pour le plus grand plaisir de la foule – je pense que c’est le moment le plus fort de la soirée avec deux-trois autres chansons. Il faut croire que la remarque de Schneider dans le dernier Metal Hammer allemand, reprise par Richard dans le nouveau Rock One hors série, explique bien tout ça : que peuvent faire Rammstein si le public veut ITDW, chantent la chanson dans la file d’attente, la reprennent en chœur en concert ? Rien ! Et c’est tant mieux comme ça (FUCK URSULA !)

Derniers détails pour la fin : Joe Letz est venu prendre Paul en video avec Ollie s’amusant à poser à côté avant de filmer le public et prendre en photo quelques fans (inutiles de préciser lesquelles – le féminin rend les choses évidentes). Ma copine mannequin à temps partiel l’a tout de même envoyé balader (le look Joker n’est pas son genre – ou Joe n’avait pas 5 pass backstage à disposition – au choix !), et la trentenaire en gothique sexy derrière nous n’a visiblement pas compris ce que Joe et Danny (le bras droit de Finger) lui proposaient. Je tiens aussi à signaler que Joe qui part à la pêche pendant Engel n’était visiblement pas du goût de Paul, qui avait complètement perdu son sourire après avoir joué les acteurs comiques pour la vidéo perso de Joe.
Richard est bien évidemment à nouveau passé taper des mains au premier rang – unique mouvement de foule de la soirée, et cette fois, c’est les deux mains moites de Richard que j’ai touchées (non, je n’ai pas léché cette fois non plus ! haha)

Fin du concert : la nostalgie me prend, et les mecs de la sécu nous disent de dégager. Je pars direct m’acheter une boisson car je veux mon gobelet Pussy ! (Il est d’ailleurs toujours dans ma valise perdue à Francfort ! FUCK LUFTHANSA !) Et puis, il faut le dire: le froid puis la chaleur des flammes: je crève de soif ! Mes amies et moi, on fait le tour de tous les stands – elles se prennent des T-Shirts; je demande où je peux échanger mon billet format PDF pour le vrai (qui a la couverture de l’album dessus, avec le titre doré) mais on me dit de contacter Pilgrim.
Passage à la pizzeria vers minuit, puis longues discussions à l’hôtel. Le lendemain, Tine (Belg.) rentre au pays, Sasha et moi restons encore un jour. Le soir du 20, on fait le tour du Velodrom et résistons à la tentation d’acheter un autre billet à la sauvette – plus de 100€ même en attendant jusqu’à 19h ouverture des portes – trop pour nous.
Le lendemain, la neige me bloquera à Francfort pour une après-midi et une nuit supplémentaire. Ma valise ? Toujours pas retrouvée.

Je suis heureuse d’avoir vu ce deuxième concert car il était mémorable – malgré tous les imprévus, et le sentiment de tristesse qui s’abat quand l’outro Ohne Dich retentit.

C’est certain que je veux les revoir en 2010 mais Birmingham n’est plus pour moi. Peut-être Bilbao ?Après tout, j’ai naturellement écrit « deuxième concert » - pas « second » ! ;)

samedi 12 décembre 2009

Paris Bercy - 8 décembre 2009 - Rammstein

Comme vous l’attendiez tous (mouahaha !), voici ma review !

Je tiens à préciser que je ne vais pas vous sortir un pâté décryptant chaque chanson dans les moindres détails – même moi, ça me ferait chier ! Je vais donc tout simplement classer mes impressions en trois parties (comme dans une dissert’, ouaaaaiiiis !) : 1 ambiance générale, concert dans son ensemble ; 2 les petits détails ; 3 les extras.

1.
Il faut l’avouer, c’est mon premier concert rammsteinien – la comparaison, je ne peux pas la faire, à part avec les DVDs, qui n’ont strictement rien à voir. D’autant plus qu’à venir vers 8h30 du matin me poster dans la file de la fosse, derrière deux ou trois tentes et une trentaine de personnes vite devenues une cinquantaine plus tard, m’a amenée à me retrouver quand même au premier rang (j’ai couru plus vite que la vieille qui avait essayé de nous gruger moi, Lindefrau, Zerfetzen et ses amies, niark ! niark !), en face de Paulo – bref ! exactement là où je voulais – ce qui donne un point de vue unique par rapport aux gradins ou les caméras : lacunaire, mouvementé mais ‘organique’.
Il est clair que le concert m’a paru court, mais j’ai parfois le sentiment que c’était parce que je connaissais les effets et la setlist presque par cœur. Ça gâche l’effet de surprise, même si j’ai aussi l’impression d’avoir ainsi pu faire plus attention aux détails qui m’auraient très certainement échappés. Le décor du fond très indus révélé après FiP, Till bousillant son tourne-disques sur Wiener Blut, ou massacrant son micro émasculé de ses quelques godemichets (je me demande où ils sont passés…), l’espèce de bise entre Richard et Paul lors d’une des premières chansons, conclue par un Richard hilare et un Paul sceptique, Paul qui s’amuse à désaccorder la basse d’Ollie (j’ai même une photo, mais un souci avec mon ordi qui m’empêche de poster mes fichiers ou des les envoyer – je vais régler ça), ou encore l’erreur de Till sur Waidmanns Heil, que j’ai tout de suite repérée avec Paul (qui a secoué la tête du genre : « Non mais fais pas attention » - d’ailleurs, je confirme l’impression de Pierrick : Paul avait l’air d’abord étonné puis heureux de voir qu’on connaissait les paroles par cœur devant)… Bref ! connaître un concert par cœur avant de le voir, ça a ses avantages et ses inconvénients. Mais pour un show filmé, pour lequel le groupe semblait être ultra sérieux (Paul au début surtout), pouvoir reconnaître la chanson direct et la chanter aussi fort que possible (ma voix est toujours un peu enrouée), est selon moi un must !
Après avoir vu les videos d’ArNeT, qui était en gradins et que j’ai rencontré dans le train au retour (j’avais toujours le bracelet rose très Pussy donné à ceux qui ont accédé à la première partie de la fosse, qui permet donc d’être facilement repérable, haha !), j’en conclus que le pouce levé de l’ingénieuse du son qui passait devant les enceintes n’était pas fortuit : on peut être fier de nous ! héhé ! Nous sommes « incrrroyables » comme dirait Till. En même temps, c’était limite prévu : les caméras étaient passées dans la file d’attente déjà ! ça sentait le DVD potentiel à plein nez ! Et ce ne sont pas les quelques bonhommes accrochés à leurs caméras à l’entrée du Bercy qui m’ont contredite.
J’ai eu un doute sur FiP par contre car je sentais l’ambiance un peu calme, à mon goût – mais bon, devant, on ne calcule pas. Peut-être que c’était différent le 9 ?
Bizarrement, je m’attendais à une fosse bien plus invivable aussi. Il faut croire que l’idée de l’avoir partagée en deux fut le coup de génie pour éviter des mouvements de foules ingérables. Bon, deux mecs me sont passé par-dessus la tête ; j’ai dû m’écarter pour laisser passer une fille aux allures stone, le regard presque vitreux tellement en état de choc ; la pétasse à ma gauche empêchait les gens au deuxième rang de s’accrocher à la barrière (alors que je préférais de loin qu’ils s’accrochent plutôt qu’ils nous écrasent !) tout ça parce que Mademoiselle avait « besoin d’espace » ; j’ai une côte qui me fait mal, des bleus sur les genoux, mais peu importe ! Paul m’a souri !

2.
Schneider m’a paru distant, plus encore que sur les videos des précédents concerts. Ollie aussi, mais je mets ça sur le compte de son caractère timide – même s’il aurait pu être plus réceptif aux « O-LI ! O-LI ! » que criaient certains (je sais qui maintenant !). Même quand Paul lui a fait le coup de dérégler sa basse, il s’est contenté de sourire gentiment, sans plus. Till était très pro ; ses mimiques sont chorégraphiées ; ça y est, on peut dire que la tournée est bien installée dans le routine que Till apprécie mais qui fait soupirer Flake. Flake est d’ailleurs délirant avec son look cuirasses et manteau de cuir, le truc sur sa tête et les lunettes combinées au fard blanc sur son visage lui donnant un air cadavérique, auquel je préfère quand même le look disco-funk ! Richard nous a fait l’honneur de passer toucher les mains – à une vitesse folle, alors qu’il y avait des estrades en pierre juste devant, mais pas assez vite pour m’empêcher de frôler son épaule transpirante (non, je n’ai pas lécher ma main ensuite – mouahaha !)
Ma préférée du concert reste ITDW, évidemment, même si Haifisch n’est vraiment pas loin derrière. ITDW a pourtant eu un petit souci lors de l’effet (seulement 2 explosions au lieu de trois – oui, je chipote un peu !) mais les mimiques de Till (déjà vues mais tout de même géniales de revoir : à savoir le coup du « Je lui ai fait sa fête » en glissant sa main sous son cou en signe de mise à mort) restent historiques. Si je devais citer la troisième qui m’a le plus marquée, c’est Links, que je n’aime pas, mais qui est décidément bien cadrée pour le live. Celle que j’ai déjà oubliée : Bückstabü, nulle en studio, nulle en live. Wiener Blut se rattrape par la mise en scène, avec les poupées qui ont explosé cette fois, laissant les cheveux de Till récupérer les morceaux de poupées tandis que Paul s’était réfugié sur son estrade.
Du Hast est bel et bien tronquée volontairement par le groupe au niveau du break où le public est censé chanté juste avant l’arbalète : on répète tout simplement « Du…du hast…du hast mich » et on oublie le reste. Ça se voyait à la tête résignée de Till qui faisait signe de continuer dans la lancée sans se préoccuper des paroles d’origine.
Pour revenir au look du groupe, j’avoue que les manches collées aux bras de Richou ou le filet sur la tête de Till, qu’on ne voit pas, mais qui donne l’illusion qu’il a tellement transpiré que ses cheveux sont restés collés sur sa tête, ça ne le fait pas. La veste d’Ollie, elle est pourrie ! A choisir, je préfère le look « rockeur de 15 ans » de Paul – bien plus sympa, même si on voyait la raie de ses fesses quand il se baissait !
Et pour finir, Richard et ses muscles…eh bien…bon okay, c’est vrai qu’à un mètre vite fait, comme ça, okay, ils ont l’air impressionnants, mouais. Mais bon, j’ai préféré mitrailler Paulo quand même ! nah !

3.
Combichrist en live, c’est pas mal. Bon, je regrette l’ordre des chansons : ils ont fini par What the fuck is wrong with you puis Blut Royal, alors que j’aurais préféré Get your body beat en final : je la trouve plus entraînante que les autres, plus sympa pour finir en beauté. Le public n’était pas réactif de mon côté – et à la tête d’Andy vers la fin du concert de Rammstein (vers le 1er rappel, si je me souviens bien), il n’avait pas l’air satisfait du tout.
Dans la file d’attente, j’ai pu faire la connaissance de deux « lourdingues » qui comptaient les « meuh », dont un a offert de me protéger dans la fosse mais qui est vite parti en arrière à Rammlied. Dommage, il était sympa et m’a épelé son nom de famille pour que je le retrouve sur Facebook, l’ennui c’est que j’ai une très mauvaise mémoire donc, Nicolas Van-quelque-chose, copain de Julien et d’un autre, dont j’ai aussi la sœur en photo, mais qui ne sont pas inscrits sur le fofo, si vous lisez ces lignes, n’hésitez à vous manifester ! De même pour Louis, collégien bien sympathique même s’il m’a appelée Madame lorsque je suis arrivée dans la file d’attente (j’ai failli avalé mon petit déjeuner de travers !) et qui nous a accompagnées moi et Lindefrau au bar où ils passaient le DVD Live aus Berlin – une pause qui requinque bien et fait monter la pression vers 15h, surtout quand Seemann passait…
Contente d’avoir pu retrouver Sonnen à la fin, avec Shoto, son frère et Fibz la chanceuse – ainsi qu’une autre dont j’ai oublié le pseudo, et puis aussi la « Chloé qui dessine » (encore oublié le pseudo) – bref ! c’est sympa de m’avoir reconnue « grâce à mon tatouage » (j’aurais au moins découvert un aspect utile à ce tattoo !)
Et last but not least, coucou spécial à ArNeT, Toulousain croisé dans le train retour et avec qui les 5 heures et demi de TGV ont passé bien plus vite que prévu !

Sur ce, mon pâté est bien assez gavant, alors je vous dis :
J-7 avant Berlin…

samedi 5 décembre 2009

Glaub mir - translation - part 2

Her tongue around mine is like an electroshock. The spark that results slithers straight into my bowels, where it remains just a little while before it goes and wakes my sex back into motion. Myalis allows me no way out: her knee settles between my thighs, her hands pin my shoulders against the couch. After losing control of my tongue, I can see my hands exploring the burning, slender waist of the girl who, in order to make all my scruples vanish, just whispered into my ear:
“Believe me: I am not a virgin.”
Her remark makes me realize that she is only fourteen, she is even younger than Marie-Louise, I’d better, no, I must curb her enthusiasm before it’s too late – but it is already too late: Amaryllis’s phantom comes back into my arms – still elusive – who slips out of my hands – still passionate, and with the same authority when she rides me – still delicate too… so I take her gently and lay her down on my couch under my body crackling with desire for her.
Deep down, my conscience screams I should stop, but I can’t – I do not see the fourteen-year-old girl anymore – I see her mother resurrected, who appeared specially for me to redeem my sins, my doubts too. I do not see the woman with whom I had dared imagine experiencing a mad passion for one night, one night in my miserable existence devoid of any emotion that makes hearts flutter. I see only the corpse who haunts my nightmares and comes back to me in an enchanted dream, almost too exquisite to be true. I do not see how much Myalis’s hands are smaller, her skin softer, her flesh so firm. Yes, I’m losing my mind. I completely lose my mind when she comes loudly, clasping my penis in her vagina so tightly that it gets intoxicated with these unpredictable contractions, deliciously uncontrollable. I know that I am rushing headlong into a volcano with every jerk. I know that my remorse will trigger not only the shame of a coward but also the disgust of the pervert one. I know, I know all that. But my body did not give a damn!
When I ejaculate, my eyes close, my mind is dying, and my body hugs the tiny creature who is scratching my ribs. The ecstasy that seizes me is such that I even forget my name – I forget everything – everything that makes me a man.


„Sie will es und so ist es fein
So war es und so wird es immer sein
Sie will es und so ist es Brauch
Was sie will bekommt sie auch“


***

“Wake up.”
When I opened my eyes, I saw her bending over me to grab her jacket.
“That’s an hour drive to Schwerin airport, right?”
“Er…ja…yes, why?”
“There are only two and a half hours left before takeoff,” she said, putting away her jacket in her luggage.
“Oh, crap!”
She stepped aside to let me get dressed, I rushed to take my keys, we drove as fast as possible to the airport. When she showed her ID card to the hostess, I had not realised what had happened yet. I still had the evanescent taste of our fiery flirtation in my mind like a dream I’d rather forget. And in front of the security gates, I didn’t want at all to decide whether my unforgivable act was real or not.
She turned towards me one last time, she gave me a half-smile, and then she exclaimed:
“I think we won’t meet again!”

***

Amaryllis’s petal. This is all that you are when I look at the scratches that you left on my shivering skin. And I weep.
Tears of shame –
And tears of hate.
I became a beast for you to forget.
I forgot the man who I should have remained.

This is only fiction. I do not pretend to describe similarities with the personality of real people.
I dedicate this short story to Till Lindemann, who will certainly forgive me.

mardi 24 novembre 2009

Glaub mir - translation - part 1


Let’s start with a short introduction:

“Glaub mir” is actually the result of “Vertrau mir…ich vergebe dir”, a fan fiction written in twenty chapters about the story of Gabrielle, a fan of the metal band Rammstein and a fervent admirer of the poet and singer Till Lindemann. After a concert in Nantes, she is raped by a security guard. Paul Landers witnesses the assault but finds himself unable to help the young woman because of an excess of alcohol during the after party. Gabrielle disappears and Paul feels so guilty that he chooses to cancel the tour. He even asks the police to find the young woman, without success.
Several years pass, during which Paul treats his depression with alcohol, while Gabrielle ends up renaming herself Amaryllis to become a stripper in a cabaret in Berlin. One evening, Paul, torn apart by a divorce and family conflicts, recognizes Amaryllis on stage thanks to her very particular tattoo on her chest. The man and the young stripper meet again and start a friendship which soon turns into love. But Amy is unable to reconcile the feelings of gratitude she owes to Paul with the admiration she still feels for Till. The love triangle gets complicated when Till seduces her while she now expects Paul’s child. The former, torn by remorse, confesses the betrayal to his friend, who cancels the marriage and leaves his fiancée and their daughter Myalis.
Amy comes back to the cabaret where she tries to raise her daughter while ‘burning angels.’ One winter night, she receives a note from Till, who expresses his regrets, along with a poem which compares Paul and Till with bees who voraciously gathered pollen from a helpless flower (an amaryllis). The next day, Amy, miserable and disoriented, is fatally hit by a bus. The day of the funeral, Paul comes to the cabaret and is told about the tragic accident – he drives back home in despair and sinks in alcohol. Deliriously pacing up and down his balcony, he finally stumbles and falls from the fifth floor, and dies.

NB: Gabrielle/Amaryllis comes from Toulouse (Fr.). When she died, her daughter Myalis was sent to France – her aunt took care of her.
I chose to call Paul’s third wife Sina – their daughter Hannah. I also assume that he has two other sons, Emil and Thomas/Tanja (transgenre). Besides, in “Vertrau mir”, Sina is supposed to be Schneider’s best friend while Maria is Till’s third girlfriend, with whom he had two sons, Esteban and Fabiano, stepbrothers for Nele and Marie-Louise.


Glaub mir

„Die Haut...so jung
Das Fleisch...so fest“


Amaryllis’s petal. This is what she is when she stands up. She puts on her panties, with a dark look certainly meaning “I knew you were a dirty pervert!” or something else, and then she gathers her things and goes to my bathroom to get dressed.

***

Fourteen years after Paul’s and Amaryllis’s death, I saw this little girl coming home, accompanied by her aunt, who wasn’t visibly so delighted to discover who I was. Since she doesn’t speak a word in German, and because I don’t understand French, she had called me from France to explain her choice with a rather vague English: she had waited until the little girl was fourteen to give her all my letters – that is, two every year, twenty-eight in all – and she had taken care of her education by sending her to a school where she could study German as a first foreign language (which is not easy to find in Southern France) so that she could read my letters, one day.
“Myalis is a good pupil,” the aunt said in an English more and more approximate towards my silent resignation. “She could translate all the letters and asked me who you are…”
The aunt, she’s a good little woman. A little plump, visibly resourceful and full of life, it’s obvious that she gave birth to four kids and has educated them properly. On the phone, she had explained that she had simply told Myalis what was “only necessary” about her parents: her mother went to live in Berlin, where she met an older man, that is her father, and with whom her mother lived a few months together before she died in an accident. Her father, who could not cope with this tragic loss, chose to commit suicide. In the story, I remain dad’s ‘best friend.’ In other words, what is “only necessary” turns out to be everything except one small detail – the breaking up and the reasons why they broke up, which therefore includes me in the story and modifies it slightly – but I think that the aunt may not have known this little detail and still may not know, since Myalis’s malice was such that she had chosen not to translate everything in my letters to see how much her aunt knew about the story.
“Actually, if I call you today, it’s because she wants to meet you, to know more about her father, how he was…”
Actually, Paul left little family behind, except three other kids who never knew what happened to Myalis: Emil chose to forget her, Tanja simply forgot, and Hannah was forced to forget because her mother Sina has broken off all contacts, even with Schneider. In her aunt’s view, who did her best to tell Myalis all that she knew about her sister, I am the best candidate to satisfy the father’s desire that grows inside the little girl. So I agreed on their coming to see me in Wendisch, in my lonely countryside, also on paying the flight tickets and even offering accommodation.

***

No, the aunt was not openly cheerful when she saw me. I suppose she did not expect that I looked so much like an old man (at sixty-six now I’m more like a grandfather), living alone in my huge house since Maria broke up – Maria, my ex girlfriend, who had seen fit to spread my problems with alcohol into the open in order to get the custody of our children. I no longer dye my hair black, no longer give myself a daily shave, often prefer to lay in bed all day long burning angels rather than exercising and swimming – an obvious sign of depression since swimming has always been my favourite hobby. Clearly, this is a very bad sign, along with alcohol – a family trait that I would have preferred not to inherit from my father. Even Nele dares not visit me (she pretends she is too busy with Fritzi)! I know, I know – I’m pathetic. For the perceptive aunt, it was perhaps no longer a good idea to leave just two days after her arrival, Myalis in my responsibility for the rest of the week – but since I booked the flights…
It seemed to me that Myalis was an introverted girl still with a frail body but a clever look in her eyes. When I opened the door the day of their arrival, she looked pensive, as if she was already calculating my surprise when I noticed how much she resembled her mother – with smaller breasts and without tattoos. She had the same wavy hair, although brown, not black, and without the red streaks Amaryllis used to have, and the same nutty brown eyes, with an incongruous sparkle in them, and the same neatly-shaped mouth, without its glossy red cleverly applied to its lips however as fleshy as her mother’s, and the same delicate hands, with long nails perfectly varnished. Myalis also inherited her mother’s taste for a modern and sophisticated clothes style, in spite of her young age, and chose to present herself to my eyes on this particularly hot summer day in a fuchsia blouse, a pastel pink skirt, and small white sandals. I confess: I was delighted to see that she was given her mother’s slender feet by providential genetics. I considered her as the perfect little clone, and she knew it surely.
The aunt didn’t notice the way I looked at Myalis during the two days under supervision – a dreamy, almost nostalgic look, which lingered on the girl’s beautiful buttocks before fleeing away immediately, ashamed – or resigned. And because the aunt seemed to be pleased with my cooking and my humorous anecdotes about Paul as the Joker, who had become a man full of life and flawless on every point through my tales, she flew back home without having scruples, only making sure that Myalis didn’t forget to call her during the week.
Myalis called her only once in order to make the right impression, mentioning that she was having a lot of fun with me, that I was organizing excursions for her to discover the region, that I was a funny guy, that I was telling her lots of interesting stuff about her father. Actually, Myalis asked mostly questions about her mother – she knew that I had had a very short relationship with her: she guessed so by reading her poems and my letters. Now she wanted all the details. It was like a self-inflicted injury for me, but I complied with her wishes like an old man who is eagerly asked to tell war tales. Myalis looked mature enough to understand all these burning feelings that overturn lives, so I did not hesitate telling her everything: from my passion for Amaryllis to my regrets at her death through my jealous remorse towards the tender and servile love that Paul felt for the same woman, and finally, my decision to step aside. Myalis didn’t understand my choice – from her retrospective and incomplete point of view, it was obvious that her mother felt only compassion for Paul, a depressive man, consumed by guilt and a certain lack of self-confidence. I told her it was unfair to her father, but she remained obstinate – Amaryllis didn’t love Paul, she said.
“She loved you. Couldn’t you see that?”
“She…she didn’t act so…”
“What? You’re talking about the time when she cried after sleeping with you?”
I nodded: Myalis is so frank that she can steal your words from your own mouth.
“Well! But you should have gone to see her after Paul had cleared her out! Instead of dropping a miserable poem and this small note…”
“You know…”
“What?”
“…It doesn’t help…to stir the past that way.”
Myalis remained stoic. I had just dissolved into tears as it happens to me sometimes on rainy evenings or sleepless nights, when solitude weighs on me like a vise squeezing, crushing, grinding up my shoulders. Myalis came and sat beside me, put her hand on my thigh and asked if I needed a drink. Strangely enough, her question made me laugh and I was still chuckling a little when I dried my tears with my sleeve and answered:
“No, no, it’s okay.”
When I looked at her, I saw that she wouldn’t stop looking at me – she was scanning the whites of my eyes as she was searching a flaw – and on the moment I felt like I dived back on the day when I saw her mother for the first time during a signing: Amaryllis had come in retro clothes in the femme fatale style perfect to the nails. That day, I had felt the same discomfort, the same doubts towards the glance that was inspecting the slightest details in me, as if it was trying to take a picture of my every expression. That day, I discovered how far the admiration of a fan could go in the desire to dissect me by analyzing all the poems of my first book, one by one, without exception, with the meticulousness of a pain-in-the-assing psychiatrist.
“My mother was right.”
“Why?”
“In one of her poems, she talks about time that makes men more attractive. She says that there are men who are unattractive until they’re twenty, but who are charming at forty. Not beautiful-charming, but attractive-charming. As if a sign with the inscription ‘No entry’ or ‘Do not touch’ was stuck on them: you want to see what lays behind, just out of curiosity.”
She said these words with a nonchalance that had me caught in a trap, and on her lips, I recognized the outline of Paul’s naughty smile, so I looked away and chose not to answer. Myalis wouldn’t let things get her down though. She sat up straight, grabbed my head in her small hands and gave me the most passionate kiss of my whole life.

[to be continued... here: http://doomkrusmannders.blogspot.com/2009/12/glaub-mir-translation-part-2.html ]

mercredi 18 novembre 2009

Nur Götter dürfen dich berühren - 5

5ème et dernière partie


C’est l’aurore quand je repars chez moi. Je sens que mes aveux vont faire du remue-ménage dans le groupe. Flake n’est pas du genre à tenir sa langue, et même si Till le menaçait de coups de poing, il irait quand même tout raconter à Paul, qui s’empresserait de tout dire à Oli, qui irait colporter l’info à Richard, qui viendrait me voir en disant :
« Si tu touches à ma Khira, je te butes ! »
Et je ne parle pas de Jenny qui se fiche bien de ce que pense Till et irait tout de suite appeler Saskia, qui irait voir sa mère, qui appellerait Till pour confirmer. La confirmation de Till créerait un nouveau raz-de-marée avec Saskia, qui appellerait donc Lidja (la femme d’Oli) pour qu’elle aille voir Regina et tout lui raconter.
Quoi qu’on fasse, je suis cerné.

Au fond, Paul a peut-être raison :
« Pfff ! T’es rabat-joie !
- Je suis pas rabat-joie ! ai-je protesté le jour où il m’a montré son deuxième tatouage qui ne ressemble à rien. Je pense juste que tu devrais réfléchir un peu avant de faire des trucs pareils…imagine que certains fans se fassent faire le même tatouage ! Je sais que pour toi, c’est juste un délire, et tu te contre-fiches de ce que ces tatouages signifient – et après tout, tu es libre de faire ce que tu veux de ton corps – mais quand même ! Tu devrais réfléchir aux fans…et ce que les gens diront…
- Bon, Okay – tu n’es pas rabat-joie : tu accordes trop d’importance à l’opinion des autres. Tu ne t’es jamais dit qu’on vivait plus heureux quand on se fout de ce que les autres vont penser ?
- Je…je suis pas d’accord.
- Mais bien sûr !
- Je vis ma vie comme je l’entends…et puis…si l’opinion des gens était si importante pour moi, je n’aurais pas fait le clip pour Pussy avec vous ! Or, t’as vu ? J’étais là. Bon, Viola et Hans…
- Qui ça ?
- Les parents de Leo, celui dont je suis le filleul – tu sais, je t’en ai parlé…
- Ah oui ! Mais où est le rapport avec Pussy ?
- Ben, ils ont peu apprécié – ce qui est normal : t’imagines pas leur surprise quand je leur ai dit que même si Leo leur demandait, il ne fallait pas lui montrer le clip.
- Ah ! Tu vois !!!
- Quoi ?
- Tu accordes trop d’importance à ce que les gens pensent de toi.
- Heu…non, enfin…
- Mais si ! La preuve !!
- Heu…je…mmm. »
Je ne lui ai pas dit qu’il avait marqué un point, mais il le savait. Il avait son visage de vainqueur : la tête haute, il m’a regardé longuement en affichant son sourire grandissant avant de secouer la tête avec un petit rire et de pianoter sur son ordinateur pour répondre à son contact MSN.

Je me demande si c’est l’âge ou mon caractère qui veut ça. Je veux dire : ce sentiment permanent d’incertitude. Je l’avais avant, mais à petite dose – il ne ressortait qu’une fois de temps en temps. Et puis, j’arrivais à jouer le jeu avec mon humour simplet mais efficace. Maintenant, mes doutes ont pris le dessus. Il m’arrive parfois d’avoir une conversation avec Oli ou Paul et d’un coup, mon esprit se déconnecte. Paul s’y est fait – il en profite généralement pour faire pareil. Surtout quand il était dans sa période noire il y a deux ans. Oli, par contre, a toujours l’air gêné : quand je reprends mes esprits, il a le menton coincé entre le pouce et l’index et me fixe d’un regard intrigué. Puis il me demande :
« Heu…ça va ?
- Oui, oui. On disait quoi déjà ?
- Rien. Ça fait dix minutes que tu regardes le mur sans m’écouter.
- Oh ! désolé. Je ne sais pas trop ce que j’ai – sûrement mal à la tête. »
Non. Je ne souffre pas de migraine chronique. Je réfléchis beaucoup. Peut-être un peu trop.
Au fond, Till n’a peut-être pas tort non plus quand il me traite de bipolaire.

J’enfonce ma clef dans la porte d’entrée. J’entre dans la pénombre puis referme la porte derrière moi. Je pose machinalement mon trousseau de clefs et mon manteau sur la table à côté de la porte. Je marche en direction du salon mais j’entends comme un froissement.
Je me retourne. Je ne vois rien car il fait encore nuit et je n’ai pas allumé la lumière. Je tâtonne contre le mur à la recherche de l’interrupteur pour savoir d’où provenait le bruit. Lumière. Personne. Sur le sol, une feuille blanche pliée en deux avec la trace de ma chaussure dessus.

« Christoph,
Papa m’a raconté qu’à Londres, Regina et toi vous étiez réconciliés mais que, pour une raison obscure, tu continuais à émettre des réserves. Nous savons tous les deux que cette raison, c’est moi.
Je ne veux pas d’une relation compliquée – je te l’ai dit. Je ne veux pas non plus souffrir pour rien, car j’ai trop d’amour propre pour ça. Je sais ce que des relations qui mêlent infidélité et jalousie donnent en général – j’ai eu mes parents en bel exemple.
Alors, je préfère mettre un terme à tout ça : tu seras toujours l’ami de mon père et éventuellement le mien quand tu auras dit la vérité à Regina. (N’attends pas que quelqu’un d’autre lui dise – je sais, je ne suis pas ta mère, mais je te connais assez bien pour deviner que tu vas jouer les peureux, te terrer chez toi en attendant que la tempête passe – sois un homme et prends les devants.)
Evite de me revoir au moins jusqu’à la fin de votre première tournée. J’ai besoin de temps.
Et surtout, n’oublie pas de remettre ton alliance – cette fois.
Je t’embrasse,
Nele. »

En lisant la fin de son mot, je souris en versant une larme. Puis je déchire la feuille en petits morceaux et me mets à les brûler dans le cendrier. Le coude posé sur le comptoir de ma cuisine, le briquet dans la main, je sens la fumée du papier me monter aux narines et j’ai encore plus envie de pleurer. Nele est la seule à connaître les circonstances qui ont précédé ma grosse dispute avec Regina. J’avais retiré mon alliance pour aller me bourrer la gueule dans un bar où je savais que personne ne me connaissait : un bar bien miteux de la périphérie berlinoise où même les chances de rencontrer un fan étaient minimes. Mais au cas où, c’était l’époque où je portais la barbe. Impossible de me reconnaître avec depuis que je me suis laissé pousser les cheveux aussi. J’avais retiré mon alliance sans but précis. Je voulais juste savoir ce que ça donnerait.
Une femme m’a accosté. Je ne sais pourquoi. Mon costume qui faisait toujours class même si je me laissais aller par ailleurs ? Mon visage ? Mes yeux, peut-être ? Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c’est qu’au bout de cinq minutes, c’était évident que la femme s’était assise à côté de moi pour plus qu’une simple cigarette.
On est allé à l’hôtel ; on l’a fait plutôt vite fait. C’était la première fois que je baisais une inconnue – et aussi vite. Je me suis senti gêné pour la femme et me suis fondu en excuses, ce sur quoi la femme m’a regardé en disant qu’elle avait vu pire – avant de se rhabiller nonchalamment.
En rentrant à la maison, Regina a tout de suite vu mon doigt sans alliance. J’ai essayé de bredouiller une raison abracadabrantesque mais Regina pleurait déjà, littéralement horrifiée de découvrir ma tromperie avec autant de facilité. Comme si je lui avait inconsciemment facilité la tâche – ou comme si je voulais la faire souffrir de manière purement sadique – alors qu’en réalité, j’avais simplement oublié.
Avec ma poisse, de toute façon, il fallait forcément qu’elle découvre tout dès le premier soir !

Une fois les bouts de papier tous en cendres, je retourne dans le salon pour m’en griller une. Je farfouille dans ma poche à la recherche de mon alliance. Je la contemple un petit moment avant de la renfiler sur mon annulaire tout en tirant sur ma clope. Enfin j’attrape le téléphone.

dimanche 15 novembre 2009

Nur Götter dürfen dich berühren - 3 et 4

3ème partie


Je suis resté assis jusqu’à la fermeture du restaurant. C’est le serveur, témoin impuissant de la scène, qui m’a plus ou moins mis à la porte. Je n’ai pas mangé grand-chose mais je n’ai plus faim. Depuis quelques heures déjà, j’erre dans les rues de Berlin, un peu au hasard. Sans but. Sans direction. Je n’arrive pas à croire ce qui est arrivé et j’aimerais rembobiner la soirée comme on rembobine une VHS pour revoir un passage. J’aimerais revenir en arrière.
En fin de comptes, je ne peux pas en vouloir à Nele. C’est vrai que Regina m’attendait à Londres. Elle m’a fait un long discours tout préparé (ça s’entendait à l’absence de fautes) pour « reconquérir ma patience » a-t-elle dit avec un sourire. Et j’ai accepté. J’ai accepté de la suivre en escapade amoureuse comme si toutes nos précédentes disputes n’avaient jamais eu lieu.
A Londres, c’est clair que j’aimais Regina. Et j’étais prêt à lui faire toutes les promesses qui apaiseraient son petit cœur. Mais quand je suis revenu à Berlin, je lui ai demandé de me laisser un peu de temps avant de la voir revenir habiter à la maison. En fait, je pensais surtout à Nele.
Je n’ai jamais aimé deux femmes en même temps. D’ailleurs, je me suis toujours moqué de Till et Richard à chaque fois qu’ils justifiaient leurs tromperies par leurs indécisions éternelles. Paul était souvent de mon côté à ce propos. Les tournées, en particulier, sont l’occasion pour les plus infidèles d’entre nous de se laisser tenter. D’où notre choix unanime de faire hôtel à part cet hiver. Découvrir Richard dans les bras d’une autre et avoir sa copine au téléphone le lendemain pour essayer de lui expliquer pourquoi Richard ne répondait pas à ses textos, ça me soûlait. Presque autant que nos disputes au sujet de la voix de Till qui déraille, ma faiblesse sur telle ou telle chanson, les fausses notes de Richard, les erreurs de setlist de Flake – bref ! toutes nos disputes, en fait ! Par conséquent : on a décidé de voyager dans des bus différents aussi. En ce moment, il est préférable de s’éviter – même si je m’entends toujours bien avec Paul et Till, je ne peux plus saquer Richard, qui ne peut plus saquer Paul, qui lui-même préfère rester avec Oli qui, lui, a du mal à comprendre Flake. Par contre, Flake fait bande à part depuis toujours alors ça ne lui change guère.
Mais je m’égare un peu, là.

Revoilà les deux chiens attachés à la même laisse. L’un a le morceau de carton dans sa gueule, morceau de carton que l’autre essaye de lui prendre. J’en ris. Rire jaune.
Quelle métaphore absurde de la vie de couple ! me dirait sûrement Paul. Il n’aurait pas tort. D’ailleurs, c’est marrant : j’ai comme entendu sa voix quand j’ai pensé ça. Je me retourne. Non. Personne.


Parfois, j’ai l’impression d’être malheureux. Perpétuellement insatisfait, pour être exact. Et je connais les causes. Mais je m’accroche à mon mal-être. Comme ces deux chiens qui restent attachés ensemble. Pour le meilleur. Et pour le pire.



4ème partie


« Mais qu’est-ce qui t’amène à cette heure-ci ? me demande Flake, en robe de chambre et chaussons de vieillard.
- C’est vrai que Till est chez toi ?
- Heu…oui. Pourquoi ?
- Je peux lui parler ? »
Derrière Flake, c’est Jenny qui arrive. Vêtue de la même robe de chambre. Et portant les mêmes chaussons. Comme le ferait un vieux couple.
« Eh bien…je crois qu’il dort profondément. Si tu veux t’aventurer à le réveiller, libre à toi ! »
Flake me laisse entrer, puis m’indique la direction de sa chambre d’amis. Till y ronfle bruyamment. Je le secoue légèrement d’abord, puis franco. Il marmonne de le laisser dormir avec sa grosse voix qui fait peur, et j’insiste. Je lui dis que c’est à propos de Nele. Il ouvre les yeux et se lève d’un coup.
« Qu’est-ce qu’elle a ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Il y a…un truc…dont je dois te parler.
- Elle a eu un accident ? demande-t-il avec inquiétude en sortant ses jambes de dessous les draps d’un geste vif.
- Non, non. Elle va bien.
- Ah, soupire-t-il de soulagement. Mais pourquoi tu me réveilles à c’te heure, alors ? »
Je regarde ma montre. Presque cinq heures du matin. Je n’ai pas fait attention.
« Désolé. C’est juste que…je n’ai pas osé te le dire avant parce que…parce que j’avais peur de ta réaction…et…de ce que tu en penserais. Toi, et les autres du groupe aussi. Et puis, mes amis et ma famille et…et ma femme.
- Hein ? »
Till est désarçonné. La tête penchée en avant pour mieux me voir dans la pénombre, les deux mains posées sur le lit à côté de ses cuisses poilues.
« Je… Moi et Nele…heu…
- Quoi ? »
Soudain, Till et ses muscles me paraissent plutôt effrayants. D’autant plus qu’il n’a pas arrêté de faire du sport ces derniers mois et il a retrouvé le physique qu’il avait pour la dernière tournée. S’il s’énerve, je vais sentir passer sa colère. Je recule donc pour m’asseoir sur un fauteuil contre le mur.
« En fait…je…c’est dur à expliquer…
- Bon, viens-en aux faits, là ! Je suis fatigué !
- Désolé. C’est juste…c’est juste que ce soir, j’ai pas arrêté d’y penser et…
- Pfff !!! »
Till se gratte le dos, puis jète un coup d’œil à la porte. Flake se tient dans l’encadrement, curieux de connaître la raison de ma visite nocturne.
« J’ai…j’ai couché avec Nele. »
Till me dévisage. Son expression s’est figée. La bouche demi-ouverte. Le choc complet. Je regarde Flake. Il ne cligne même pas, il clignote des yeux. Sa bouche forme un O dont je me serais bien passé. Je regarde à nouveau Till qui n’a pas bougé.
« Tu plaisantes, j’espère ?
- Heu…non. On a…on s’est vu…heu…ça fait quelques mois qu’on…
- Quelques mois ?
- Heu…oui, ça a commencé…tu sais, pendant nos vacances…tu te souviens…
- Oui.
- Bref…heu…
- Tu couches avec ma fille ?
- Heu…oui…enfin…on a…enfin, aujourd’hui, on s’est séparé…enfin, je crois. On s’est pas vraiment expliqué, à vrai dire…
- T’AS COUCHÉ AVEC MA FILLE ?????? »
Till vient de se lever d’un bond. Il me surplombe comme une montagne gigantesque, menaçant de me tomber dessus comme un arbre qu’on aurait scié.
« Laiss…Laisse-moi t’expliquer…
- Qu’est-ce qui se passe ici ? demande Annie, en chemise de nuit, derrière son père.
- Schneider a couché avec Nele, lui dit Jenny sur le ton avec lequel on raconterait l’épisode d’une série télé.
- C’est pas vrai ! s’exclame Annie, intéressée.
- Si, si, l’assure Flake, presque souriant. »
Till se dirige vers eux d’un pas lourd et leur claque la porte au nez. Puis il revient sur moi, et m’attrape par le col de la chemise. J’ai presque l’impression de me retrouver sur la pointe des pieds, son nez collé au mien, son regard méchant rivé sur moi.
« Tu as osé touché ma fille ! dit-il d’une voix de mafioso qui contient sa colère.
- Je…je suis désolé, sangloté-je. Je croyais…je croyais l’aimer, tu sais ! Je sais pas ce que…ce qui m’a pris…je l’aime toujours au fond…mais je n’arrive pas accepter tout ça…à accepter notre différence d’âge – et puis, le fait que ce soit ta fille – et puis, le fait que Regina veuille toujours de moi – et…
- Stop ! »
Till soupire. Il me lâche et je tombe dans le fauteuil. Il secoue la tête. Il s’étire un peu et regarde ailleurs. Il semble réfléchir. Comme lorsqu’on lui dit que les paroles de telle chanson, ça ne va pas – il prend généralement son air renfrogné et montre combien ça lui fait chier de devoir les réécrire. Là, pareil. Il me surveille du regard. M’analyse au laser. Puis regarde à nouveau ailleurs, comme si ma vue lui faisait penser à celle d’un chien poisseux, qui traîne dans son quartier à la recherche d’une maigre petite chose à manger.
« C’est une fille bien, Nele, dis-je enfin. »
Till me dévisage à nouveau. Puis il s’assied.
« Oui. C’est pour cela qu’elle mérite mieux qu’un bipolaire comme toi ! »
Je suis à la fois sonné par l’incongruité de sa réponse et vexé par ses propos.
« Je suis pas bipolaire…
- Ah bon ?
- C’est Paul le dépressif, pas moi.
- Non. Paul, c’est un dépressif à temps partiel. Toi, c’est tout le temps. Comme un bipolaire.
- Si tu le dis.
- Oui, je le dis ! Et quelle idée que t’as eue de draguer ma fille ???? Tu pouvais pas plutôt te taper Khira ?!
- Elle est trop jeune, voyons !
- Ma Nele aussi !
- Oui, mais elle est majeure…
- Ouais, mais Khira aussi !
- Non, Khira, elle est majeure depuis février dernier seulement…et…
- Ah parce que ça date d’avant février en plus ???!!!!
- Je t’ai dit : depuis nos vacances d’hiver…
- Ah oui… Mais comment tu peux… ? Quelle idée t’as eue, hein ? Tu pensais qu’après quelques mois de votre petite aventure secrète, j’aurais dit Amen à votre relation ? Sachant tout ce que tu m’as dit au sujet de Regina ?
- Non, je me doutais bien que tu n’approuverais jamais…
- Ben, alors, POURQUOI ?
- Je sais pas… »
Till soupire à nouveau.
« Je crois que j’ai eu besoin de son affection…tu sais, quand on croise quelqu’un comme ça et qu’on se dit qu’elle pourrait…qu’elle pourrait guérir les maux…les maux divers…qu’on ressent tous les jours…et puis…
- Schneider ?
- Oui ?
- Tu vas me promettre de ne plus toucher à ma fille !
- Mais…
- Il est HORS DE QUESTION – tu entends bien ? HORS DE QUESTION que tu fasses souffrir mon petit ange !
- Mais…
- C’est bien clair ? »
Son index menaçant est dirigé vers mon visage, prêt à frapper si je donne la mauvaise réponse.
« Oui. »

(suite! http://doomkrusmannders.blogspot.com/2009/11/nur-gotter-durfen-dich-beruhren-5.html )

Nur Götter dürfen dich berühren - 2

2ème partie

Je me sens bien avec Nele. Je ne saurais vous dire à partir de quand je m’en suis rendu compte. En fait, je la connais depuis qu’elle a à peu près six ans – quand Richard m’a présenté son père – en 1991 donc. Je me souviens qu’elle m’a semblé être une petite fille très sérieuse, peu souriante, le sosie au féminin de son père en fait. D’ailleurs, elle lui ressemblait déjà énormément physiquement, alors que Stefanie, ou même Annie (la fille de Flake), ou Claudia (la fille de Paul), ressemblaient surtout à leur mère respective. Enfin, je trouve. Nele est l’exception, en quelque sorte, avec Khira, qui est le portrait tout craché de Richard. Et ce, depuis qu’elle est toute petite – autant physiquement que moralement d’ailleurs.
Tout ça pour dire que Nele, à mes yeux, avant, ne m’attirait pas tant que ça. D’autant plus que c’est la fille d’un pote, fille que j’ai vue grandir et tout. Forcément, il ne doit pas y avoir d’attirance entre nous. Enfin…il ne devrait pas y en avoir.
On a commencé à se rapprocher l’hiver dernier en fait. Ça se passait plutôt mal entre moi et Regina – les tensions au sein du groupe me rendaient exécrable avec elle, et elle ne supportait pas l’idée que je puisse retomber dans l’engrenage de la promo puis de la tournée. Quand elle m’a demandé pour la énième fois de lui promettre que ce serait la dernière tournée, je lui ai dit avec force :
« Ecoute ! Je ne sais pas ce qui arrivera après les deux ans et demi de tournée prévue ! Si ça se passe bien, on refera peut-être un album ? Tu sais que jouer dans Rammstein, c’est toute ma vie ! Tu dois l’accepter, merde ! »
Regina est gentille, en fait – elle est juste ultra protectrice, et ça m’agace. J’ai besoin de changement ; j’ai l’impression que ma vie sentimentale, c’est un peu l’engrenage ; les gonds rouillés d’une porte – je sais pas si vous comprenez l’image. Bref ! J’ai besoin de ne plus me triturer la cervelle avec des responsabilités, des devoirs, des excuses, des obligations. J’ai besoin de vivre un peu librement. Quand j’en ai parlé à Nele, elle m’a tout de suite compris. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle s’était débarrassé du père de Fritzi : elle ne voulait pas se coltiner un papa à la maison – elle aime trop son indépendance pour ça.
Et c’est ainsi que j’ai osé l’inviter au restaurant.
« Heu…c’est pour fêter quoi ?
- Tu veux pas ?
- Si, si ! Volontiers même ! Mais…
- J’ai déjà réservé. Pour ce soir. Vingt heures. Ça te va ?
- Oui.
- Bien. »
Elle m’a souri. Elle m’a lancé ce regard inquisiteur qu’elle a souvent quand elle est méfiante. En souriant. Ça m’a gêné, ce mélange de sentiments. Alors je me suis mis à tripoter une de ses babioles qui traînaient sur la table basse.
« Doom ?
- Oui ?
- Je peux t’appeler Christoph ?
- Oh non, j’aime pas.
- Chris alors ?
- Heu…ouais, si tu veux. »
L’ambiguïté de mes sentiments est devenue évidente. Seule Regina m’appelle Chris. Tous les autres m’appellent Schneider. Ou Doom. Pas Christoph parce que…parce que j’aime pas.
« Je dois m’habiller comment ?
- Hein ?
- Pour le restau ? C’est genre : grand restau chic ou pas ?
- Ah ! heu…pas besoin de te mettre sur ton trente et un ! Une robe sympa, ça ira. »
Elle a sorti sa plus belle robe en fait. C’est plus tard qu’elle me l’a dit, que c’était la robe que Till lui avait offerte pour ses dix-huit ans. Elle était magnifique. Nele n’est pas un canon de beauté, mais je ne sais pas…c’est comme si, à mes yeux, d’un coup, elle était devenue aussi belle qu’un ange. Vous savez, comme le coup de foudre, le fameux ‘love at first sight’ des Anglais, sauf que là, je l’avais déjà vue avant, mais pas ainsi. C’est étrange, cette manière dont une personne peut se métamorphoser juste à cause du regard qu’on porte sur elle. Comme un diamant que les yeux polissent.
Ce soir, j’ai à nouveau ce regard : son profile sérieux me semble si noble – sa main dans la mienne si douce. Ça fait quelques mois qu’on se fréquente en secret pour éviter la colère de Till et les remarques désobligeantes du groupe mais mes sentiments semblent vouloir mettre fin à cette situation. C’est pour cela que j’enlève toujours mon alliance quand je suis avec elle. Elle sait que je la remet dès que je rentre chez moi mais je préfère agir de la sorte – par principe. Moi et Regina, nous sommes plus ou moins officiellement séparés depuis juillet dernier. Mes vacances à Cuba cet été, ce n’est pas avec elle que je les ai passées. Mes sœurs ont eu du mal à l’accepter – mes amis aussi, d’ailleurs. Seul mon frère s’en fiche un peu. C’est vrai que Regina est bien sous tout rapport – elle est gentille et charmante. Elle a même rallié quelques uns de mes amis à sa cause. C’est souvent ce qui arrive quand un couple se sépare : il faut partager les amis. Mais j’ai été clair avec eux : j’ai choisi de quitter Regina ; c’est entièrement ma faute ; j’ai mes raisons, et je l’assume. Mes sœurs m’ont harcelé pour les connaître, sauf peut-être Constance, qui me comprend mieux. Les quatre autres, par contre, elles m’ont fait tout un cinéma. Mais comme elles savent que je suis quelqu’un qui, une fois la décision prise, s’y tient, elles n’ont plus insisté.
En arrivant dans la rue du restaurant chinois, je tente quelques conversations avec Nele mais j’ai l’impression qu’elle est plus distante que d’habitude. Je mets ça sur le compte de la visite inopinée de Till, qui n’est pas pour apaiser son esprit, surtout depuis qu’il s’est fait percer l’arcade sourcilière soi-disant pour faire plus ‘d’jeunz’ (ce que Nele a trouvé totalement ridicule), et je la prends par la taille pour lui indiquer l’entrée du restaurant. Elle me paraît toujours aussi gracieuse. Même quand elle mange. Pourtant, elle a hérité de certaines manies de son père : les coudes sur la table, la tête penchée au-dessus de son assiette de nems, le poignet courbé pour tenir les baguettes. Elle a cette spontanéité, cette franchise dans son attitude qui me charme totalement.
Oui. Je crois que je suis amoureux.

« Papa m’a raconté.
- Quoi ?
- Au sujet de ton shooting à Londres. »
Je fronce les sourcils. Mi-août, j’ai dû me rendre à Londres pour faire quelques photos pour Sabian, la marque de mes nouvelles cymbales. Des trucs de sponsorisation. Du boulot plutôt chiant, bref ! de la promo.
« Et ?
- C’était comment ?
- Ah ! m’exclamé-je avec soulagement. Eh bien, c’était pas mal. Il faisait beau en plus, donc j’ai pu jouer les touristes et visiter la ville, et…
- Papa m’a dit que Regina t’y attendait. »
Je reste bouche bée. Comment Till sait-il ça ? Et pourquoi lui a-t-il dit ? Et pourquoi refuse-t-elle de me regarder depuis tout à l’heure ? Est-elle jalouse ? Mais enfin ! Ce n’était pas ma faute ! Regina avait été informée de mon voyage par quelqu’un de ma famille (sûrement une de mes satanées sœurs !) : je ne savais pas qu’elle y serait et…enfin… Mince ! Nele croit que…que je…
« …heu…oui.
- Tu l’aimes toujours ? »
Nele et sa franchise légendaire !
« Heu… Tu sais, je n’avais aucune idée de…
- Est-ce que tu l’aimes toujours ? »
Pour la première fois de ma vie, j’ai envie d’être triste et énervé à la fois. Je veux protester autant que la prendre dans mes bras. Je veux lui faire oublier cette histoire en lui rappelant nos baisers mais aussi en me justifiant. Bref ! je suis perdu : j’ai envie de me cacher autant que de crier – j’ai besoin de frapper la table du poing autant que de farfouiller ma poche à la recherche d’un mouchoir.
« Réponds-moi franchement, Chris.
- Ce…ce n’est pas ce que tu crois.
- Chris, la question est simple alors réponds !
- Je…je sais pas.
- Mauvaise réponse.
- Nele, s’il te plait.
- Non, Chris. »
Elle rejète ma main qui cherche la sienne. D’un coup, je me sens vide. D’un coup, je m’aperçois qu’au moment même où je commençais à la voir comme mienne, je l’ai perdue.
« Garçon ? L’addition, s’il vous plait. »
Elle paye pour moi. Elle s’en va sans finir son dessert. Sans me dire Au revoir. Sans m’embrasser. Sans même me regarder.

(La suite? par ici: http://doomkrusmannders.blogspot.com/2009/11/nur-gotter-durfen-dich-beruhren-3-et-4.html )

samedi 14 novembre 2009

Nur Götter dürfen dich berühren - 1


„Nur Götter dürfen dich berühren“

(Till Lindemann, Messer, „Nele“)

J’attends de l’autre côté du bureau de Poste. De l’autre côté car juste devant, il y a cinq punks à chien qui s’amusent avec ce qui semble être des tuyaux en carton, sûrement trouvés dans les poubelles d’un supermarché. Le genre de tuyaux en carton autour desquels on enroule de la tapisserie – ou du papier cadeau – en plus grand. Je reste donc de l’autre côté de la voie. Pas que les punks à chien me gênent. Non, non. Disons que j’ai très vite remarqué qu’ils étaient tous bourrés, et que l’un d’entre eux avait eu la mauvaise idée d’attacher ses deux chiens ensemble – les deux chiens se sont enfuis pour rattraper un bout de carton d’ailleurs – sous la bruine, une voiture a même failli les écraser alors que la laisse de fortune s’était enroulée autour d’un poteau. Je me suis donc dit qu’il était préférable que je reste de l’autre côté de la rue. Punks ou pas, les gens bourrés sont tous pareils.
Je regarde ma montre d’un geste vif. Il est presque vingt-deux heures. J’enfouis ma tête dans le col de mon manteau.
A vrai dire, je n’ai rien contre les punks à chien. Quand ils m’arrêtent dans la rue pour me demander « une petite pièce », j’accepte volontiers et je leur sors ce qui traîne souvent dans ma poche – un billet de vingt, parfois de cinquante car j’ai rarement de la monnaie sur moi. Un jour, ce fut un billet de cinq cent euros. J’avais hésité. La punkette aux dreadlocks entremêlées de fils roses et verts m’avait fait les yeux ronds, et je m’étais senti gêné. « C’est tout ce que j’ai, désolé. » Elle avait fait demi tour en secouant la tête avec amusement ou mépris, je ne sais pas trop. Sûrement avec mépris car je sortais de réunion avec la maison de disques, ce jour-là – j’avais donc sorti mon joli costume marron pour l’occasion.
« Heu…vous ne le voulez pas ? »
Elle s’était retournée en me lançant un regard deux fois plus surpris. Je lui avais tendu le billet, m’excusant de la somme – deux jours avant, en France, on m’avait refusé ce même billet dans le petit café où moi et Paul avions déjeuné – c’est qu’ils n’aiment pas les gros billets, les Français. La punkette avait dévisagé le billet rose avant de dire :
« Non, mais là, j’peux pas accepter…vous avez pas un billet de vingt plutôt ? »
Une brave petite fille, la punkette. Elle l’avait quand même pris, ce billet.
« Achetez-lui des croquettes Frolic – la super marque, quoi !
- Ouais, pour sûr ! »
Tous les punks à chien ne sont pas aussi cools, m’enfin ! Peu importe. Je ne suis pas là, à attendre devant la Poste sous la pluie en cette nuit de fin d’été à Berlin, pour vous parler des punks à chien.

Vingt-deux heures quinze. Elle n’est jamais en retard normalement, mais comme elle m’a envoyé un texto à vingt-une heures cinquante-huit pour me prévenir que son père est arrivé à l’improviste, je me dis qu’elle ne va peut-être pas venir. Le truc, c’est qu’elle n’a pas précisé qu’elle annulait dans son texto – alors, j’attends. Avec mon parapluie dans une main et mon iPhone dans l’autre. On ne sait jamais : elle peut très bien dire à son père qu’elle doit voir une amie ce soir, qu’il ne peut pas rester – bref ! elle est adulte maintenant ! Till devrait comprendre !
Bon. Je m’emporte.
Vingt-deux heures vingt-deux : texto. « J’arrive. Bisous » Elle a pu se débarrasser de Till, donc. Je me demande si je vais pouvoir faire la remarque cette fois. Elle s’était renfrognée la dernière fois. Elle n’avait pas écouté mes arguments. Elle avait juste dit :
« Ce restau, ça te dit ? »
Non, je ne vais pas lui faire la remarque ce soir. Ce n’est pas sa faute si Till est un père ultra protecteur. En particulier avec sa première fille – la prunelle de ses yeux. Il a trois autres enfants, mais Nele reste unique. Le bijou. Sa petite fille idéale – celle qui le comprend – qui le soutient – qui l’aime comme depuis le jour où elle a poussé son premier cri et pris l’auriculaire de son papa pour le mettre dans sa bouche. C’est ce qu’a fait ma petite Stefanie. Je m’en souviendrai toujours. Ses lèvres suçotaient ma dernière phalange ; sa langue touchait à peine mon ongle. J’en ai même pleuré. Je sais, c’est d’un mièvre – mais la naissance de son premier enfant est tellement unique, comme moment !
C’est pour cela que je comprends Till. D’autant plus qu’on a à peu près le même âge. On a vécu les mêmes galères en tant que pères – les mêmes joies aussi. Ma Stefanie est certes plus jeune que Nele – et certes, j’étais plus âgé, quand elle est née, que Till quand Nele est venue au monde – mais on partage ce même sentiment : le refus de la voir devenir femme.

A ce propos, ça lui a fait un choc, à Till, quand Nele lui a annoncé qu’elle était enceinte. C’était peu avant Noël 2006 – vers la fin de l’année sabbatique du groupe – Till dînait chez moi, avec ses deux filles. Nele était mignonne dans sa longue jupe – elle n’aime pas les jupes normalement, mais là, elle s’était fait toute belle. Marie-Louise, elle, restait accrochée à son portable pour envoyer des textos par paquet à ses copines de collège. Sûrement pour leur raconter où elle avait acheté sa veste rose fuchsia ultra tendance. Regina, mon ex maintenant (enfin…plus ou moins mon ex), avait préparé un repas typiquement russe pour l’occasion, ce à quoi Till ne peut jamais résister. Comme Stefanie s’était désisté, j’avais décidé d’inviter Till pour renouer contact : avec la séparation du groupe, on n’avait pas trop eu l’occasion de se voir. Paul m’avait donné de ses nouvelles, qu’il avait obtenues par l’intermédiaire de Flake mais je ne fais pas trop confiance au téléphone arabe…
« Quoi ??!!
- Je suis enceinte.
- Tu plaisantes ?
- Non. »
Till a eu l’air sceptique.
« Et qui est l’heureux papa ? ai-je demandé pour mettre fin au silence plus que gênant.
- Il n’y en a pas.
- Ah.
- QUOI ??!! s’écria Till. »
J’avoue : même moi, je n’aurais su réagir autrement.
« Cool ! a lancé Marie. Faut que je raconte ça à Khira !
- Attends, attends, a dit Till en se massant les tempes.
- Eh bien…heu…félicitations ! a lancé Regina pendant que Marie collait déjà le portable à son oreille.
- Attendez, attendez, a continué Till.
- C’est…heu…quelle surprise ! ai-je dit, enfin.
- Ouais, a simplement répondu Nele.
- Attends ! »
J’ai regardé Till, qui avait l’air paumé dans ses pensées – en général, ça ne présage rien de bon – il est comme ça au début d’une dispute avec Richard : il fronce les sourcils et répète « Attends, attends » pendant que Richard débite ses grandes idées. Pendant l’enregistrement du nouvel album, il l’a fait aussi avec Paul quand il se mettait à monopoliser la table de mixage. Ou quand il nous a montré ses nouveaux tatouages – deux trucs bizarres et bien moches qu’il s’est faits tatouer sur le biceps gauche et l’épaule droite (il a étonné plus d’un avec son délire de gamin).
« T’es sûre au moins ?
- Oui, papa ! j’ai vérifié avec mon gynéco – je ne te l’annoncerais pas sinon !
- Okay. Et…t’es vraiment sûre ?
- Papa, écoute : je sais que ça doit te faire bizarre, devenir grand-père à seulement quarante-trois ans mais…
- C’est même vachement glauque ! Je suis beaucoup trop jeune pour être papy !! (Marie a pouffé de rire.) Hey ! Marie, qu’est-ce que j’ai dit ? Pas de portable à table. Tu me le ranges tout de suite ! (Marie a mis son portable sous la table tout en gardant un œil et son pouce ultra rapide dessus.) Et puis…heu…Nele, écoute, tu es beaucoup trop jeune pour être maman, voyons !
- J’ai le même âge que toi quand tu m’as eue, je te signale.
- Ah. T’es sûre ?
- J’ai bientôt vingt-deux ans.
- Oui.
- Et t’avais vingt-deux ans quand je suis née.
- Oui, mais…tu sais, c’était…
- J’étais un accident, oui, je sais – tu m’as déjà raconté.
- Non, mais je ne le regrette pas !
- Je sais. »
Till avait l’air coupable. Je sentais un fossé se creuser entre eux, et c’en était gênant. J’ai regardé Regina, qui partageait mon sentiment.
« Mais…voyons Nele, t’es encore une jeune fille, c’est trop tôt pour un bébé et puis…c’est qui ce con qui t’a engrossée ? J’le connais ?
- Non.
- Ah, tant mieux ! Sinon, il passerait un sale quart d’heure, crois-moi ! (J’ai ri avec lui.)
- Papa, je sais que tu me vois toujours comme une gamine…
- Non, non, c’est juste que…
- Papa ! Laisse-moi finir !
- D’accord, dit-il un peu penaud.
- Donc, je sais que tu me vois toujours comme une gamine mais j’ai grandi, je suis une femme, avec une sexualité (Till a fait la grimace) et des envies de maternité aussi, que ça te plaise ou non. »
Till s’est renfrogné. Avant ce jour-là, Till et Nele avaient toujours été complices – ils se disaient tout, partageaient tout ensemble. Après ce jour-là, Nele a commencé à grossir et Till a pris ses distances. Il m’a avoué pendant la grossesse qu’il se sentait comme trahi. Comme trompé par une compagne. Qu’il trouvait ce rapprochement de sentiments bizarre, et que c’était pour cela qu’il préférait prendre ses distances. Nele s’est inquiété de ça – m’a même demandé de jouer les messagers puisque je suis resté assez proches d’eux deux. Mais aucune de mes discussions avec Till n’y faisaient – la vue du corps de sa tendre petite fille modifié par la grossesse lui donnait…
« …presque la nausée ! Et c’est bizarre, parce que Carol, ou même Anja, ou encore Maria, je les trouvais super sexy quand elles étaient enceintes. Et je sais pas pourquoi ! Sûrement parce que c’était moi la cause du changement – tu sais, la petite fierté quand on la voit grossir et grossir, et qu’on se dit ‘Héhé ! c’est un morceau de moi là-dedans !’
- Oui, c’est vrai, ai-je approuvé en souriant.
- Ben, là, c’est le contraire. C’est comme si j’étais un mari impuissant qui voit sa femme tombée enceinte. C’est inacceptable.
- Mais tu sais, faire ce bébé toute seule, ça n’engage qu’elle.
- Oui, je sais, je sais ! Mais je n’arrive pas à voir les choses autrement – pourtant je l’aime ! Je…j’espère tellement finir par dépasser ça – la prendre dans mes bras le jour de son accouchement – surtout, pouvoir rester à côté d’elle ce jour-là ! Mais…je sais pas pourquoi je réagis comme ça. »
Au final, Till a réussi à dépasser son écœurement à l’idée d’être surnommé Opi – ou sa déception face au choix de Nele ; ou sa gêne face à sa grossesse…peu importe – justement, le jour de l’accouchement. Ils se sont même rapprochés encore plus qu’avant. Pour nos vacances l’hiver dernier, après l’enregistrement hyper tendu de l’album, nous avons décidé d’aller dans un parc aventures avec tous les gosses : Stefanie, Khira, et bien sûr Nele avec le petit Fritzi de presque deux ans. Khira n’aime pas les parcs aventures, mais elle ne quitte pas sa demi-sœur depuis la naissance de Fritz. J’ai même plaisanté avec Richard à ce sujet :
« Fais gaffe ! elle aussi, elle va te faire papy par surprise !
- Ah non ! si elle fait ça, je la renie ! Il est strictement HORS DE QUESTION que je sois grand-père à mon âge ! Et je me contre-fiche qu’elle ait dix-huit ans – quarante et un ans, c’est bien trop jeune pour être papy !
- Si tu le dis ! »
M’enfin…qu’est-ce que je disais déjà ? Ah oui, Till et Nele étaient très complices pendant les vacances – comme une paire qui se complète parfaitement. Till se fichait bien de savoir qui était le père indigne du petit – selon lui, il était devenu le papa de remplacement d’office – par désistement. Peut-être aussi parce qu’être papy d’un petit garçon, ça ravive la fierté du papa qui en a marre de ses deux derniers garnements, dont il doit maintenant partager la garde avec Maria puisque, comme souvent avec Till, il est allé voir ailleurs, Maria l’a appris et hop ! séparés. Pareil pour Paul, d’ailleurs – sauf que c’est sa femme qui l’a trompé – avec Till justement. Mais bon, je digresse un peu là.

Vingt-deux heures quarante-cinq. J’aperçois une grande femme aux cheveux bruns au bout de la rue. Une démarche sûre d’elle. Le menton très haut. Je crois que c’est elle. Je n’ai pas pris mes lunettes donc je n’en suis pas trop sûr. Je lui fais signe avec la main qui tient mon iPhone. Elle répond par un signe aussi. Je pars donc la rejoindre. Elle m’explique bien évidemment que Till est passé à l’improviste, qu’il en avait profité parce qu’il devait voir Flake…
« Je m’en doutais.
- Oh ! ça va, tu vas pas me refaire la remarque.
- Non, non ! Pas du tout !! »
Gêné, je regarde à travers les vitrines de magasins pendant qu’elle pianote sur son portable.
« On mange où ?
- Où tu veux.
- J’ai bien envie de me faire un chinois.
- Justement, j’en connais un pas très loin… »

vendredi 16 octobre 2009

Review de "Liebe ist für alle da" (Lifad) de Rammstein

MUSIQUE :
L’ensemble (avec Bonus) : éclectique, surprenant, parfois innovant, mais surtout disparate. L’album aurait gagné à être plus unifié – mais aurait peut-être perdu en richesse. (Moyenne générale : 7.12/10 – sans bonus : 7.36/10)

Rammlied : riff percutant mais trop rammsteinien pour satisfaire mon envie de nouveauté. Seul le côté épique, qui s’essouffle un peu, m’épatait – m’épate moins maintenant. Par contre, l’intro de Till, reprise sur les guitares seules, m’enchante toujours et les paroles restent intéressantes par leurs multiples sens.
Note : de la note maximale, elle passe à 9/10

Ich Tu’ Dir Weh : première impression très tapageuse – la musique est énergique ; la voix de Till, prouesse à mon goût et surtout du jamais entendu dans tout Rammstein, est une merveille. Le refrain fait très « pop » à cause de son efficacité. Elle représente bien ce que j’attendais du groupe : elle garde tous les éléments qui font R+ (riffs répétitifs, clavier qui rehausse le ton, voix qui émerveille) mais elle innove aussi.
Note : 10/10

Du bist das Schiff ich der Kapitän
Wohin soll denn die Reise gehen?
Ich seh' im Spiegel dein Gesicht
Du liebst mich denn ich lieb' dich nicht
Ich tu' dir weeeeeeeeeeeh
Tut mir nicht leeeeiiiiid
Das tut dir guuuuut
Hör wie es schreit!


Waidmanns Heil : le mini break avant le refrain est surprenant, sincèrement beau – seule la batterie le gâche un peu– les riffs de guitares donnent envie de pogoter comme si on avait à nouveau 17 ans. Seul défaut : elle manque d’unité – elle fait un peu fouillis – mais le halètement vers 2’40 est une excellente idée.
Note : 8/10

Haifisch : elle déroute par la direction un peu groovy qu’elle prend. Sûrement la plus « épique » de l’album – mais un épique différent de celui de Reise, Reise – comme disait Sonnen, elle représente la direction qu’il imaginait R+ prendre. En quelque sorte, Haifisch est un bon compromis, du même acabit que Ich Tu’ Dir Weh.
Note : 9/10

Bückstabü : J’hallucine !!!!!!! C’est en partie les paroles d’un des poèmes de Till (Nele 1 ou 2) ! Par réflexe, je n’arrive pas à dissocier la chanson du thème du poème (l’amour inconditionnel d’un père envers sa fille) – et bien entendu, le résultat, c’est la confusion totale ! Du métal indus froid auquel je m’attendais avec l’intro et les crissements de pneu à la Benzin (ou les cris de Rosenrot ?), voici un Mein Teil claustrophobe, oppressant. Le couplet est trop mou par rapport au refrain complètement taré – même le morceau martelé vers 2’50 et la voix de fou à lier que Till prend à la fin ne rattrape pas le tout.
Note : 7/10 – mais aurait pu beaucoup mieux faire !

Frühling in Paris : guitare = parfaite. Gros fou rire sur l’accent de Till sur « Oh nooooo(n), rien de rieeeeee(n/m) !… » sûrement rajouté sur un coup de tête de Till (qui ne maîtrise pas du tout les sons nasaux !) Le clavier me déçoit. La chanson aurait pu être un nouveau Ohne Dich avec juste le trio guitare-basse-batterie + voix de Till. En fait, c’est le clavier qui retire toute la beauté du morceau. J’espérais peut-être trop de cette chanson aussi.
Note: 6.5/10 mais plus je l'écoute, plus elle remonte dans mon estime.

Wiener Blut: paroles – j’ai l’impression d’un mix forcé (Seid Bereit revu et corrigé pour coller à Fritzl), et je trouve ça dommage. Musique – nouvelle impression de fouillis. Le refrain est trop rapide par rapport aux couplets, dont l’atmosphère fascinante de cruauté est trop vite oubliée. D’accord avec MaXX : plutôt monotone dans l’ensemble. Ce sera un fiasco en concert.
Note: 6/10 même si elle commence à me plaire aussi...

Pussy: elle fait tâche – mais elle relève le ton, justement, comme toute bonne chanson gag – sûrement pour ça que R+ l’ont gardée. Elle est moins drôle que Rein Raus, mais les paroles plus intéressants que celles de Te quiero Puta. Son seul défaut pour les puristes fait sa qualité à mes yeux : elle n’a rien à voir avec le R+ qu’on connaît.
Note: elle mérite son 8/10 pour les claviers, le break « Germanyyyyyy » et la batterie

Liebe ist für alle da : la version leak m’avait lassée – je regrettais même de l’avoir téléchargée. Elle ne représente pas l’album : trop peu travaillée, les paroles mal foutues au refrain, elle laisse un arrière goût de punk un peu sale – se veut hard’n’heavy sans l’être. Même la légère modification sur le dernier refrain, avec Till qui reprend en retard, ben…ça n’sauve pas grand-chose.
Note: je lui ai mis 7 en leak – elle passe à 5/10

Mehr : Juste une impression ? Les guitares sonnent comme Rammlied Nummer 2 – ou alors c’est Rammlied la copie ? Le riff est lassant – le break est bizarre, surtout avant l’élan épique de Till vers la fin. Par contre, je ne sais plus qui a dit que Till a dû s’amuser : je confirme ! Mais il aurait dû resté sur le style des deux premiers couplets.
Note : 6/10 parce que je m’ennuie un peu dessus.

Roter Sand : Je n’arrive pas à comprendre toutes les paroles, mais on dirait la reprise de l’alliance l’amour/la mort si bien connue.
« Roter Sand und zwei Patronen
Ein stirbt in Pulverkuss »
(Sable rouge et deux cartouches / L’un meurt dans le baiser de la poudre)
Pour une ballade mélancolique sur l’amoouuuur, ben, elle fait un peu maladive. Par contre, je mets instinctivement le thème de la mort en avant, et là, elle prend plus de valeur. Mais pas assez pour m’émerveiller pour l’instant.
Note : 6.5/10

Bonus:

Führe mich: léger goût de Oomph, en particulier à cause de la voix de Till (sur le refrain) et la batterie simpliste. Je remarque encore le thème de l’arrêt (halten), présent dans Haifisch et bien sûr Halt. Plutôt intéressant, venant de la part d’un homme qui approche la cinquantaine, âge où on a l’impression que tout s’arrête. Musicalement, pas intéressante mais efficace.
Note: 7/10

Donaukinder: Les paroles sont jolies, la voix de Till les porte bien. La batterie m’ennuie. Seuls les claviers et son élan épique à la fin m’interpellent. Le solo de Richard…ben, c’est dommage que j’ai 45% de perte auditive dans les aigus (je ne l’entends pas dans le métro), il ne m’interpelle pas assez.
Note: une chanson « jolie » donc, mais pas grandiose : 6/10

Halt: Chapeau bas à la voix de Till ! Le piano me donne l’impression d’être enfermée dans une maison hantée – ne me demandez pas pourquoi. Sensation claustrophobe due aux guitares aussi. Elle aurait pu remplacer Wiener Blut sur CD-1 – elle prend moins de risque mais elle a le mérite d’être bien unifiée.
Note: 8/10

Liese: Paroles légèrement altérées – là, on a droit à l’histoire de Jacob qui tue Liese par amour, je crois, et pour…
« von deiner Haut probieren » (goûter à ta peau)
Mmm… On a l’impression que Till veut jouer les conteurs, avec une musique plus que minimaliste, plus dans l’esprit Ein Lied. La voix de Till y est plus stable – c’est cette version que j’aurais préférée à la place de Roter Sand sur le premier CD.
Note: 7/10

Roter Sand (orchestre) : Je rejoins l’avis de Geoffrey et quelques autres – cette version n’est pas indispensable. Mais je me souviens que Ein Lied, que j’adore aujourd’hui, m’avait laissée peu émerveillée à la première écoute. Cette version avec les chœurs masculins, les cordes et les cloches, ben…elle fait un peu tâche… Mais comme ces deux sœurettes, je pense que je l’apprécierai plus à force de l’écouter.
Note: 5/10

Un mot pour décrire tout l'album: Belliqueux

POCHETTE :
Le côté doré de partout, allié à la noirceur de l'ensemble (boîtier, atmosphère des photos), ça me rappelle le baroque - d'ailleurs, à vérifier, mais je pense que les chaises sont de style baroque. C'est une assez bonne idée car ce style (que ce soit en architecture ou en littérature) est caractérisé par ce que j'appellerai un "fouillis structuré": les jeux de miroir et de masque, l'opposition des antithèses et des symétries... Bref, un mélange des genres qui masque une structure.

Ceci dit, on comprends mieux pourquoi tout l'artwork de l'album donne une impression "too much": les photos de Schneider et de Till dans l'espèce de salle de bains stylé Rome antique me rappelle la mythologie gréco-romaine, que les deux femmes, sortes de sosies de Venus symbolisent bien aussi: regardez l'espèce de couronne/casque que porte celle aux pieds de Till. Le coup de la table/Cène fait au contraire plus biblique. D'ailleurs, il y a un vieux livre sur la table. Ce côté biblique est rappelé par les bandages sanguinolants autour des poignets de Till - pour moi, ça fait référence au Christ, mais après tout, ça peut juste vouloir dire combien c'est difficile de couper un corps humain/l'Amour en morceaux pour le donner à manger à ses copains ensuite - qu'on en garde des cicatrices, ou un truc de ce genre. Mais je ne sais pas pourquoi: je reste sur mon interprétation biblique - après tout, c'est Richard qui explicite le titre de l'album en posant la question "peut-on aimer même le pire des monstres?" (RockHard octobre). Comme la doctrine chrétienne inclut d'aimer son prochain, de "tendre l'autre joue" comme le bon Samaritain aurait dit, je reste sur cette optique. Reste plus qu'à trouver les références bibliques dans les chansons!
Par contre, le costume de Richard avec le masque (souvenez-vous: le baroque aime les masques, les miroirs, l'eau) fait plus Renaissance.

Un vrai fouillis historique là-dedans!

Je ne parle même pas de la vieille télé devant laquelle Paul, Richard et Flake, toujours en costume Renaissance mais en caleçon blanc, s'excitent (comme s'ils regardaient un match de foot) - pendant que Till ronfle (agonise?) dans le fauteuil d'en face, en caleçon noir mais avec la veste d'un costume plus contemporain. Tout est symétrique - tout est jeu de miroir...
Le mélange des genres devient limite excessif avec Oli et Flake en mineurs - ou encore avec Oli en face d'une machine à coudre pour...assembler les morceaux des plantes carnivores de la Cène revisitée (plantes carnivores dont on retrouve les racines autour du lit de l'une des Venus prête à être aussi déchiquetée par Schneider, après que Till s'est occupé de l'autre, visiblement avec culpabilité).

Pour comprendre pourquoi Venus, je vous renvoie à La Naissance de Vénus de Botticelli - ressemblance évidente:


Tout ça me laisse à la fois enthousiasmée (par la richesse des références) et perplexe (c'est décidément trop fouillis tout ça) - et quelle ironie! c'est exactement la même impression que j'avais en écoutant l'album il y a deux jours.
Dans l'ensemble, je salue le travail d'Eugenio Recuenco, qui est l'auteur des photos (où est donc passé Olaf?): toutes les scènes sont hyper travaillées - les costumes et les maquillage aussi: ça donne une image très atypique du groupe, dans la veine de l'artwork de Sehnsucht ou Rosenrot.
Seul regret: il n'y pas de photo de Paul en individuel - alors que justement, je l'avais imaginé dans la scène de Till en train de laver les deux Venus.

Bref, trop de choses pour tout résumé en une seule fois: c'est une pochette d'album qui demande à être contemplée comme un tableau de maître pour en voir tous les détails.

Petits détails "rigolos":
- Flake fait un doigt d'honneur sur la photo de groupe autour de la table, ou c'est moi qui rêve?
- Sur le tableau dans la scène de la télé, on dirait un portrait de Richard!! A l'envers! J'adore! Tout de suite je pense au fait que Richard a perdu son statut de "roi" au sein de Rammstein, mais alors...ai-je raison? Aucune idée!



Petit B-Mol: il n'y a pas les paroles des chansons bonus sur l'édition spéciale! :o



English version here: http://ludicrousclimaxofthedevil.blogspot.com/2009/10/liebe-ist-fur-alle-da-review-music.html

mardi 13 octobre 2009

Glühend - 10 et épilogue

10

Paul avait rajouté :
‘Non, parce que, tu connais ma fille – elle est si rabat-joie ! Si je lui annonce que je sors avec un mec, elle serait capable de se mettre à la recherche d’une nouvelle copine pour moi – déjà qu’Emil me harcèle à ce sujet…’
Mais je ne l’avais pas vraiment écouté – j’avais regardé le médaillon en forme de soleil comme s’il s’agissait d’une pierre précieuse – un symbole ardent [1]mon symbole.

***

‘Tu n’es bon qu’à te plaindre !’
‘Mais c’est la vérité ! J’ai l’impression d’avoir une jambe plus courte que l’autre quand je marche avec ça !’
‘Mais tu as une jambe plus courte que l’autre !’ me répondit Till en rigolant.
‘Ha-ha ! Très drôle celle-là. Non, franchement, j’aime pas marcher avec ce truc.’
‘Tu préfères que je te porte ?’
‘Non, ça ira.’
‘Allez, viens !’
Je le suivis dehors, ma prothèse bien fixée à mon moignon. Depuis trois semaines, j’avais emménagé chez lui à Wendisch, où nous vivions comme le couple gay parfait – sauf que nous ne couchions pas ensemble. Un peu à cause de lui car il n’osait pas me demander d’aller plus loin : beaucoup à cause de moi car je me détestais trop physiquement pour aller jusqu’au bout. Pourtant, le désir, entretenu par ses petites attentions et mes caresses nocturnes, me tiraillait les tripes. Mais nos ébats s’arrêtaient toujours à sa fellation du soir, après laquelle il s’endormait comme un gros bébé. Je le laissais me toucher, mais seulement avec réticence, avant de le refroidir complètement en lui rappelant que mes brûlures m’avaient fait perdre toute sensation au toucher, ce qui était vrai…sur une partie de mes cicatrices – pas toutes. Je voyais bien, quand il insistait plus que d’habitude, qu’il n’avait qu’une envie : celle de me prendre par derrière avec sauvagerie. Mais je ne pouvais m’y résoudre, non pas par crainte de la douleur ou de la gêne due à ma jambe manquante, mais seulement à cause de mon besoin de garder la situation sous contrôle.
Till finit par s’habituer à ma mauvaise humeur, s’en amusant souvent, soit en répondant à mes sarcasmes avec encore plus de cynisme, soit en roulant les yeux d’exaspération pour me faire taire. Et je ne lui en voulais pas. Au contraire ! J’aimais son regard franc et ses paroles spontanées, toujours prêts à me remettre sur la route. Avec Till, je me sentais presque humain à nouveau – avec lui, j’avais l’impression de vivre pour quelqu’un.
Pour quelqu’un. Pas pour moi. Voilà tout le problème.

Lors d’une sortie en famille, car Till avait réussi à récupérer la garde de ses fils et Khira et Marie-Louise nous avaient rejoints, je prétendis avoir besoin d’une pause. Nous nous fixâmes un certain parc comme point de rendez-vous pour le pique-nique et ils continuèrent jusqu’au bois alentour pendant que je revenais vers le centre-ville. Je me dirigeai directement vers ma banque et demandai au guichet, sans même dire Bonjour, s’ils avaient reçu la somme que j’avais demandée trois jours plus tôt.
‘758 000 euros… Herr Kruspe, le compte est bon,’ fit la guichetière sans oser lever les yeux sur mes cicatrices.
‘Bien.’
‘Désirez-vous un sac pour…’
‘Non, non, j’ai mon sac à dos. Mettez tout dedans !’
Une grosse somme pour une petite succursale de banque, avouons-le – d’ailleurs, le directeur avait été quelque peu sonné par ma requête trois jours plus tôt.
‘758 000 euros ?’
‘Oui.’
‘Eh bien…’
‘Ne me demandez pas pour quoi faire. Je veux juste cette somme.’
‘Très bien.’
Ne me demandez pas non plus pourquoi 758 000, et pas 759 000 ou 757 985 – j’avais choisi cette somme un peu au hasard, en restant dans l’optique : laisser 200 000 euros pour Khira, et 100 000 pour Merlin. En enlevant ces 300 000 de mon compte principal ce jour-là, j’étais arrivé à 758 000 environ. Ce fut donc la somme que je retirai – grosse somme, oui, et toute en coupures de 500 – somme qui, pourtant, pesait peu sur mon dos. Etonnée par le volume du sac, Khira me demanda même ce qu’il y avait dedans.
‘Rien à manger, grosse vache !’
‘Hey !!’
Elle fit semblant de me taper sur la tête avec une chemise en plastique, dans laquelle elle range ses cours d’Economies qu’elle ne révise pas, et je vis Till regarder mon sac d’un air sceptique, mais il ne dit mot, et nous rentrâmes à la maison sans qu’aucune autre question sur mon sac plein de billets roses soit posée.
Le lendemain, vers quatre du matin, je me levai sans bruit du lit de Till, où il ronflait encore, et appelai un taxi. Je fis sommairement ma valise, attrapai le sac à euros, et laissai sur mon oreiller ce mot pour Till :

« Ne t’inquiète pas si tu ne me trouves pas. Je suis quelque part et je vais bien. Je t’embrasse. Richard. »

Je ressentis l’envie de l’embrasser mais la peur de le réveiller m’en désista. J’eus un sourire en l’imaginant se lever avec sa mauvaise humeur de vieil ours mal léché – c’est que j’avais fini par l’apprécier comme ça aussi, au fond. Mais voilà : j’avais tout planifié depuis une semaine – c’était aujourd’hui ou jamais.
Le taxi me conduisit à l’aéroport de Schwerin où j’embarquai pour mon vol aller simple sans me soucier du regard intrigué des gens alentour. Personne ne me reconnut ; personne ne savait où j’allais. Et c’était tout aussi bien ainsi.



EPILOGUE

Tampon de la Poste : en provenance de Sydney.

Cher Till,
Je t’écris cette lettre avant tout pour te rassurer. Te connaissant, tu es en train de remuer ciel et terre pour me retrouver. Je ne veux pas que tu te tues à la tâche pour rien. Sache que je suis parti, et que je ne reviendrai pas.
Non, je te ne dirai pas où je suis. Rien ne sert de me chercher via le tampon de la poste non plus. Je serai déjà ailleurs quand tu arriveras ici. Je bouge souvent ; change de pays dès que l’envie me prend, ou dès que les gens commencent à repérer le monstre hideux que je suis. J’erre dans les grandes villes surtout, sauf celles où je risque de croiser des connaissances – au final, toutes sauf Berlin et NYC – car même si le regard des autres me fait flipper, il me rassure aussi. Je me sens bien dans les grandes villes – je m’y sens anonyme.
Je prends l’avion avec un faux passeport (oui, j’ai tout prévu, Till – tu me connais) ou je me contente du train. Je loge dans les hôtels miteux où on me laisse mentir sur mon identité. J’évite les jeunes qui pourraient connaître Rammstein et savoir qu’on me recherche. Je vis dans le dénuement ou presque – il n’y a que mon iPod qui me rappelle nos moments de gloire, ta voix rythmant mes pas lorsque je rôde, claudiquant, dans les quartiers sombres.
Je ne sais pas encore combien de temps je pourrai tenir avec l’argent que j’ai emporté, et pour être franc, ça m’est bien égal. Quand je n’aurai plus d’argent, je me laisserai crever. Comme un vieux chien abandonné sur la route. Tu auras remarqué, si tu as déjà eu l’idée de faire vérifier les mouvements sur mon compte pour me retrouver, que je t’ai donné procuration dessus. Fais ce que tu veux de l’argent qui reste – donne-le à Khira et Merlin s’ils en ont besoin – ou plutôt, s’ils le veulent. Je ne viendrai pas le réclamer.

Je n’ai pas envie qu’on me retrouve car je souffre en ta présence – je ne me sens plus moi-même parmi mes proches – non pas parce que vous m’êtes étrangers, mais parce que c’est moi qui me sens méconnaissable auprès de vous tous.
S’il te plaît, oublie-moi. Je sais que c’est peut-être trop de demander, mais j’en ai besoin. Tu as été formidable ces derniers mois, Till, je te jure que je m’en souviendrai toujours. Tu as été le meilleur ami, le père dont j’avais cruellement besoin – l’amant aussi, même si ce fut un peu court…j’en suis désolé. Pardonne-moi ça, même si tu ne le veux pas. Je sais combien tu t’es donné de mal – tous les efforts que tu as faits pour moi, pour me remettre sur pieds. Ce n’était pas en vain, crois-moi ! C’est juste que…

Vois-tu, je veux qu’on se souvienne de moi comme j’étais avant – je veux rester la rock star qui brillait sous les projecteurs et derrière les lances-flammes, comme un soleil ardent – qui s’embrasa un jour sur scène – et qui en mourut.
Même si ce n’est pas vrai.
Je t’en prie, Till, oublie-moi pour toi.
Je t’aime.

Richard.

NB:
[1] glühend : ardent, brûlant en allemand

jeudi 1 octobre 2009

Glühend - 9

9

‘Qu’est-ce que je voulais dire déjà ?’ réfléchit Paul à voix haute.
Till se leva en un éclair, se recoiffa, garda la tête baissée.
‘Heu…’ hésitai-je, à la recherche d’une excuse à donner.
‘Non, j’ai oublié,’ déclara Paul en nous fuyant du regard.
Je n’avais aucune idée de l’attitude à adopter. Embrasser Till m’avait littéralement coupé le souffle et reprendre mes esprits n’était pas aussi simple. Till me fit faux bond en trouvant une excuse bidon pour sortir de la chambre au plus vite. Il n’y avait plus que moi et Paul, qui lui aussi cherchait une bonne raison pour s’éclipser.
‘Je vais tout t’expliquer.’
‘De quoi ?’
‘Ce que t’as vu.’
‘Qu’est-ce que j’ai vu ?’
‘Paul…’
‘C’est pas mes affaires !’
Je soupirai tandis qu’il se balançait d’un pied sur l’autre, avec les mains dans les poches et l’envie de se faire encore plus petit qu’il ne l’était.
‘Après tout, vous êtes deux adultes consentants ; vous faites ce que vous voulez,’ hésita-t-il à nouveau en tripotant une poche à perfuser vide abandonnée sur la table.
‘Paul…’
‘Non mais c’est vrai ! C’est tout ce que je pense.’
‘Tu vas me laisser en placer une ?’
‘Hein ? Heu…d’accord.’
‘Tu veux bien venir t’asseoir ?’
‘Heu…je sais pas trop.’
‘Je vais pas te manger !’
‘Ah ? bon…Okay.’
Paul s’approcha lentement, tira le fauteuil vers lui, posa le paquet de Till par terre et s’assit à bien deux mètres de moi, sans me regarder. Sur le coup, je me dis qu’il était sûrement préférable de le laisser partir et d’attendre le retour de Till, mais en même temps, je ressentais le besoin pressant de me confier à quelqu’un. Et c’est ce que je fis. Sous les yeux ébahis de Paul, qui ne savait décidément pas comment réagir, je lui racontai tous mes doutes : à quel point je me faisais horreur et comment Till avait réussi à me redonner un peu d’amour propre alors que j’étais devenu détestable pour tous mes proches. Je lui avouai aussi comment j’avais décelé les sentiments de Till envers moi, et comment j’avais fini par accepter les miens envers lui, que j’avais pourtant choisi d’enfouir tout au fond de moi. Enfin, je lui demandai si lui aussi s’était déjà retrouvé dans une situation gênante.
‘…où on a l’impression de ressentir quelque chose qu’on ne devrait pas, ou plutôt qu’on ne veut pas, parce qu’on croit que ça va tout compliquer, alors que les choses pourraient être plus simples ; où on a envie d’annihiler ses envies parce qu’on croit que l’autre préfère qu’elles n’existent pas…’
‘Oui.’
Je le regardai, étonné.
‘Oui, je sais ce que c’est.’
‘Ah bon ?’
‘C’est un peu à cause de ça que j’ai divorcé, en fait,’ fit-il en se grattant derrière la tête.
Je ne comprenais toujours pas. Je séchai mes larmes et me redressai pour l’écouter. Paul cala ses mains entre ses genoux, baissa un peu la tête et me lança un regard indécis.
‘Sina supportait pas un truc chez moi. Elle trouvait ça…pervers, qu’elle disait.’
Je fronçai les sourcils. Je ne m’attendais pas vraiment à ce que Paul se confiât à son tour. Je voulais juste lâcher du lest de mon côté, pour mon bien-être – et pas devoir écouter son lot de malheur. Mais j’avoue : j’étais, je suis et je resterai un sale petit curieux.
‘Et c’est quoi ?’
‘C’est…c’est gênant…’
‘Tu peux me le dire : je raconterai à personne.’
‘Je suis…’
‘Oui ?’
‘Je suis fasciné par…par les pieds.’
Je retins un fou rire. Je m’attendais à un truc plus grave – à une vraie perversion !
‘Les pieds ?’
‘Oui. J’aime les regarder et…les masser…’
‘En général, c’est bien, non ?’
‘Oui. Sina aimait bien que je m’en tienne à ça. Mais…des fois, elle trouvait que j’allais trop loin. Quand je lui demandais d’aller acheter des chaussures, par exemple.’
‘Ben, les femmes aiment bien le shopping donc…’
‘Ouais, sauf que moi, je voulais qu’elle essaye toutes les chaussures à talon aiguille du magasin.’
‘A chaque fois ?’
‘Oui.’
‘Ah.’
‘Et puis…elle trouvait que j’allais trop loin quand je voulais lui lécher les pieds, que c’était une perversion.’
‘Le fétichisme, c’est pas une perversion ; c’est une déviance.’
Paul eut l’air interloqué.
‘Oui, les mecs qui sont fascinés par les pieds comme ça, on les appelle des fétichistes. Et il y a rien de mal à ça ; c’est pas comme la pédophilie – ou la zoophilie – ça, c’est une perversion parce que c’est moralement inacceptable. Le fétichisme, c’est comme…comme…’
‘L’homosexualité ?’
Je le dévisageai.
‘Oui, si tu veux. C’est une déviance aussi parce que moralement, c’est pas…mal ; c’est juste qu’il y a des gens qui trouvent pas ça normal ou naturel, soi-disant…’
Paul hocha la tête.
‘Donc…si je comprends bien…toi et Till, ça fait un moment que vous êtes ensemble ?’
‘Ah non, ça fait juste depuis…aujourd’hui.’
Paul fronça les sourcils, un sourire aux lèvres.
‘Ben, vous allez vite en besogne !’
‘Comment ça ?’
‘Vous étiez à deux doigts de coucher ensemble quand je suis arrivé !’ ricana Paul.
‘Hein ?…heu…non, enfin…pas forcément…ça dépend…’
Paul se mit à glousser.
‘Oui, bon, peut-être,’ admis-je. ‘Je sais pas.’
Je regardai par la fenêtre.
‘Tu sais, Paul, je croyais que plus jamais…je…je me sentirais humain à nouveau. Et…encore aujourd’hui…j’ai l’impression que j’aurai…j’aurai toujours peur.’
‘Peur de quoi ?’
‘Peur du regard des autres. Tu vas dire que je suis superficiel…’
‘Tu es superficiel.’
‘Merci, ça m’aide beaucoup,’ répliquai-je avec mauvaise humeur.
‘Non, mais c’est vrai ! T’as toujours été superficiel. Ou plutôt…je veux dire…tu es quelqu’un de très attaché à ton apparence – c’est pas forcément un défaut ; c’est juste…que chez toi, c’est…c’est mal tombé. Tu es vraiment le dernier sur terre qui méritait ça…ce qui t’est arrivé, cet accident… Pour être franc, je me demandais encore ce que Till pouvait bien te faire pour que tu ne passes pas à l’acte, comme aujourd’hui.’
‘Je sais pas…sûrement son regard…il est dénué de préjugés. Quand il me regarde, j’ai l’impression d’être comme avant…parce qu’avant, il a jamais fait attention à mon physique… C’est pas clair, hein ?’
‘Si, si…’
‘En tout cas, il ne me regarde pas comme les autres ; il me regarde pas comme toi, par exemple. Toi, tu baisses les yeux dès que je parle de ça. La preuve ! Là, tu regardes les pieds du lit, ou je-ne-sais-quoi ! Alors que c’est moi qui te parle ! Till, lui, il me regarde en face, même quand je l’envois chier. C’est comme si mes cicatrices, il ne les voyait pas. Comme si…comme si je n’étais pas défiguré.’
Paul sortit un mouchoir de sa poche et me le tendit, visiblement peiné de me voir pleurer.
‘Je suis désolé.’
‘Non, c’est pas grave,’ dis-je avant de me moucher. ‘Il n’y a pas que toi. Les autres, aussi, c’est pareil. Et puis, les gens dans la rue… C’est horrible, il y a trop de gens dehors – quand je sors, ils me regardent tous – et ils me jugent, je le vois…je peux pas le supporter.’
Paul hocha la tête.
‘Il ne te reste plus qu’à déménager à la campagne,’ fit-il.
‘C’est censé être drôle ?’
‘Heu…non.’
Je soupirai – pas vraiment à cause de lui ; plutôt à cause de mes réactions, que je n’arrivais toujours pas à contrôler. Paul ramassa le paquet de Till.
‘C’est quoi ?’
‘Une prothèse.’
‘Pour ta jambe ?’
‘Non, pour ton cerveau.’
‘Heu…j’aime autant que Richard le sarcastique la mette en sourdine, si tu veux bien.’
Je me mordis la lèvre inférieure.
‘Désolé, c’est devenu un réflexe.’
‘Pas grave. Tiens ! ça me fait penser que j’ai ça pour toi.’
Il trifouilla sa poche à la recherche d’un petit écrin bordeaux.
‘Tiens !’
‘C’est quoi ?’
‘Ben, ouvre et tu sauras !’ dit-il avec un clin d’œil.
A l’intérieur, un pendentif en argent représentant un soleil.
‘C’est pas pour te rappeler de mauvais souvenirs ; c’est juste parce que j’ai toujours pensé que tu es un battant – alors j’ai décidé de te le rappeler !’ déclara-t-il en souriant. ‘Par contre…ça n’a rien à voir avec un bijou qu’on offre entre amoureux, je précise…au cas où.’
J’éclatai de rire.
‘T’es pas mon genre, Paul !’
‘Tant mieux !’ fit-il, soulagé.

[et la fin? ici! http://doomkrusmannders.blogspot.com/2009/10/gluhend-10-et-epilogue.html ]

Ich verstehe nicht - 15

  Chapitre XV – Un moulin à paroles               Dès le lendemain de son arrivée, je regrettai d’avoir accepté la compagnie de Paul. ...