samedi 27 avril 2019

Ich verstehe nicht - 5


Chapitre V – Ma réponse



Chère Adélaïde,



            Je fais les cent pas dans ma cellule depuis une semaine pour savoir comment commencer cette lettre, et je ne sais toujours pas. J’ai bien quelques phrases toutes faites, que j’ai répétées dans ma tête à la cantine ou sous les douches, mais ce ne sont que des bribes de pensées – jamais tout ce que j’ai envie de te dire. Alors je pars en pure impro. Je n’aime pas ça, mais tant pis.

            J’ai réussi à récupérer ta lettre seulement quand Paul m’en a parlé la semaine dernière – je ne l’avais pas vue dans tout le fatras que je reçois chaque jour. C’est fou le nombre de femmes qui cherchent à m’aspirer dans leur solitude, tout ça au nom de quelque sentiment d’idolâtrie prise pour de l’amour. Je ne sais pas quoi en penser exactement, alors je préfère m’en éloigner – comme avec les fans en général : je les évite par instinct. C’est pas que ça me gène de rencontrer des gens des quatre coins du monde qui aiment la musique que je fais avec mes cinq zigotos – enfin, non, c’est eux qui font la musique ; moi, je signe le reste, le plus insignifiant – mais j’ai toujours aimé ma propre petite bulle de solitude, où on ne m’épie pas sans relâche. Tu as raison en disant que dans le regard d’autrui, il y a comme une sorte de sadisme, la torture du jugement systématique – enfin, c’est pas comme ça que tu l’as dit, mais c’est comme ça que je l’ai compris – et pas besoin d’être défiguré pour cela. Être, ou se sentir, différent suffit.

            Désolé pour cette dernière remarque : tu dois penser que je sous-estime ta souffrance. Or, crois-moi, ce n’est pas le cas. Je n’aurai pas l’audace de te dire que je comprends, car je ne connais rien de comparable. Je n’ai jamais aimé ma sale gueule, mais vu le nombre grandissant de jeunes femmes en première ligne dans nos concerts, elle n’est peut-être pas si moche que ça, en fin de comptes. Ou alors, c’est le succès et l’argent qui redorent mon visage plus savamment encore qu’un lifting ?…

            Encore désolé pour ce paragraphe : je me suis cru drôle, mais en me relisant, je me rends compte que c’était plus que déplacé, peut-être même orgueilleux de ma part. Je déchirerais bien cette feuille mais il ne m’en reste pas beaucoup qui soient vierges – je vais sûrement finir par écrire au dos d’un brouillon de poème à force de parler à tort et à travers, mais je vais être franc avec toi : je ne sais pas quoi dire.

            Que répondre à tes révélations ? Goethe disait : Mit dem Wissen wächst der Zweifel[1]. Pour moi, ce n’est pas le doute – c’est l’aphasie. Je suis partagé entre la rage et la peur – la rage car c’est l’unique sentiment qui me possède quand je vois autrui souffrir. Encore plus quand c’est une femme. Je ne dis pas ça pour faire bien. J’ai sûrement quelque côté macho… Je me suis toujours arrangé pour quitter une femme en colère, pas en pleurs. Voir une femme souffrir me brise en deux…

La peur, enfin, parce qu’en te lisant, j’ai l’impression que ce Ralph Taylor est le genre de type tout-puissant que rien ne peut arrêter, ni atteindre. Bizarrement, j’ai pourtant l’impression d’être en sécurité en prison. Les gardiens ne sont pas commodes, et les détenus peu recommandables, c’est vrai, mais jusqu’à présent, je n’ai à me plaindre de rien. Ma carrure doit leur faire peur, je suppose. Ma crainte se porte plutôt sur ma copine – enfin, je veux dire mon ex – et mes enfants. Je ne vais pas les prévenir – ils finiraient par paniquer pour rien. Mais je serais plus rassuré de les avoir auprès de moi, mon fusil sous la main.

            Un coup de fusil dans ses couilles : voilà ce que j’aurais envie de faire à Taylor en ce moment même – à la fois au père et au fils – peu m’importe si ce dernier est mort et enterré d’ailleurs. Je ne suis pourtant pas un sadique – ma violence ne s’est jamais trop aventurée aux portes de mon imagination un peu sombre…

            …jusqu’à ce que je me retrouve face à face avec le genre même de salopard que je ne peux pas blairer, du moins.

            Je me suis souvent demandé comment je réagirais face à une injustice que je ne tolère pas sans pour autant vouloir vraiment y faire face. Je ne crois pas avoir l’âme d’un justicier, en fait. Après, peut-être que cette âme-là ne se révèle que face à une injustice. Un peu comme mes fils qui passent leur temps à se faire des coups bas pour venger une punition qu’ils n’avaient pas méritée. Je me dis que c’est sûrement à cause de leur différence d’âge à peine visible – l’un fait presque la même taille que son frère – et il n’y en a pas un pour rattraper les conneries de l’autre, d’ailleurs !

            M’enfin, je digresse un peu là.



            Quand je relis ta lettre, il y a toujours quelque chose qui me gêne – le ton que tu adoptes. Malgré l’épreuve à laquelle tu as dû faire face, tu gardes l’esprit clair, lucide, même en contemplant les pires injustices. Vers la fin de ta lettre, j’ai même parfois l’impression de lire les mots d’une autre personne. C’est… je ne sais pas trop en fait. Etrange. Dans le sens où tu sembles être à la fois capable de tout encaisser, même de disserter sur ça, et capable de sombrer à tout moment comme un navire bombardé.

            En tout cas, si tu as à nouveau envie de discuter par courrier, n’hésite pas. Ça me fait du bien de lire tes mots. Ils me permettent de me ressaisir. Je vais t’avouer, ici, dans cette cellule minable, je me sens terriblement seul – et inutile. Affreusement inutile en fait. Comme un vieil ours dans une cage de zoo. Sauf que j’ai moins de visiteurs. Je sais que je dois purger une peine pour mon crime. Mais rester cloîtré si longtemps pour la mort d’un enfoiré, ça m’énerve, et y repenser ne me donne qu’une seule envie : tout fracasser dans ma cellule. Heureusement que les autres prisonniers m’évitent – je serais capable de leur casser la figure par frustration. Pourtant je ne suis pas foncièrement violent. Du moins, je crois…

            Ce doit être la captivité – ça transforme un homme en l’animal qu’il a toujours été sans l’admettre.

            Je ne sais pas comment conclure une lettre – et il ne me reste plus qu’un petit espace vierge. J’espère te relire bientôt. Et encore navré d’avoir mis tant de semaines à te répondre. (S’il te plaît, ignore le poème au dos de cette feuille – il est inachevé de toute façon – et puis, je n’aime pas qu’on lise mes trucs pas finis.)



Avec mon amitié et mon affection,

Till



Au dos de la dernière page, en lettres raturées :



Weißes Herz des Leids

Benzin auf meinem Herz

Zum Blutbad bereit

In der Schabe geklemmt



Schwarz ist meine Wut

Und klar deine Zähren

Mein Herz verkohlt

In Rattenmeeren


[1] « Avec la connaissance (des problèmes), le doute augmente. »

La suite ici

samedi 20 avril 2019

Ich verstehe nicht - 4


Chapitre IV – La Lettre



Cher Till,



Je ne sais pas très bien par où commencer, ni que dire exactement. Il y a tant de choses à dire – mais tant de choses à taire, autant par pudeur que par crainte…



J’ignore ce que c’est d’être condamné pour un crime qu’on a commis mais qui était justifiable. Par contre, je n’ignore pas ce que c’est de faire face à l’incompréhension d’autrui. Evidemment, ton cas est différent du mien. L’incompréhension porte sur ce que tu as fait alors que de mon côté, c’est plutôt sur ce que je ressens.

Mais peu importe.

Je n’écris pas cette lettre dans le but chimérique de te consoler de toute façon, si tant est que d’être consolé tu aies besoin, ce dont je doute. Je voulais simplement te remercier de m’avoir épargné l’épreuve du procès. Son procès aurait peut-être été plus légitime que sa mort si on en croit tous ceux qui ont approuvé ta condamnation ; mais son procès, ces poursuites judiciaires si longues, si tortueuses, m’auraient sûrement achevée. Vivre dans la honte est bien assez difficile ; y ajouter la crainte qu’il s’en sorte, qu’il arrive à s’en sortir par une des fourberies dont il était capable… C’était un manipulateur ! Prêt à adopter un ton mielleux pour obtenir ce qu’il voulait, et qui y parvenait toujours. Et il a dû hériter ça de son père. Je m’en suis rendu compte peu de jours avant ton procès, lorsque j’ai reçu la menace de son père, justement. Je me demande encore comment j’ai pu vivre deux ans avec un type pareil !… Mais ce n’est pas de ça dont je voulais parler d’abord…



J’ose à peine imaginer ce que tu dois ressentir en ce moment. Je sais pertinemment que mes mots ne t’aideront pas. Peu importe l’ampleur de ma reconnaissance, elle n’égalera jamais l’épreuve que tu dois subir.

Il m’arrive de penser qu’il aurait été préférable que tu n’interviennes jamais cette nuit-là, ou qu’il me coupe la gorge, ou que je me vide de mon sang avant que tu n’interviennes. Savoir que le chanteur que j’admire le plus croupit en prison pour moi, c’est comme le dernier coup de glaive ; comme si l’épée de Damoclès venait fendre mon crâne en deux mais ne me tuait toujours pas. C’est étrange d’écrire ça, que j’aimerais retourner en arrière pour faire en sorte qu’il m’achève – moi qui ne désire pourtant qu’une seule chose : ne plus jamais repenser à cette nuit-là.

J’aimerais arrêter d’y penser… ou arrêter de penser éventuellement… ne plus jamais revivre ce moment la nuit, dans mes cauchemars… et le matin, devant la glace… et le soir, quand je me rends compte que je viens de passer une nouvelle journée vautrée sur mon canapé, à ne rien faire, à ne rien dire. Mais il faut croire que je ne peux pas oublier cette nuit-là sans oublier ce que tu as fait pour moi. Ce geste-là, malgré le malheur qu’il a apporté, est pour moi l’exemple même du geste héroïque.



Quand je me souviens du jour où je me suis réveillée et que tu étais là, j’ai l’impression d’avoir été si futile, ou distante. Je ne sais pas trop. Je suppose que je ne voulais surtout pas faire face à la réalité de ce qu’il m’avait fait la veille. Cette réalité qui me vide de toutes mes forces, qui me fait sangloter alors que j’écris ces lignes. Tu penses sûrement que je n’ai pas à avoir honte, que je ne devrais pas me cacher ainsi ; qu’au fond, c’est lui qui gagne quand je me terre des heures, des jours durant, dans la pénombre de mon appartement, où plus personne ne vient me voir : ma famille, mes amis sont sûrement horrifiés par le spectacle qu’offre mon visage en pâture…

C’est vrai qu’au fond, c’est lui qui continue de me dominer quand je choisis de ne plus sortir de chez moi – c’est comme si j’étais toujours sa victime alors qu’il est mort et enterré.



Je ne sais plus très bien ce que je voulais dire…



Tu te demandes sûrement d’où vient cette haine refoulée en moi. Si seulement tu savais… Lors de ton procès, l’envie me démangeait, l’envie de tout avouer, de tout révéler au grand public, mais le risque me semblait trop grand. J’avais peur pour toi si tu t’en sortais et qu’il mît ses menaces à exécution. Je parle de Ralph Taylor. Son père. C’est un sénateur américain influent : il avait réussi à obtenir l’immunité diplomatique pour son fils juste avant qu’il m’agressât. Oui, tu as bien compris. Patrick Taylor est sorti de l’hôpital où on le soignait de tes premiers coups sans avoir à gruger les flics : ils l’ont laissé sortir !

Rien que d’y penser, ça me donne des frissons. Il a pu agir ainsi en toute impunité. N’y a-t-il donc rien – rien ni personne au monde – qui puisse arrêter un être immonde pareil ? Rien à part le courage d’un homme qui passait par là par hasard, et qui était pourtant promis à un bien meilleur avenir suite à cette tournée grandiose, si seulement je n’avais pas été là… Si je n’avais pas existé…



 J’ai l’impression que ce qu’il m’a infligé correspond à bien plus que ce que mon imagination puisse concevoir, mais je dois bien avouer qu’on peut toujours imaginer pire. Il existe toujours pire châtiment avec la nature humaine. En fait, si tu ne l’avais pas achevé, je serais probablement morte aujourd’hui, j’en suis certaine, ou il aurait fini par me forcer à revenir à lui, à retirer ma plainte, à oublier.



Tu te demandes sûrement ce qui s’est passé, pourquoi je l’ai quitté, comment les choses ont dégénéré ainsi. A vrai dire, je ne sais plus très bien moi-même.

Fils de politicien américain, sénateur très influent, et d’avocate française, riche héritière d’une famille qui possède MHVL (ça ne te dit sûrement rien mais ils contrôlent un peu tout en France), Taylor était cultivé, affectueux : il venait tout juste d’entrer dans la tranche des quarantenaires que j’affectionne tant et, quand je l’ai vu pour la première fois au journal où je travaillais, j’avais craqué comme une gamine qui rencontre le prince charmant. Il était comme le patron, le principal actionnaire. Le voir s’intéresser à moi, c’était comme être l’élue parmi les élues…

Puis, il s’est avéré très vite qu’il était extrêmement jaloux, voire possessif, qu’il filtrait mes appels, faisait surveiller mes amis, me suivait quand je sortais. Il voyait des « collègues » comme il les appelait, mais ces types-là n’avaient rien de Monsieur Tout-le-monde. J’ai appris par mon cousin, qui travaille au noir pour arrondir ses fins de mois, que l’un d’entre eux gérait un réseau de travailleurs clandestins. Et Taylor, lui, récupérait des pots de vin. Je n’ai pas de preuve malheureusement ; juste des soupçons. Comme pour toutes les manigances politiques de sa mère, d’ailleurs, même si j’enquêtais là-dessus sans savoir qu’il contrôlait toute la rédaction.

Quand Taylor a engagé un détective pour me surveiller moi et mes proches, j’ai décidé de partir, d’en finir pour de bon dès le début de la rélation. Prévenir la police sans preuves, c’était sans espoir. Alors, je l’ai quitté sous le prétexte qu’il ne voulait pas d’enfant avec moi ; ce qui, d’ailleurs, était vrai.

Il m’a harcelée pour que je revienne. Il m’appelait sans arrêt ; il attendait devant chez moi. J’ai fini par porter plainte, mais les flics ont noté mes propos avec un demi-sourire, me faisant comprendre que des plaintes de ce genre, ils en enregistraient des dizaines par jour, et qu’ils ne risquaient pas de faire quoi que ce soit pour m’aider. En insistant beaucoup, j’ai réussi à obtenir un entretien avec un commissaire sympa qui a daigné m’écouter.

Et la suite, tu la connais : c’est ce que j’ai dit au procès.

Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que ses contacts au niveau politique le protègent à ce point. Ma plainte contre lui pour harcèlement a été classée sans suite juste parce qu’on leur a dit d’étouffer l’affaire. Le commissaire a eu l’air désolé quand je suis retournée le voir à ce propos : il a mentionné le rôle du procureur là-dedans, m’a avoué qu’il n’avait pas eu le choix, etc. Et comme le père Taylor s’était aussi arrangé pour obtenir l’immunité diplomatique à son fils avant le viol, il n’y aurait jamais eu de procès, même si j’avais réussi à ressortir l’affaire de harcèlement des tiroirs poussiéreux des policiers de mon quartier ! Il aurait fini par s’en sortir ; il obtenait toujours ce qu’il voulait. Même moi, il a fini par m’obtenir de force. Et m’arracher mes toutes dernières raisons de vivre.



Le pire, c’est quand j’ai dû expliquer mon agression à mon ami gay, Christophe, et son copain Guillaume. Ils étaient désolés pour moi, évidemment, mais ils étaient sûrement plus déçus par la perte de nos jumelles. Ils avaient déjà préparé la chambre des petites et tout… Une tragédie que je n’arrive pas à intégrer. Je n’arrive pas à pleurer leur perte. J’ai l’impression d’être vidée, entièrement lessivée, et du coup, dans l’incapacité d’exprimer la perte.

J’ai revu seulement Guillaume dernièrement – une fois. Il m’a dit que Christophe est toujours un peu sous le choc (c’était lui le père biologique). Et je n’ai rien su dire. Je comprends sa peine ; mais c’est comme si, en quelque sorte, je n’arrivais à la ressentir. On avait pourtant tout prévu, de partager la garde les jumelles très tôt, le fait d’être voisins facilitant tout, de s’organiser pour n’avoir quasi jamais besoin de nounou, prévoyant de prendre nos congés en alternance… J’avais fini par me faire à l’idée que j’aurais pu être heureuse en tant que mère célibataire qui travaille. Que ce rôle impossible était à ma portée grâce à deux hommes d’une bonté rare, qui tentent aujourd’hui de me sortir de ma dépression, chaque jour, en vain.

Car c’était sans compter l’acharnement de Taylor. Je me disais qu’il finirait bien par m’oublier, passer à autre chose. Continuer ses trafics en tout genre pendant que je construirais mon petit morceau de vie. Je me disais qu’un homme ne peut pas faire autant de mal à la personne qu’il dit aimer : il ne viole pas, ne défigure pas, ne poignarde pas la femme qu’il aime, n’en tue pas les enfants de cette manière abominable…

J’étais bien naïve, n’est-ce pas ?

Après tout, un magouilleur de cette sorte, de ce genre de famille, n’agit plus vraiment en être humain : comment peut-on espérer qu’il puisse se comporter dignement avec quiconque ?…



J’ose à peine croire que ce genre de trucs aussi sordides puissent m’arriver. C’est le genre de trucs qu’on ne voit que dans les séries télé, ou dans les faits divers des journaux… mais qu’on n’imagine pas se produire aussi près de chez soi, voire à soi-même. C’est pour ça que je reste enfermée à double tour dans mon appartement. Tu vas penser que je suis parano : j’ai même fait installer deux autres verrous – aux fenêtre aussi, même si j’habite au quatrième étage. J’ai peur de voir quelqu’un entrer, qui que ce soit.

Non seulement, je ne supporte plus le regard d’autrui qui lacère de plus belle mon visage, mais en plus, j’ai toujours peur de voir débouler un type engagé par Taylor père. Engagé pour quoi faire ? Je ne sais pas. Je préfère ne pas y penser.

Je sais que Taylor était capable de tout pour obtenir ce qu’il voulait et que ses parents étaient prêts à tout pour le couvrir. Mais je ne sais pas quel genre d’homme Ralph Taylor est, ni ce dont il est capable aujourd’hui, si ses menaces sont des paroles en l’air ou pas. Je ne l’ai vu qu’une seule fois dans sa villa à Aix-en-Provence. C’est le double de son fils en plus vieux, voilà tout ce à quoi il me faisait penser.

Je crois que c’est lui qui a fait saccager mon appartement juste après ton procès. Mais tu l’auras deviné : je n’ai aucune preuve, et bien trop peur de prouver ce que j’avance…



Si je t’avoue tout ceci, c’est surtout parce que je ne sais pas à qui me confier. Paul est si gentil : il m’appelle assez souvent, ce qui est adorable de sa part. Mais je ne veux pas le mettre en danger en lui racontant tout ça. Il a une famille, je crois. Je ne veux pas prendre le risque de l’impliquer dans tout ça.

Toi, c’est différent. Je ne sais pas si c’est parce que je t’estime plus fort que quiconque, et donc capable de tout encaisser. Ou si c’est parce que, de toute façon, tu es déjà impliqué. Je ne sais pas si connaître toutes les raisons qui font que tu en es là aujourd’hui, peut t’aider à mieux accepter ta condamnation. A vrai dire, je crois que ce sera le contraire. Mais au moins, tu sais. L’ignorance est toujours meilleure consolatrice, oui, c’est vrai. Mais un danger qu’on ignore est toujours plus efficace que celui auquel on peut faire face. Enfin, je crois.



Je pense t’avoir tout dit. J’espère que tu ne trouveras pas ma lettre trop longue – en me relisant, je me rends compte que j’aurais pu en supprimer la moitié, voire tout, mais maintenant que c’est écrit, je préfère te laisser le tout comme ça, et excuse-moi si te tutoyer, alors qu’on ne se connaît pas vraiment, te gène. J’ai maintes fois commencé cette lettre par le vouvoiement – et je finissais toujours par te tutoyer sans m’en rendre compte, comme si le fait que tu sois Till Lindemann, le fait de connaître ton groupe, m’y obligeait…



J’espère aussi que tu comprendras.



Avec toute ma reconnaissance,

Adélaïde

Suite

Ich verstehe nicht - 15

  Chapitre XV – Un moulin à paroles               Dès le lendemain de son arrivée, je regrettai d’avoir accepté la compagnie de Paul. ...