dimanche 24 mai 2009

Gedichte - Komm mit Papa!

Komm mit Papa!

Sie sieht mich wie einen Stern
So heiß, strahlend und so fern...

Es gibt ein Mädchen
Mit bescheuertem Gehirn
Sie schreibt Gedichte
Und Schriftstellungen um mir

Sie sieht mich wie einen Stern
So heiß, strahlend und so fern
Sie sagt, dass ich sie errege
Wenn sie sich ins Bett allein legt

Warum siehst du nicht, dass ich
So alt wie deinen Vater bin?
Warum siehst du nicht, dass ich
Nur ein Mensch mit Problemen bin?

Sie sieht mich wie einen Stern
So heiß, strahlend und so fern
Sie sagt, dass ich bin ihr Idol
Und spiele eine wichtige Rolle
Im ihren einsamen Leben
Und... „das ist so eben!“

Komm mit Papa zurück!
Ich werde deine Träume erfüllen
Komm mit Papa heut jetzt!
Ich werde dein Verlangen lecken

mercredi 13 mai 2009

Gedichte - Deine Worte küssen (usw)

Car j'ai aussi écrit quelques poèmes à certains membres du groupe...

Meinem Meister

Deine Worte küssen

- Mit mir darfst du deine Worte küssen
Diese Worte musst du nicht vergessen
Sie werden auf meinen Brüste geschrieben
Um deinen Herz überfallen, meine Liebe zu beweisen
„Ohne dich“
Nur für dich

Auf meinen Brüste hab’ ich Ohne Dich tätowiert
Mit einer Rose, ohne Kreuz
Weil nur ich, ich, ich
Liebe dich, dich, dich
Vergiss es nicht, nicht, nicht!

- Mit dir kann ich meine Worte küssen
Meine bescheuerte Worte, die ich nicht vergesse
Meine Zunge leckt meine Stimme
Die für immer geschrieben wird
Auf deinem kleinen, holden Brust
Auf deinem schwarzen und roten Busen


Sag mir bitte, warum?
- Ich weiß nicht! Um...
- Nein, erklär nicht
Ich brauche nur dich


Tes paroles embrasser

- Sur ma poitrine un tatouage t’est dédié
Ce sont tes mots que j’y ai tatoués
Pour mon amour te prouver
De ton cœur m’emparer


- Sur ta poitrine je peux mes mots embrasser
Tu y as mes paroles transformé
Une citation sublimé
Mon cœur carbonisé


- Dans ta langue j’ai inscrit Sans Toi
Et une rose pas de croix
Car c’est bien moi, moi, moi
Qui t’aime des fois
Que tu l’oublierais


- Avec ma langue je peux ces mots caresser
Mes paroles de désespéré
Ta rose noire toucher
Et ma peine effacer
Non, je ne l’oublierai



Dem kleinen Bonus

Für H. H. H.

Augen, die lachen
Augen, die schmunzeln
Sie sehen mich wie
Das Mädchen, das ich nicht bin

Augen, die lachen
Augen, die schmunzeln
Sie machen mich klein
Und schlafen nicht ein

Augen, die lachen
Augen, die schmunzeln
Manchmal mit Schminke
Geben mir keinen Wink

Augen, die lachen
Augen, die schmunzeln
Dem schwarzen Humor vergebe ich
Am Ende nur Amor sehe ich.

lundi 11 mai 2009

The DKMders mission - episode 8

The mission of “die Doomkrusmannders Mädchen” – episode VIII:
Schneider ist sauer!

~Schneider keeps some distances from the group~
RICH: What’s wrong?
SCHNEI: No-sing!
TILL: C’mon!
SCHNEI: I said no-sing is wrong! Don’t annoy me!
~Paul, who has just finished telling his joke to the girls, turns around to face Schneider~
PAUL: You’re jealous!
SCHNEI : I’m not jealous !
THE R+ GUYS: Pffff!
SCHNEI: Okay! If you all take it like zat, I prefer being on my own!
~Schnei stands up and is ready to go~
MIHAEL: o_O??
TINE: What’s wrong with him?
JACKIE: No, don’t go!!
SASHA: I know what you need!
~The girls look at Sasha, as if she were their saviour; Sasha disappears into the bathroom to pick up something; when she comes back, she’s got a… huge chocolate cake with tiny pyro candles in the shape of wind mills. When she lights on the candles, the pyro sets sparkles all around, spinning around~
TILL: WOW!!
RICHARD: Oh so sweet!
PAUL: Now I’m jealous.
THE GIRLS: HAPPY BIRTHDAY TO YOU, HAPPY BIRTHDAY TO YOU…
~Schneider can’t believe his eyes~
THE GIRLS: HAPPY BIRTHDAY TO YOU SCHNEIDER… HAPPY BIRTHDAY TO YOU!!!!
RICHARD: o_O?
~Schneider doesn’t know what to say, he just smiles broadly~
TILL: Beautiful pyros!
SASHA: Thanks! It was MY secret idea!
RICH: But…
~Everybody turns towards him~
RICHARD: But…it’s not for me??
MIHAEL: Do you see strawberries on the cake?
RICHARD: Er…nope!
MIHAEL: So it’s not for you!
PAUL: Hee-hee-hee!
SCHNEI: Oh sank you! I sought you had forgotten it…
SASHA: Never!! I can’t forget such an important day!!!
SCHNEI: Sank you so much!
~Schnei stands up, takes Sasha into his arms, then holds her like in Hollywood movies and gives her the most passionate kiss that the girls have ever seen in their whole life~
TILL: Is zis a French kiss?
MIHAEL: Hey, I am the expert in French kissing!
TILL ~suddenly interested~: Oh, really?
~Till gives a naughty smile – Mihael just giggles~
PAUL: Will zey stop?
~Schnei and Sasha are still kissing each other, as if they were breathing each other’s soul through the most exquisite union of lips that any human being has ever witnessed~
PITCH: Now, I AM jealous!
JACKIE: That’s quite long actually…
TINE: Yeah, it’s embarrassing!
~Pitch gets angrier and angrier; Paul notices it and gives the cake to her; Pitch looks at the cake, then looks at Paul who is winking; and finally, she stands, separates Sasha and Schnei and throws the cake into Schnei’s face~
SASHA: Why the fuck did you do that?
PITCH: Er…
SASHA: I’m gonna kill you!!!
PITCH: Wait a sec’!
SASHA: Mihael! The flame-thrower!
MIHAEL: Don’t think it’s a good idea…
TILL: Yeah, some cat-fight!
RICHARD: If it was a strawberry cake, there wouldn’t have been any problem, you know!
SASHA: I’M GONNA KILL HER!!
PITCH: Let me explain!
SASHA: WHAT?
PITCH: D’you wanna lick?
~Sasha is ready to jump on Pitch and strangle her with her own hands when she suddenly realises what Pitch means~
SASHA: MMmmm…
~Pitch and Sasha turns towards Schnei, who looks quite ridiculous with all the chocolate flavoured cake all over his face~
SCHNEI: Er…what arrre you gonna do exactly?
PITCH: Slurp!
SASHA: Yummy!
MIHAEL: After Reesh, it seems to be Schnei’s turn!
PAUL: Burk!
~Sasha and Pitch get closer to Schnei’s face and lick each of his cheeks; Schnei starts frowning then smiles; he hadn’t imagined his birthday like that but at least he’s happy~

lundi 4 mai 2009

Vertrau mir...ich vergebe dir - prologue

Pour alléger ce blog, j'ai décidé de supprimer la fiction "Vertrau mir..." ici pour ne la laisser que sur un blog annexe, donc voici le lien.
Pour vous donner une idée de quoi il s'agit, je laisse dans cet article le prologue de la fan-fiction - si vous êtes intéressez par la suite, vous savez ce qu'il reste à faire.

Vertrau mir…ich vergebe dir



„Auf einer Brücke ziemlich hoch
Hält ein Mann die Arme auf
Da steht er nun und zögert noch
Die Menschen strömen gleich zuhauf“
Till Lindemann, „Spring“

PROLOGUE

Quatre avril 2010, environ 18 heures. Je suis sur les Champs Elysées. Et j’attends. Une centaine de fans piétinent sur place devant la FNAC. Des métalleux surtout. Avec leurs bottes cloutées, leurs hoodies à l’effigie du groupe et leur maquillage outrancier. Quelques lOlliegoths aussi. Les cheveux rouges ou violets. Et leur T-shirt avec la citation tirée d’une chanson du groupe. Le Haut Tank Top remporte haut la main. Ça doit être ironique tout ça, mais elles l’ignorent sûrement. Je n’aime pas les lOlliegoths, j’avoue.
La sécurité essaie de gérer les fans – ils trépignent tous d’impatience. C’est qu’ils ne s’y attendaient pas vraiment, les zigotos. Moi non plus, j’aurais eu du mal à y croire, franchement. La tournée a commencé l’automne dernier. Oui, le groupe avait respecté leurs délais. Et elle se déroulait plutôt bien. Les places s’étaient vendu comme des petits pains – bon, pas au point d’être sold out en moins de 6 heures dans chaque ville – on parle de Rammstein, là, pas de Metallica. Mais quand même ! Malgré le désastre de la vente des places allemandes (ou plutôt à cause de ce désastre), ils avaient réussi à afficher complet en moins d’une heure dans certaines villes européennes. De plus, les critiques étaient favorables, les fans parlaient de se refaire une date sur les forums. En Allemagne, leurs fans de toujours étaient au rendez-vous, créant un véritable chaos sur leur site officiel qui vendait les billets – dans le reste de l’Europe, de nouveaux fans se pointaient pour leur tout premier R+ concert. Tout le monde se disait qu’ils allaient enfin cartonner aux Etats-Unis. Surtout qu’ils avaient vu grand – la tournée devait durer deux ans et demi, passait par les Amériques, l’Asie et l’Océanie, et on parlait même de nouvelles dates en Europe pour l’automne après le concert à Tokyo. Bref ! Un succès plus qu’honorable pour les Teutons.
Et là, bam ! d’un coup, après le concert à Nantes, ils ont décidé d’annuler toutes les dates. Sans explication. Ou presque.
Newsletter du site : pour s’excuser de cette annulation, le groupe a décidé de faire une séance de dédicaces à Paris. Quelques jours après, c’est Paul Landers en personne qui a fourni de vagues explications. Il avait l’air fatigué, le pauvre. Comme s’il n’avait pas dormi depuis des jours. Des cernes encore plus prononcées sous les yeux, une mine plus que déplorable. On aurait presque dit qu’il avait passé les quelques minutes hors caméra à chialer. Et ça m’a surpris. Puis ça m’a fait mal. Enfin, ça m’a fait plaisir. Un plaisir quasi sadique de le voir souffrir à ma place. Un plaisir qui me rendait coupable et donc me faisait encore plus mal. Un plaisir que je ressens encore en observant les fans aujourd’hui, tous venus pour la même raison.
Je me tiens de l’autre côté de la rue des Champs Elysées, en face de la horde de fans qui attendent à l’entrée de la FNAC. Certains sont arrivés vers midi – alors que la conférence n’est annoncée qu’à 19 heures. Je sais, j’étais là, je les ai vus arriver en avance. Les passants n’avaient pas tilté. C’est vrai qu’ils ont un look plutôt normal, ceux-là. Puis vers 16 heures, le troupeau s’est agrandi. Et les passants ont commencé à se poser des questions. Une vieille mémé m’a même demandé si je connaissais ce groupe,
‘Les…heu…Rame-stène ? ça vous dit quéqu’chose à vous, car moi, je connais pas.’
Je me suis tournée vers elle. Elle a vu ma joue. Je lui ai souri. Elle a fait les yeux ronds.
‘Non. Pas vraiment.’
Elle s’est éloignée sans dire un mot. J’ai remis ma mèche de cheveux châtain, légèrement bouclés et surtout très abîmés devant mon visage. C’est devenu une habitude maintenant. J’ai remarqué que les gens n’aiment pas ce qui sort de l’ordinaire. Déjà qu’ils fixaient mon tatouage du regard avant (quand j’osais me mettre en débardeur) – alors une cicatrice sur la joue gauche !

Vous vous demandez sûrement ce que je fous là, à attendre dans la rue pendant des heures une séance de dédicaces à laquelle je ne veux pas assister. Le serveur du café d’à côté aussi, je suppose. A vrai dire, je n’en sais rien. Quand j’ai vu l’interview donnée par Paul sur YouTube, j’ai ressenti un profond malaise – alors que je m’étais promis : « Non, tu n’iras pas à cette séance de dédicace – ça ne t’apportera strictement rien – ça ne t’aidera pas non plus. »… J’avais ressenti le besoin d’aller voir Paul, de lui parler, de le rassurer – et ce besoin-là est toujours blotti dans mes entrailles, que je cache avec un livre apporté juste ‘au cas où’. C’est ce que j’ai dit à ma sœur aînée – la seule à être au courant de ce qui m’est arrivé à Nantes le 16 novembre dernier. Au cas où.
‘Au cas où tu arriverais à leur parler ?’
‘Oui. Peut-être. Je sais pas.’
‘Fais comme tu le sens. Je préfère encore que tu sortes plutôt que tu restes enfermée chez maman. C’est pas bon de rester cloîtrée comme ça, tu sais.’
‘Je sais.’
‘Et tu sais, je t’accompagnerais bien mais avec mes quatre gamins…’
‘T’inquiète pas. Je te le disais juste à toi pour te prévenir. Je vais dire à Mum que je vais à Toulouse pour du shopping et que je dors chez une copine.’
‘Ah d’accord.’
‘C’est juste pour que quelqu’un sache que je pars à Paris en fait. Au cas où…’
‘Je comprends. Fais bien attention à toi quand même. Y’a quelqu’un qui peut t’accompagner ?’
‘Oui, j’ai une amie là-bas.’ (Ce qui était faux.)
‘Sinon, tu peux toujours demander à Eric – il acceptera sûrement de te prendre à la gare et…’ (Eric était notre cousin – lui aussi avec deux bébés à charge.)
‘Non, non, ça ira.’
‘T’es sûre ?’
‘Certaine.’
Je suis donc venue quand même. Je m’en rends compte maintenant. Et je n’aime pas ça. On dirait que je passe des jours avec mon cerveau en mode off. Je ne me rends pas compte de ce que je fais. Je perds l’esprit et je pars dans mes pensées. Mais en même temps, j’achète un billet de train sur Internet, je marche jusqu’au métro parisien, je prends un ticket, je me traîne jusqu’aux Champs Elysées, et tout ça, sans réfléchir. Ou plutôt si ! En réfléchissant sur tout – je réfléchis trop, me dit souvent ma petite sœur. Elle a tellement raison.
Et non, je ne veux toujours pas traverser cette rue pour rejoindre le troupeau de fans. L’idée même m’en fait trembler les membres. D’ailleurs, vous allez rire, mais depuis le temps que je suis debout, je ne sens même plus mes genoux…
‘Hey !…Hé oh !!…Allô la Terre, ici la Lune !’
Je me retourne vers le mec qui me cause.
‘Salut !’
‘On se connaît ?’
‘Non, mais je vois que tu as le Messer là ! Toi aussi, tu es venue pour la séance de dédic’ ?’
‘Heu…plus ou moins…’
Je baisse les yeux sur mon édition paperback du livre de Till Lindemann – je ne savais même pas que je l’avais apporté, ça aussi – je suppose qu’il doit toujours y avoir mes poèmes dedans…
‘Wow ! Y’a un paquet de monde depuis tout à l’heure !
‘En effet.’
‘Viens, y’a pas de voiture là !’
Le type – un grand maigre avec un T-shirt Sehnsucht, la tête d’Ollie imprimée dessus – m’attrape le poignet et m’emmène de l’autre côté de la rue. Sur le coup, je ne réagis pas, puis je lui dis de me lâcher et je m’arrête au milieu de la route. L’autre me regarde bizarrement.
‘Qu’est-ce qui t’arrive ?’
Je contemple mes pieds, cherchant une excuse.
‘J’ai tordu ma cheville.’
‘Hey ! Fais gaffe ! y’a une voiture!’
Il se saisit de mon bras et me ramène sur le trottoir, à quelques mètres à peine de la FNAC. La voiture me frôle de peu.
‘Eh ben dis-donc ! Tu l’as échappé belle ! ça va ta cheville ?’
‘Oui.’
‘T’as quoi à la joue, là ?’
‘Rien.’
Je remets mes cheveux devant mes yeux.
‘Viens, j’ai un pote qui attend déjà dans la file. Pratique, hein ? Je suis allé chercher des sandwiches pendant qu’il poireautait pour moi. Au fait, moi, c’est Sébastien.’
Il s’arrête pour me présenter sa main. Je la regarde fixement puis la lui serre.
‘Et toi ?’
‘De quoi ?’
‘Ton petit nom ?’
‘Gabrielle, mais ne me drague pas – mon cœur est déjà pris pour cet homme. (Je montre le Messer.) S’il me congédie ce soir, tu auras peut-être droit à ta part.’
Sébastien éclate de rire.
‘Tu es une bien marrante toi !’
‘J’ai dit peut-être !’
‘OK, OK ! Tiens, v’là mon pote ! Hey ! Marc !’
‘Ah te voilà enfin! J’ai la dalle moi !’
‘Ouais, tiens – bouffe, gros porc ! Je te présente Gabrielle, une groupie de Till.’
‘Ah, salut !’
‘Salut.’
Les deux amis se bouffent leurs sandwiches. Je me rends compte que je n’ai rien mangé depuis ce matin dans le train. Mais je n’ai pas vraiment faim. Je n’ai plus vraiment envie de grand-chose depuis quelques mois, j’avoue. Les fans devant nous s’étaient retourné pour zyeuter ma cicatrice sur la joue – je l’ai à nouveau dissimulée en me recoiffant. Et là, je cherche désespérément une excuse pour m’enfuir, pour échapper à tous ces jeunes venus voir les mêmes vieux schnoks. Mais rien à faire : mon cerveau est en mode compote à nouveau. Je ne prends aucune initiative pour partir loin de tous ces jeunes, loin de tout ça, loin de tout ; et lorsque les portes de la FNAC s’ouvrent enfin, je me mets à avancer lentement comme les autres.
Quand Sébastien, Marc et moi passons enfin les portes, les chansons du nouvel album nous parviennent aux oreilles, accompagnées des murmures des autres fans qui se passent le mot sur comment Richou s’est habillé ou sur la nouvelle coupe de cheveux improbable de Schnei. Je n’y prête pas vraiment attention. Mon corps s’est dit : on va jouer les robots, avancer tranquillement dans la file, montrer le booklet aux membres du groupe, le livre à Till, puis repartir comme si de rien n’était. « Et si Paul te reconnaît, cocotte, tu fais quoi ? Ben, je sais pas trop. Je lui fais un sourire. Je lui dis que je vais bien. Que je ne suis pas morte. Qu’il ne m’est pas arrivé malheur non plus. Que je suis peut-être en pleine dépression, mais que ce n’est pas pathologique. Et si ça l’était, ben, y paraît que ça se soigne… » Un murmure m’interpelle. Une lOlliegoth à quelques mètres devant moi vient de dire que
‘Paul a une sale tête quand même !’
‘Bah ! il doit être malade,’ lui répond sa copine.
‘Ou alors, il a bouffé un truc qui est mal passé !’
Elles pouffent de rire.
‘En tout cas, j’aime pas son bonnet,’ relance l’autre.
‘Mouais…oh regarde ! Till parle à Paul là – il lui dit quelque chose à l’oreille…’
‘Je me demande ce qu’il lui dit…’
‘Sûrement un truc du genre : oh, regarde comme elle est bonne celle-là !’ les rembarre un métalleux au logo R+ tatoué sur le bras droit.
‘Pfff !’
Mes pensées se sont figées. Je ne pourrai pas soutenir la vue de Paul dans le même état que dans la vidéo. Sur le coup, je n’avais eu aucune émotion. YouTube me proposait déjà d’autres vidéos à regarder que je ne savais toujours pas comment réagir. Paul avait mis un bonnet pour cacher sa calvitie naissante et les racines grises de ses cheveux restants – il avait encore plus de rides que la fois où je l’avais vu à Nantes – il lançait un regard de chien battu. Puis, j’avais re-regardé la vidéo. Et je n’avais pas pu contrôler mes larmes. Non, je ne veux pas pleurer devant tous ces fans. Certains vont sûrement tout comprendre. Surtout si Paul fait un truc stupide du genre : se lever, faire le tour de la table et me prendre dans ses bras – comme il l’avait fait il y a quelques mois – dans ses tendres bras qui m’avaient tellement réconfortée… Non. Il faut qu’il reste impassible, sinon les autres vont me regarder bizarrement – me dévisager – chercher les traces de mon martyre sur mon corps meurtri – me brûler du regard comme le font les témoins d’une exécution publique. Mais voilà ! Si je me mets à pleurer, c’est sûr qu’il voudra me prendre dans ses bras. Ou il se lèvera et caressera ma joue du doigt comme il l’a fait avec le gamin à Moscou dans le Völkerball. Non. Pas ça. Pas ça… pas ça…
‘Chut ! Taisez-vous !’
Des murmures encore. Cette fois on réclame le silence.
‘Chuuut ! Fermez-là ! Il veut parler !’
‘Ben, pourquoi on lui donne pas un micro aussi !?’
‘Chuuut qu’on te dit !’
‘Excuse me… May I have your attention?’
Je baisse la tête.
‘Please… Listen to me. Sank you.’
Je sais que c’est Paul qui parle – il a un accent – et puis, c’est sa voix, aucun doute là-dessus – avant, je la confondais avec celle de Richard – mais Richard parle anglais avec un ton légèrement traînard, comme tous les New Yorkais.
‘You all know why zis conference was organized. I am looking for a girl. She has a tattoo on her chest. Very big tattoo. She must be here so if you see her… well, I hope she is here. I…She…She’s a short girl wiz…wiz brown hair and… Bitte komm her, wenn du da bist!’
Je me glisse derrière Sébastien. Et je garde la tête baissée. Marc chuchote à l’oreille de Sébastien :
‘Tu comprends ce qu’il dit toi ?’
‘Ouais, je crois qu’il dit qu’il cherche la fille dont il a parlé dans l’interview.’
‘Quelle interview ?’ demande un jeune goth à côté de nous.
‘L’interview qu’il a donnée y’a pas longtemps, où il dit qu’ils ont arrêté la tournée car Paul a été témoin d’un viol sur une fan mais que la fille s’est enfui sans aller à l’hosto ni porter plainte…’
C’était trop pour moi. Je me retourne et m’élance vers la sortie, bousculant les jeunes au passage. Je fais même tomber mon Messer, que je ramasse vite fait, mes poèmes s’en échappant – mais je n’ai pas le temps, je dois sortir, je ne peux plus respirer.
‘Putain ! Laissez-moi passer ! Laissez-moi sortir !!’

***

Je suis à la gare Austerlitz. Je ne sais plus à quelle heure est mon train. Peu importe. De toute façon, plus rien n’a vraiment d’importance. J’ai sprinté depuis la FNAC jusqu’au métro, ignorant les passant mécontents. Je me suis ensuite retrouvée à la gare, ma destination, mais sans savoir qu’y faire. Et j’ai laissé mes poèmes derrière moi. J’aurais dû les ramasser. Ça me fait mal de les avoir oubliés. Pas parce que je les ai perdus – j’ai toujours les fichiers sur mon ordi portable à la maison. Pas parce qu’un des fans risque sûrement de les lire. Parce que… Je ne sais pas trop pourquoi, en fait. Sûrement parce que j’aurais aimé les relire dans le train. Comme une autiste. Apprenant mes propres lignes par cœur car je connais déjà celles de Till. Tant pis ! Je lirais le Messer à la place. Encore une fois.


[modifié en mars 2010; la suite par ici!]

The DKMders mission - episode 5 to 7

The mission of “die Doomkrusmann Mädchen” – episode V:
The Hotel


JACKIE: C’mon! C’mon! Let’s hurry up! C’mon!
~the girls (who tied up each of the R+ guys, and even put an adhesive on their mouths) are leading them into a hotel: Jackie managed to steal the keys for the rooms~
JACKIE: Shh! Make no sound!
PITCH: Of course! that’d be fun if someone found us though: 5 girls with 4 men tied up like dogs!
THE GIRLS: SSSssshhh!
PITCH: Oh, sorry!
~They decide to take the stairs~
SASHA~whispering~: The lift is too dangerous, someone could see us.
~But Paul doesn’t seem to act like a good dog~
SASHA: C’mon! Paul, follow me!
~Paul shakes his head and doesn’t move from the bottom of the stairs – the other R+ guys turn to look at him~
SASHA: Paul! If you refuse, I’ll whip you again!
~Paul frowns, then shakes his head again~
MIHAEL: I’ve got an idea… Till? ~smiling at him, then winking in a sexy way~
~Till frowns, then nods, gets up, and finally hits Paul hard on his head~
TINE: Till really obeys you, eh?
MIHAEL: He’s my good little dog… Hm, Till? Show her how good you are!
~Till shakes his head then puts it on Mihael’s belly~
SASHA: Now, Paul, do the same! Is it clear??
~Paul nods and follows the rest of the group. They slowly climb the stairs – Jackie stopping the group from time to time to make sure nobody saw them. They reached the 4th floor when a man in a very dark suit comes up from nowhere and stands right in front of them~
PITCH, TINE, and JACKIE ~gasping~: Oh no…
~Then a boy comes up, and stands next to the man~
SASHA: I think we’re in trouble…
TINE: What do we do?
PITCH: Let’s pretend it’s just normal…
MIHAEL ~to the 2 strangers~: Excuse me?
SASHA: Mihael!!! What are you doing????
MIHAEL: Hm? I’m just – well, I’m just communicating!
JACKIE: Bad idea!
TINE: Yeah! Very bad idea!
AISH: See? That’s what I told you!
MICHAEL: Damn! They did it!
JACKIE: Aish???
SASHA: Michael???
PITCH: What the f*ck!
MICHAEL: And they wouldn’t even share!
AISH: With whom?
MICHAEL: With US!
AISH ~frowning~: Oh! No, don’t tell me you’re –
MICHAEL: No, no, I’m not gay, I mean –
TINE: Sorry, guys, but we’ve got business.
~Tine and Richard go on towards their room; Richard frowns at Michael, as if he had recognized him~
MICHAEL: Hey! Hey! Hey! Can I talk to Richard? I’ve got a great new song – he must listen to it!
TINE: I don’t know…what do you prefer, Richard? A great night with a beautiful model like me…or…advising Michael?
~Richard looks as if he were thinking hard…~
AISH: Pfff! ~facing the other girls ~ So you all gonna have a good beast-like sado-masochistic party, eh? Tell me when I can join you!
MIHAEL: You’re disgusting, Aish. Till, show him how pure our love is.
~Till looks up at Mihael, then puts his face right between her legs and his hands on her buttocks~
MIHAEL: Pfff!
PITCH: Epic fail!
AISH: Yeah, that’s what I thought. When you finish with the guys, just call me!
~Richard is still thinking hard on the dilemma; Schnei sighs and finally points at Tine~
TINE: See! Richie is just for me!
~Tine goes towards the room, where Jackie is already unlocking the door, Richard following her~
MICHAEL: What??? But – but…he didn’t choose!
PAUL ~who just got rid of his adhesive~: I can listen to your song, if you want.
MICHAEL: But – I…I wanted Richard to… ~deep sigh~
PAUL: As you wish.
~Paul follows Sasha; Schnei pats on Michael’s shoulder then follows Pitch; Mihael grabs Till’s hair and forces him to follow her~
MICHAEL: Pfff! It’s unfair! Just because they are…they are…beautiful girls! Pfff!
AISH: Well…look at the bright side: 4 men for 5 girls. You see what I mean?
MICHAEL: …No, I don’t.
AISH: Oh! C’mon!
MICHAEL: There’s one R+ missing? They should’ve taken Oli too!
AISH: No! There’s gonna be…one girl…FREE! See what I mean?
~Michael frowns~
MICHAEL: The girls are right: you’re a damn pervert, Aish!

The mission of “die Doomkrusmann Mädchen” – episode VI:
Part 1: The “aside” about Oli

~The girls are getting ready to have fun with the R+ guys, whom they have untied and who are just keeping quiet~
PITCH ~impatiently~: Who starts?
JACKIE: I think it’d be good to have Richie str –
~someone knocks on the door~
SASHA ~perplexed~: Who’s that?
TINE: Someone invited a friend?
JACKIE and PITCH: Nope!
MIHAEL: Come in!
~The door opens on Trevor~
TREVOR: Hi girls!
THE GIRLS: Oh! ~relieved~ Hi!
TREVOR: I was wondering, you didn’t kidnap Oli, right?
THE GIRLS: Why?
TREVOR: Well, I just wanted to make sure you wouldn’t torture him too – he’s a good guy, Oli, you see – I really like him – and I even think it’s a shame he doesn’t have so much space on stage – you see what I mean?
~The girls nod~
TREVOR: Because, you see, I love the bass, and I think it’s a real pity fame is always for the guitar players or the singer – not that I don’t like you, guys, eh! ~winking at the R+ guys~ That’s not what I mean, it’s just that I think Oli deserves more consideration. You understand, guys?
~The R+ guys nod~
TREVOR: Good. I just wanted to make sure that was clear.
MIHAEL: Thanks, Trevor.
TREVOR: You’re welcome. Well, so… have fun, girls!
PITCH: No worries about that!
TREVOR: See ya!
~The door closes~
MIHAEL: We should’ve kidnapped Oli too.
THE OTHER GIRLS: Hm?
MIHAEL: For Trevor, you see – he could have talked with him and –
SASHA: Mihael, it’s the Doomkrusmann Mädchen mission!! Doom – Krus – Mann – ONLY!!!
TINE: And for MÄDCHEN!
JACKIE: Yeah! that’s the most important word!
MIHAEL: Oh, yeah! Right but…
~Paul frowns~
MIHAEL: But Trevor would have been happy with Oli, talking about, I don’t know… musical stuff!
~Paul looks at Schnei~
PITCH: Well, Trevor has his wifey anyway…
~Paul then looks at Richard~
JACKIE: That’s right!
~Paul finally looks at Till~
MIHAEL: Well, right!… So who starts then?
~Paul frowns even more than before, his eyebrows totally asymmetrical~
PITCH: What’s wrong, Paul?
PAUL: How did you call zis mission?
SASHA ~smiling proudly~: Doomkrusmann! That’s MY idea! Ain’t bad, eh?
~Paul sighs~
TILL, RICHIE and SCHNEI: HAHAHAHHAHAHAHAHAHHAHAHA!

Part 2: The…stripper!!!!!!

JACKIE: Can we start at last?
TINE: With Richie?
JACKIE: Oh! Yes, yes, please!
SASHA: C’mon, Richie!
~Richard hesitates~
PITCH : Show us what you can do, Mr. Body Beautiful!
RICHIE: Er…what am I supposed to do exactly?
~Mihael stares at the other girls – they are waiting – Mihael doesn’t understand and goes on brushing Till’s hair with her fingers~
SASHA: Mihael!!!
MIHAEL: Hm? Oh yeah!
~Mihael looks for something in her bag – she takes out a costume. Richie looks at it then smiles broadly~
RICHIE: Oh! I think I’m gonna love it!
~Richie takes the costume and rushes to the bathroom with excitement. Paul and Schnei look at each other, perplexed. Till starts mumbling the song “YMCA”, which makes the girls laugh. When Richie comes back, he’s dressed as…a Native American warrior~
THE GIRLS: Woohoooo!
RICHIE: Hug!
~Paul frowns – Till starts giggling – Schnei is…just speechless~
RICHIE: Ready for my show, ladies?
THE GIRLS: Oh yesssss!
~Paul sighs – Till is still giggling~
SCHNEI: Oh mein Gott!
THE GIRLS: Ssssshhhhh!
~Richie looks very proud of himself. He actually stands in front of the girls, showing off his big muscles, for them to say “oooooh!” or “aaaaaaaaah!” repeatedly. Till found where the fridge was and took out some cold chicken meat and the beet root salad that Mihael obviously left there for him – Till begins to eat with a delicious grin. Schnei is looking at Richard in a jealous way. Paul is just smiling – thinking about some mysterious thing…~
JACKIE: Wow!! I think I’m gonna faint…
TINE: Tut-tut! Stay with us or nobody will wake you up!
SASHA: Oh! Richie, you’re just amazing!
RICH: Yeah, I know, sweetheart. Thanks!
PITCH: Hey! She’s a sweetheart?? What about us?
RICH: You’re a sweetie too. And you girls too, my dears!
TINE, JACKIE, MIHAEL: ~sigh in pleasure~
SCHNEI ~rolls his eyes~: Oh mein Gott!
PAUL: Richard?
RICH: Mmm?
PAUL: Weißt du, dass Pitch nur 16 ist, oder vielleicht wenig?
PITCH ~cat-like angry look~: What? Are you talking about me??
PAUL: Er…no, no!
PITCH: Good! Anyway, get ready: you gonna be next!
JACKIE: No! Schnei will be!
MIHAEL: Ah? Not Till?
RICHARD: Hello?? I’m here!!
THE GIRLS: Oh sorry! ~giggles~
SASHA: ~to Mihael~ Put the track on! ~to Richie~ Go ahead!
JACKIE: Show the best!
~Mihael puts the song “Freeek” by George Michael~
TINE: Pfff! This song sucks!
JACKIE: No! It’s perfect for this!
~Mihael rushes back to sit with the girls, right in front of Richie, who already started to dance. Till stops eating, frowns, has a look at the fridge, scratches his forehead…then takes the bottle of wine and a beer, and finally comes backs to sit with the girls. Paul frowns.~
PAUL: Wirst du Wein mit Bier trinken?
THE GIRLS: Ssshhhh!
PAUL: ~thunderstruck~ Sorry.
~Schnei frowns even more. Richie is still dancing: he takes feathers off his head band one by one and uses them to tickle every girl’s face – the girls look as if they were in heaven, facing an angel, who looks damn sexy when he sometimes turns around to shake his ass, or bends a little to make a shimmy-shimmy, or subtly licks his lips while winking at each girl one after the other. Till has started drinking the wine, and is looking at Rich in a very weird manner: it seems to be excitement and amazement at the same time. But Richie doesn’t care: he even winks at him as he does with the girls after a “hip-shake”~
SCHNEI ~long sigh~: Oh Gott!
PAUL: Hee-hee! Zat’s good to starrrt with Richarrrd!
THE GIRLS ~all turning around~: SSSSHHHHH! ~then focus back on Rich, who is unzipping his only piece of clothing: a sort of brown panty-like skirt/shorts with red motifs embroidered on it~
SCHNEI ~whispering~: Warum?
PAUL: Weil sie sehr nass werden! ~he winks at him~
SCHNEI: OH MEIN GOTT!! ~he stands up~
SASHA: Was tust du?? Sit down! Right now!! ~she looks back at Richie~
SCHNEI ~poor kid’s look~: Okay… ~he sits down again and frowns~
~Richie is now only wearing his black pants and crawls on all fours. Till is smiling at him; then he looks at his beer can and opens it; he spills all the beer on Richie’s chest. Richie pretends he’s washing himself with it. Mihael looks disgusted; Pitch giggles; Sasha frowns; Jackie and Tine jumps on Rich at the same time…and bump into each other~
TILL, PAUL and MIHAEL: HAHAHAHAHAHHAHAHA!
TINE: Ouch!
JACKIE: Hey!
RICHARD: Are you OK?
JACKIE: Yeah… ~she puts her hand on her forehead~
TINE: I think so… ~she checks her shoulder~
RICHARD: You sure? Oh poor little girls… Come into my arms!
~Tine and Jackie look at each other, then they both take Richie in their arms at the same time~
JACKIE: You smell so good…
RICH: Thanks sweetie!
MIHAEL: Hm! Hm! He smells… beer!
TINE: And then? It’s beer on Richie… ~one lick~ And it tastes good too!
~Richie starts giggling~
JACKIE: Oh yeah! ~two licks~ So good!
~Richie goes on giggling~
TINE: D’you like it? ~three licks~
RICHARD ~giggles~: Oh, no, stop it! I’m ticklish!
MIHAEL: Really? ~pervert smile~
~Mihael picks up one of the feathers on the floor but Sasha holds her arm~
SASHA: Tut-tut! Naughty girl!
~Paul, who was smiling even more, suddenly loses his smiles and sighs~
MIHAEL: Hee-hee! Sorry!
~Jackie was starting to lick Rich again when someone knocks at the door~

The mission of “die Doomkrusmann(ders) Mädchen” – episode VII:
Paul, the good boy

~But who is knocking at the door? It’s…Aish!!~
TINE and JACKIE: Oh no!…
SASHA: What the f*ck do you want again???
SCHNEI: Oh! It’s bad to say swearrrworrrds, you know…
SASHA: Yeah, sorry… What the hell do you want again, Aish!!???
AISH: Sorry to disturb such a great party but, since I cannot join it, I thought I could waste my time usefully… So… I went on Google!
MIHAEL ~putting her right hand on her heart, in a solemn voice~: Always double-check what you will find on google!
THE GIRLS: o_O??
THE R+ GUYS: o_O???
AISH: Er…Why did you say that, Mihael?
MIHAEL: Oh, sorry – it’s just something that my American Renaissance teacher, Crazy Dick, made us swear in class last semester – seriously!!
AISH: Ah okay! Well, so I went on Google and guess what? Your name is already used!
THE GIRLS: WHAT?????
THE R+ GUYS ~looking at each other~: o_O????
JACKIE: You mean, there’s another group with our name?
TINE: Impossible!
PITCH: Really?
MIHAEL: Damn!
SASHA: That’s scandalous!
PAUL: Ja ! Verrry scandalous !
~the other R+ guys look at him, frowning ; Paul just smiles~
AISH: It’s a punk band, by the way!
PITCH: Seriously?? What stupid band could take our name?
TINE: Yeah! a metal band, it’s OK, but…punk? Pfff!
JACKIE: I can’t believe it!
AISH: You should.
MIHAEL: OH YES!!!
~the girls look at Mihael, frowning deeply~
AISH: Don’t tell me you know the band, Mihael, and chose to adopt this name willingly – it’s just…absurdly fucking dumb!
MIHAEL: Of course I know the Dropkick Murphys! My friend Lily likes them!
SASHA: But what the f*ck does it have to do with us???
PAUL: Ja! ~frowning hard, unable to find a good joke~ Was!?
MIHAEL: C’mon! It’s obvious! Doomkrusmann? Dropkick Murphys?
THE GIRLS: o_O???
MIHAEL: DKM!!!
RICHARD: Oh! You mean: KMFDM? I LOVE this band! I can dance all night long while listening to their music – it’s so powerful! It’s so…so…er…
~Mihael rolls her eyes, whispers something to Till’s ear~
TILL: Richarrrd! Sit down!
RICHARD: Okay.
MIHAEL: DKM! They use the same initials.
SASHA: Bunch of motherf*ckers! They get me even angrier than those stupid R+ fans who ask stupid questions on the Facebook group! RRRrrrr!
MIHAEL: You don’t even know the Dropkick Murphys! They’re not too bad…
PITCH: They make punk music – that’s enough to say!
TINE: Yeah! Pfff!
JACKIE ~desperate~: So what should we do now?
TINE: We’ve got to kill them with the Steinmobile!
TILL: Oh ja! I take ze commands of ze new big flamethrrrower in ze front!
RICHARD: And I drive!
SASHA: No! We have to…change our name!!
PAUL: Ja!
AISH: No pyro stuff then? Okay, so I think I gonna go.
~Aish leaves the room, where everybody (except Sasha) is now frowning at Paul~
SASHA: We’ve got to change our name, that’s the only solution left – and it’s good because I was thinking about it and I realised that it’s not fair –
PAUL: Nein, not fair at all!
SASHA:– for our little Paul –
PAUL ~pointing at himself~: Me!
SASHA: – that he’s not included in our name. Really! We should find something better than “+ Bonus Paul”! I mean –
PAUL ~with his angry baby look~: I’m not just a bonoos!
SASHA ~turning to face Paul~: Of course you’re not!
~Sasha takes Paul into her arm and cuddles him like a baby; Paul, of course, is smiling as if he were in heaven~
MIHAEL: Any suggestions?

SASHA: Die Doomkrusmannders Mädchen!!
JACKIE: Oh yes! I like it!
PITCH: Cool!
TINE: A bit long but it’s okay – I vote for it!
MIHAEL: Mmm…Yeah! Phonetically, it sounds good!
SASHA: Excellent! See, Paul? You’ve got your moment of glory now!
~Paul smiles, turns towards to the other R+ guys~
PAUL: Und mehr vielleicht!
THE OTHER R+: Pffff!

Ohne euch - 3ème partie

Final

„Weil die Nacht im Sterben lag
Verkünden wir den jüngsten Tag
Es wird kein Erbarmen geben
Lauft! Lauft!... um euer Leben“
Till Lindemann, „Der Meister“[1]

Tiger est un prisme dont les faces sont trop nombreuses. Mikael, un puzzle auquel il manque des pièces. Bang, un molosse qui mort dès qu’on s’approche trop près de son os. Peter, une boîte à musique dont les piles sont à plat. Bürge, une poupée qui vous regarde sans mot dire. Et Henry, un petit garçon qui ment pour cacher ses secrets.
Voilà comment je vois les six hommes dont j’ai décidé de raconter la vie – bien trop courte puisqu’elle se termina, pour tous les six, le premier janvier 2000.


23 décembre 1999

Alors que Tiger et Mikael essayaient tant bien que mal de convaincre la mère de leurs filles respectives de les laisser passer Noël avec elles, Henry, Bürge, Peter et Bang tuaient le temps en jouant à une partie de poker sans intérêt.
‘Des fois, je me demande ce qu’on fout dans ce putain de monde !…’ commença Henry.
C’était le début d’un cercle vicieux. Jusqu’à ce jour, tous les six avaient essayé d’oublier de réfléchir – pensant sûrement que c’était préférable pour leur survie…et ils avaient raison.
Bürge leva la tête vers Henry ; Peter haussa les épaules.
‘Je n’en ai aucune idée !’ lança Bang en regardant attentivement ses cartes. ‘Peut-être que Dieu a prévu un plan pour nous…mais qu’Il préfère le garder secret pour l’instant.’
‘S’il existe,’ ajouta Bürge en classant ses jetons.
‘Bien sûr qu’Il existe !’ rouspéta Bang.
‘Je n’ai pas la chance de croire avec autant de ferveur que toi…’ dit simplement Bürge.
‘Bon, si on en revenait à la conversation que j’ai lancée !?’ s’écria Henry. ‘Qu’est-ce qu’on fout dans ce monde, c’était ; pas est-ce que Dieu existe !’
‘C’est plutôt lié…’ murmura Peter.
Henry soupira.
‘Bon, qui a déjà pensé au suicide ? Voilà, là, c’est assez éloigné pour toi ?’
‘C’est vachement glauque, comme question,’ fit Bang en balançant deux jetons au centre de la table.
‘Ouais, je sais… Mais hier, j’y pensais, moi, à me suicider… Alors je me demandais si vous aussi.’
Les trois autres le regardèrent sans comprendre.
‘Rien ne sert de m’faire des yeux ronds comme ça : c’est la vérité !!’
‘T’as pensé à te suicider ?’ répéta Peter.
‘Ouais !’
‘Et pourquoi tu n’l’as pas fait ?’ demanda Bang avec un sourire narquois. ‘Ça nous aurait épargné cette conversation débile !’
‘Ha ! ha ! Très drôle, celle-là !… Si tu veux tout savoir, je ne savais pas trop comment m’y prendre pour faire ça proprement, sans laisser de trace, et surtout, sans me rater. Voilà !… Mais vous avez toujours pas répondu à ma question…’
‘Eh bien, pour être franc…’ s’engagea Bürge, ‘ça m’arrive parfois. Mais je me dis que la mort viendra bien assez tôt ; pas besoin de penser à faire son travail à sa place.’
Bang les regarda tour à tour, choqué.
‘Il vous manque une case à tous les deux !’
Sur ce, Mikael, qui tenait encore la porte d’entrée pour laisser passer Tiger, s’exclama :
‘De quoi vous parlez, là-bas ?’
‘Oh ! rien : Henry et Bürge pensent à se suicider, et Bang essaie de les en dissuader’, résuma Peter.
‘Non, en fait, j’ai dit que…’ tenta de rectifier Bürge.
‘Non ! C’est vrai !?!’ fit Mikael en claquant la porte. ‘Vous êtes sérieux, tous les deux ?’
‘Bien sûr que je suis sérieux ! Je suis toujours sérieux !’ affirma Henry en souriant.
‘Ah ! donc c’est pas sérieux,’ conclut Mikael, visiblement déçu.
Tiger se fraya un chemin vers le réfrigérateur, duquel il sortit une canette de bière, sans mot dire.
‘Alors ? Comment ça s’est passé avec Rebecca ?’ lança Peter.
‘Mal,’ répondit Tiger sur son ton sec devenu habituel depuis sa sortie de prison.
Les quatre joueurs se tournèrent vers Mikael à l’affût de plus de détails. Ce dernier soupira.
‘Ouais…elle a dit que c’était son tour de garde – c’était prévu qu’elle les ait pour Noël, alors elle les a pour Noël…’
‘Mais c’est la Noël, quand même !’ s’exclama Bang. ‘C’est une fête familiale !! Elle ne peut pas vous interdire de voir vos filles, quand même !’
‘Techniquement parlant, Lidja n’est plus trop ma fille…’
‘Mais elle le pensait pas, Tiger…enfin, j’espère…’ tenta de le rassurer Mikael. ‘Elle sait très bien que tu vas pas cramer Lidja ! Non, c’est juste qu’elle… Elle se sent mal quand on est tous les deux… ensemble… ça lui rappelle… Enfin, bref !’
‘Faut avouer aussi que c’était pas très malin de votre part. J’veux dire : faire un gosse à la même femme ! Faut l’faire au niveau embrouilles !!’ commenta Henry.
Mikael lui lança un regard noir.
‘Oh ! ça va ! J’disais ça comme ça.’
‘On change de sujet ?’ coupa Tiger avant de vider sa canette d’une seule traite.
‘Bon, ben…vous avez déjà pensé à vous suicider tous les deux ?’ demanda Henry.
‘Oh, non ! Tu vas pas recommencer avec ça !’ protesta Bang.
‘Ouais, tous les jours,’ répondit Tiger en jetant sa canette à la poubelle. ‘C’est d’ailleurs pour ça que j’ai acheté un revolver il y a quelques semaines…’
Les cinq autres essayèrent de le dévisager : ils ne voyaient que son dos musclé mais courbé, qu’il gardait obstinément tourné vers eux.
‘…mais, comme vous pouvez le constater, je m’en suis pas encore servi.’
‘Tu comptes pas le faire, j’espère ?’ le questionna Bang.
‘Pourquoi pas ? S’il en a envie, c’est son choix…’ argumenta Mikael.
‘Quoi ? Mais vous êtes tous tarés, ma parole !’
Mikael s’approcha de son meilleur ami.
‘T’es pas sérieux, en fait, hein ?’
Tiger se retourna, lança un regard vide à ses compères, puis alla s’asseoir sur le canapé.
‘C’est cool que t’es un flingue !’ lança Henry. ‘Moi qui cherchais un moyen efficace de le faire – le problème, c’est que c’est plutôt salissant…’
‘Oh ! Ta gueule, Henry !’ le coupa Bang.
‘Quoi, ta gueule ? Ta gueule, toi-même !’
‘Oh, Henry…’ soupira Peter.
‘Ben, quoi ! c’est vrai : il a pas à me dire ta gueule ! De toute façon, moi, j’l’emmerde !’
Henry tripota ses jetons en ricanant.
‘Il n’empêche…’ commença Bürge d’un ton parfaitement uniforme, le dos aussi droit que celui d’un politicien qui s’apprête à faire un discours important, ‘je trouve que la question de Henry cache un problème bien plus sérieux.’
‘Ah ouais ? Et quoi ?’ demanda Mikael d’un air désinvolte, une main posée sur la hanche.
‘Ce qui nous a réuni, c’est la musique. Nous n’avons rien en commun, si ce n’est le désir de monter un groupe et de jouer sur scène. Or, nous ne pouvons plus jouer pour les raisons que nous connaissons. Alors, que faisons-nous encore ensemble ?’
Ceci dit, il déposa sa mise au centre de la table.
‘Si tu veux nous quitter, Bürge, libre à toi de déguerpir,’ fit Bang d’un ton provocateur. ‘Rien ne t’oblige à rester avec nous si tu n’en as pas envie.’
‘Je n’ai pas dit que je ne voulais pas rester avec vous : j’ai seulement fait la remarque que ce qui nous unissait n’existe plus. C’est tout.’
‘Je me couche,’ fit Peter en posant ses cartes.
‘C’est à qui de jouer, là ?’ demanda Mikael en allumant une cigarette.
‘Oh ! Mikael ! Éteins-moi ça,’ tonna Bang.
‘Pourquoi ?’
‘J’essaie d’arrêter alors éteins-moi ça !’
‘Ben, j’m’en fous, tu vois !’
Mikael rejeta ses cheveux en arrière et s’éloigna pour rejoindre Tiger qui, enfoui dans le canapé, se parlait plus ou moins à lui-même. Gêné, Tiger cessa de bougonner dès que Mikael prit place à ses côtés et tenta de focaliser son attention sur la télévision, que Mikael avait allumée d’un coup de télécommande en espérant que Tiger ne devinerait jamais qu’il l’avait entendu bredouiller tout seul.
‘Il me tape sur les nerfs, celui-là,’ marmonna Bang.
‘Ou alors, c’est toi qui tapes sur les nerfs des autres – c’est souvent réciproque ce genre de truc,’ affirma Henry en évaluant ses cartes.
‘T’as un problème avec moi ? Si t’as un problème avec moi, il faut le dire !’
‘Moi ? Aucun. C’est juste ce roi de pique, j’sais pas quoi en faire.’
‘Henry ! Tu ne dois pas nous parler de tes cartes,’ le réprimanda gentiment Peter. ‘Sinon, ce n’est plus du poker.’
‘Mais qu’est-ce t’en sais si j’ai un roi de pique ou pas – peut-être que je vous mène en bateau, hé !’
Henry leur sortit son large sourire.
‘Si c’est comme ça que tu bluffes, je comprends mieux pourquoi tu perds tout le temps,’ dit Tiger du fond de son canapé.
Les quatre autres éclatèrent de rire à l’unisson.
‘Ha ! ha ! Pas mal, celle-là… N’empêche, je bluffais pas tout à l’heure, à propos du suicide.’
‘Arrête avec ça, tu veux !’ lui ordonna Bang.
‘C’est vrai que c’est plutôt morbide comme sujet,’ ajouta Peter.
‘N’empêche, moi, je veux en parler de ça !’ éclata Henry.
Ses amis le regardèrent. Chacun d’eux demeurait interdit : Mikael était figé dans une posture élégante, la main droite (qui tenait sa cigarette) flottant en l’air ; Tiger s’était penché en avant et lançait le plus mélancolique de ses regards obliques ; Bürge était droit comme un piquet, les yeux clignant au rythme de ses pulsations cardiaques ; Bang fronçait les sourcils et n’osait pas toucher à sa canette de bière ; enfin Peter, qui semblait être le plus touché par la métamorphose de Henry, penchait la tête sur le côté et n’attendait plus que le signal d’un de ses compagnons pour réagir.
‘Si j’en parle pas, je… je sais pas ce que je ferai. Quelque chose de pas très joli, ça, c’est sûr… En tout cas, j’arrêterai de jouer au poker : ça me ruine, ce jeu. J’me couche !’
Henry jeta ses cartes devant lui, puis il alla se chercher une bière.

Quelques minutes plus tard, le même sujet de conversation refaisait surface.
‘Si tu es vraiment prêt à le faire, je peux te prêter mon flingue,’ marmonna Tiger en fixant Henry du regard.
‘Volontiers !… Le problème, c’est que je pense pas être capable de faire ça moi-même…’
‘Pourquoi ?’ demanda Mikael en sirotant sa bière.
‘Parce que j’en ai pas le courage.’
‘Ah ! je vois…’
‘Si tu veux, je peux te filer un coup de main,’ proposa Tiger.
‘Bon, vous arrêtez avec ça, oui ou merde ?’ les gronda Bang.
La partie de poker avait été abandonnée au profit d’une série américaine que seul Bürge refusait de regarder – il était toujours accoudé à la table, où il prétendait lire le journal, qui arborait en première page « Le Bug de l’an 2000 : chimère ou vrai danger ?».
‘Hé ! on a le droit de parler de ce qu’on veut ! On est dans un pays libre, j’te signale ! Et puis, je peux savoir ce qui te gène à parler de la mort ?’ répliqua Mikael.
‘Rien.’
‘Ah, ouais ? Ben, j’en crois pas un mot !’ persista Mikael. ‘Je suis même sûr que, comme nous tous ici, tu as déjà dû penser un peu au suicide !’
‘Comme vous tous ?’
Bang regarda Peter, qui le dévisagea à son tour, muet et perplexe.
‘Ah bon ?’ fit Bang avant de bafouiller quelque chose pour lui-même et de s’asseoir entre les téléspectateurs.
‘Tu ne te sens pas bien avec nous ?’ demanda Peter à l’intention de Henry, dont le visage était redevenu inexpressif.
‘Oh ! bien sûr que si,’ répondit-il.
Mais il ne souriait pas. Absorbé dans ses pensées morbides, il en avait oublié de jouer son rôle de clown.
‘Alors, pourquoi tu penses à ce genre de truc ?’ continua Peter.
Henry lui jeta un regard vide – il ne reprit ses esprits qu’une minute plus tard.
‘Aucune idée ! ça vient comme ça. On n’y peut rien.’
‘C’est vrai qu’il y a des jours, on voudrait exploser le monde entier, on sait pas pourquoi,’ soliloqua Mikael d’une voix claironnante, en créant un nuage de fumée tout autour de ses compagnons qui, depuis longtemps déjà, ne cherchaient plus à expliquer les absences de Henry. ‘Comme quoi, heureusement qu’il existe des défouloirs : si je composais pas tous les jours, je crois que je deviendrais tueur en série – ou alors, je me ferais sauter le caisson !’
‘Tu composes tous les jours, toi ?’ le taquina Bang. ‘Je comprends mieux pourquoi tu préfères pointer au chômage.’
‘Oh ! va te faire foutre !’ rétorqua Mikael.
‘Tueur en série… c’est sympa comme métier,’ ironisa Tiger.
‘C’est toujours mieux que de réécrire Le Club du Suicide,’ marmonna Bürge.
Ces deux derniers pouffèrent de rire alors que les autres cherchaient encore à comprendre la blague.
‘Le Club du Suicide …’ répéta vaguement Tiger après avoir repris son souffle.
‘Tiens ! ça me fait penser,’ commença Mikael. ‘Comment vous aimeriez mourir, vous les gars ?’
‘Arrête avec ça !’ s’énerva Bang.
‘Ta gueule Bang ! Alors, les autres ?’
‘L’idéal pour moi, ce serait de mourir d’une crise cardiaque, dans mon lit, avec deux charmantes jeunes filles en tenue d’infirmière inexpérimentée pour me faire du bouche à bouche…’ raconta Henry.
‘En clair, en baisant ?’ rectifia Bang.
‘T’as tout compris !’
‘Ouais, ça, c’est une bonne idée ! Et toi, Tiger ?’ demanda Mikael.
‘Je me suiciderai,’ affirma Tiger.
Tous les regards se fixèrent sur lui.
‘Je n’ai aucune envie de pourrir dans un lit, ou de devenir trop vieux pour pouvoir aller pisser tout seul,’ poursuivit-il. ‘C’est pas une vie d’être vieux.’
‘C’est vrai que je supporterai pas de vieillir moi non plus : je suis tellement beau, ça serait vraiment du gâchis de vieillir !’ s’exclama Mikael.
Bang soupira.
‘T’es pas un peu prétentieux, là ?’ le relança Henry.
‘Pas du tout ! Toutes les filles disent qu’elles me trouvent beau ou charmant ; pourquoi elles mentiraient, hein ?’
‘Bah ! Elles disent ça juste pour coucher avec toi !’
‘Et pourquoi elles voudraient coucher avec moi si je leur plaisais pas, hein ?’
‘Parce que les femmes sont toutes folles !’
Peter, Bang et Tiger sourirent.
‘Admettons ! Les femmes sont folles, et moi, je serais pas beau : ça me ferait deux bonnes raisons d’en finir. Plus l’éventualité de finir tout seul, comme un con – ça, je supporterai pas !’
‘Oh ! T’as peur qu’on t’abandonne ?’ le taquina Bang.
‘Ben, c’est juste une éventualité…’ hésita Mikael. ‘Après tout, sans vous, les gars, je suis plus rien… Et toi, Bürge ? Tu voudrais mourir comment ?’
‘Dans mon sommeil.’
‘Ouais, ça, c’est une belle mort !’ approuva Bang. ‘Le suicide, c’est un péché – alors il ne reste que cette alternative.’
‘Il y a toujours une autre solution quand on sait chercher,’ philosopha Bürge.
‘Ou quand on joue les apprentis chimistes,’ ajouta Tiger.
Bürge sourit en passant à la cinquième page du journal.
‘C’est un péché le suicide ?’ demanda Peter.
‘Bien sûr que c’est un péché !’ s’écria Bang. ‘L’un des pires d’ailleurs : tu vas direct en Enfer pour ça.’
‘Je savais pas : tu sais que moi, je suis athée. Mais qu’est-ce qui se passe quand tu demandes à quelqu’un de te tuer ?’ demanda à nouveau Peter avec grand intérêt.
‘Aucune idée !’ fit Bang, outré.
‘Tiens, c’est vrai ça ! Est-ce qu’on peut considérer ça comme un suicide ? Hein, Bürge ? Qu’est-ce t’en penses, toi ?’ lança Henry.
‘Techniquement parlant, c’est un suicide,’ répondit le plus cultivé des six. ‘Mais en général, il prend plutôt le nom d’euthanasie.’
‘De thana-quoi ?’ s’exclama Henry.
‘Euthanasie,’ répéta Mikael. ‘C’est quand on achève un malade en débranchant l’appareil qui lui sert à respirer ou en lui injectant je sais pas trop quoi dans les veines.’
‘Ah ! d’accord…’ fit Henry en se replongeant dans ses pensées.
‘Hey ! les gars, vous accepteriez de m’euthanasier si je devenais moche et vieux ?’ demanda Mikael.
‘Compte pas sur moi,’ répondit Bang.
‘Ouais, bon, toi c’est sûr – mais les autres ?’
‘Volontiers,’ marmonna Tiger, sans émotion.
‘Avec plaisir !’ lui lança Henry. ‘Y a juste un problème : qui va m’euthanasier après ?’
‘J’m’en charge,’ fit Tiger sur le même ton.
‘Cool !’
Henry retrouva son sourire, qu’il s’empressa de dévoiler à ses compagnons.
‘Des fois, Henry, tu me fais peur…’ pensa Bürge.
‘Tiger ?’
‘Hm ?’
‘Tu veux bien m’euthanasier maintenant ?’
‘Bon, Henry ! t’arrête avec ça ou je t’en fous une !’ s’énerva Bang.
‘Mais j’rigole !’ fit Henry en perdant son sourire.


24 décembre 1999

Henry retourna à l’appartement de Tiger en ayant dans la tête une idée bien fixe et bien simple : il serait plus facile de convaincre Tiger en l’absence des autres membres du groupe. Or, ce matin-là, c’est Mikael qui lui ouvrit la porte de l’appartement de Tiger.
‘Mais entre, vas-y : Tiger dessoûle encore dans son lit.’
‘Ah ! oui, c’est vrai : j’avais oublié que tu t’étais mis en colocation avec lui. Dis ? C’est pas trop dur de vivre avec cet Ours vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?’ demanda Henry en posant son manteau et son bonnet sur une chaise.
‘Non, ça va – c’est vrai qu’il ronfle super fort, et puis il parle pas beaucoup – sauf quand il se met à…enfin, bref ! Alors que tu sais que moi, j’adore taper la causette ! Mais bon, on s’y fait à force. Tu veux un café ?’
‘Ouais, j’veux bien.’
Mikael sortit deux tasses du placard avant de revenir vers la table en se dandinant, comme à son habitude.
‘Alors ? Qu’est-ce qui t’amène ?’
‘Eh ben…en fait…j’avais besoin de parler.’
‘Pas de tes histoires de suicide, j’espère !’ plaisanta Mikael.
‘Ben…si, en fait.’
Mikael hésita, puis alluma une cigarette.
‘T’en veux une ?’
‘Ouais. Merci.’
‘Alors, comme ça,’ commença Mikael en embaumant la pièce de fumée, ‘t’étais vraiment sérieux quand tu parlais de te suicider ?’
Henry acquiesça en posant le briquet sur la table.
‘Faut avouer que j’y croyais pas vraiment hier. D’ailleurs, personne t’a pris au sérieux. À part Tiger, peut-être…’
‘Ah ouais ?’
‘Ouais, on en a reparlé quand vous êtes tous partis : il m’a dit qu’il fallait te surveiller. D’après lui, t’allais faire une connerie bientôt. Et, après tout, il était pas si loin du compte, hein ? Tu penses vraiment à lui piquer son flingue et à en finir comme ça ?’
‘Ça trotte un peu dans ma tête…’
‘Non, parce que, moi, je sais où il le cache, son revolver. Je suis tombé dessus y a une semaine, en faisant le ménage dans sa chambre.’
‘Tu joues les bonniches ?’
‘Obligé ! Il se laisse vachement allé en ce moment – sa chambre est un vrai foutoir quand j’y mets pas les pieds ! Ouais, j’ai du mal à croire qu’un humain habite là-dedans parfois : c’est un vrai bordel… Enfin bref ! Je sais qu’il le cache sous ses caleçons – quelle planque, franchement !’
‘T’as mis le nez dans ses caleçons ?’
Mikael lui lança un regard noir agrémenté d’un sourire imperceptible. Henry éclata de rire avant de se reprendre :
‘Tu crois que tu pourrais le lui chiper pour moi ?’
‘Me chiper quoi ?’
Tiger apparut dans le salon, les cheveux légèrement ébouriffés et la gueule de bois bien solide.
‘Ouh ! toi, t’as passé une mauvaise nuit !’ s’exclama Mikael en tirant sur sa cigarette.
‘Me chiper quoi, j’ai dit !’
‘Ton flingue,’ répondit Henry en rivant son regard sur sa cigarette.
‘Ah ! tu penses encore à ça ?’
‘Ouais, il fait une fixette, j’te raconte pas !’ précisa Mikael. ‘Tu veux un café ?’
Tiger fronça les sourcils à l’intention de Henry avant d’acquiescer en direction de Mikael, qui alla lui servir une tasse pendant qu’il s’asseyait en face de Henry.
‘Alors tu veux vraiment en finir ?’
‘Et tu veux bien m’y aider ?’
‘J’ai déjà répondu à cette question hier.’
‘Bon, alors…oui.’
‘Hé ! attendez-moi un peu avant de reprendre la conversation !’ s’écria Mikael en posant la tasse devant le nez de Tiger et en s’installant à côté de Henry.
Henry leur expliqua l’ampleur de son mal-être à sa manière habituelle, accumulant les plaisanteries au milieu de phrases claires, sèches et concises. Les deux autres tentèrent vainement de lui remonter le moral avant de laisser tomber irrémédiablement et de passer à la phase finale : Tiger se proposa d’achever Henry avant de se suicider. Ce sur quoi Mikael protesta qu’il avait, lui aussi, besoin d’un petit coup de pouce : impossible pour lui de les laisser faire le grand voyage sans les gratifier de sa prodigieuse compagnie. Amis pour la vie – et même pour la mort ! Tiger rectifia donc le plan : il allait tuer Henry puis Mikael avant de mettre fin à ses jours…
Quelqu’un frappa à la porte d’entrée : c’était Bürge, qui s’inquiétait de ne pas trouver Henry chez lui. Ses craintes furent en quelque sorte confirmées par le silence obstiné de ses compagnons, qu’il réussit à briser avec stupeur. Son esprit raisonnable essaya de dissuader les suicidaires, en vain – malgré l’utilisation d’arguments imparables, tels que l’existence de Lidja, d’Aelin, de Julian et de Dmitri qui, selon lui, constituait un merveilleux rappel à leurs devoirs paternels. Refusant de cautionner de tels projets, il accepta néanmoins de tenir sa langue et de ne rien répéter aux deux autres.
‘Surtout pas à Bang ! T’entends ? Surtout pas à Bang – il comprendra jamais…’ insista Henry.
Concevant enfin combien il pouvait tenir à son ami, Bürge lui expliqua pourquoi il finirait par ressentir de la culpabilité s’ils exécutaient leurs desseins. Puis il se tourna vers les deux autres et réitéra sa complainte. Tiger le saisit par les épaules et le rassura : un jour finirait-il par comprendre leur geste… Bürge s’entêta : comprendre ne serait pas suffisant pour lui faire oublier sa complicité – d’autant plus qu’il prévoyait aisément la suite : Bang et Peter lui reprocheraient son silence et sa passivité, et ça, il ne pourrait le supporter. Il devait donc participer au plan.
Tiger se tourna vers Mikael, dont les yeux, obstinément fixés sur Bürge, exprimaient soulagement et panique : la détermination de Bürge ne pouvait que signifier l’impossibilité de rebrousser chemin, ce qui arrangea Henry, le seul qui n’hésitait plus depuis longtemps. On délivra donc son billet à Bürge – troisième classe.
Alors que Tiger était dans sa chambre et chargeait son arme avec patience et minutie, balbutiant des mots insensés de temps à autre, le téléphone sonna dans le salon. C’était Bang qui racontait qu’après avoir appelé chez Henry, il avait appelé Peter en espérant qu’il aurait des nouvelles du dépressif de service. Or, Peter se trouvait désormais à ses côtés, sans information. Mikael, un peu trop agité, tenta de réconforter les deux inquiets de service en invoquant la situation suivante : Henry et Bürge prenaient sereinement le café chez lui – inutile de paniquer. Mais Bang avait besoin de voir ça de ses propres yeux : il raccrocha. Mikael se précipita dans la chambre de Tiger ; lui raconta que Bang et Peter allaient arriver d’une minute à l’autre – le plan était sérieusement compromis.
Lorsque Bang et Peter passèrent le seuil, Bürge et Henry prenaient effectivement le café que Mikael venait de préparer, mais ils ne le buvaient pas. Peter les regarda tour à tour et Bang détecta immédiatement quelque chose d’illogique : il fronça les sourcils avec plus d’insistance.
‘Qu’est-ce que vous trafiquiez ?’ demanda-t-il sur un ton inquisiteur.
Henry l’envoya balader sans concession, ce qui mit la puce à l’oreille de Peter. C’est d’ailleurs lui qui s’exclama, en apercevant Tiger dans un coin sombre du salon :
‘Oh, non ! vous n’allez pas faire ça !’
‘Faire quoi ?’ demanda Bang d’un ton grave.
‘S’il vous plaît, ne me dites pas que vous comptez faire ça.’
‘Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, Peter,’ fit Mikael avec légèreté.
‘Faire quoi, bordel de merde ?!’
‘Henry, dis-moi que tu n’étais pas sérieux.’
‘Désolé, mon grand,’ répondit l’insouciant de service.
‘Bürge ? Je te connais, t’es pas du genre à…’
‘…’
‘Du genre à quoi, nom de Dieu ?!’
‘Tiger ? Tiger, je te connais assez pour savoir que…tu…’
‘…’
‘Je crois qu’il serait préférable que vous rentriez, tous les deux,’ articula méticuleusement Mikael.
‘Hors de question ! Je ne pars pas d’ici avant d’avoir tiré tout ça au clair !’ s’exclama Bang.
Il poursuivit donc son éclairage de la scène en aboyant comme un chien enragé : non seulement il trouvait leur projet complètement dément, mais en plus il ne voulait surtout pas qu’avec leurs idées farfelues, ils contaminent le reste du monde, qui se résumait pour l’instant à Peter, le seul des six à garder la tête baissée, réellement désemparé d’être abandonné, d’être rejeté aussi lâchement. Bürge se leva et le prit dans ses bras – essaya ainsi de le rassurer. Mais il ne réussit qu’à le persuader (pourtant bien malgré la volonté de Bürge lui-même) qu’à son tour, Peter devait acheter son ticket pour l’enfer.
Mikael et Henry se regardèrent, commençaient à visualiser les conséquences de leur décision. Tiger objecta qu’un seul revolver ne serait peut-être pas suffisant en cas de problème technique, ce à quoi Peter répondit qu’il connaissait un ami en possession d’une autre arme à feu : il lui serait aisé de se la procurer en quelques jours, tout au plus. L’enthousiasme de Mikael et Henry redoubla alors que Bürge se faisait encore plus passif… et Bang, encore plus enragé – jusqu’à ce que Tiger lui signalât qu’il ne lui restait plus qu’une seule alternative : soit il suivait la bande dans leur projet fou, soit il s’en allait la queue entre les jambes. La loyauté étant plus forte que la foi, il resta.
Et non seulement Bang resta – signant de son nom funeste leur arrêt de mort – à tous les six – mais il leur avoua qu’il avait lui-même une arme à feu chez lui…sans préciser pour autant pourquoi il avait fait cette acquisition quelques mois plus tôt.


1er janvier 2000

Dans un hangar abandonné dans la campagne, situé à quelques kilomètres de Berlin, nos six hommes s’organisaient pour savoir qui allaient être les premières victimes et qui allaient les exécuter. Après moult discussions, il fut décidé que Henry, Bang et Mikael devaient s’agenouiller devant Peter, Tiger et Bürge, respectivement.
‘À trois, vous tirez – en même temps, compris ?’ insista Mikael. ‘C’est important de le faire en même temps.’
Bürge hésita. L’idée de jouer les meurtriers lui déplaisait beaucoup. C’est qu’il avait tout de même appris à aimer Mikael – malgré ses manières efféminées et sa tendance à vouloir tout contrôler. L’achever lui semblait si difficile maintenant.
‘Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire…’
‘Quoi ?’
‘J’ai dit que je n’étais pas sûr de…’
‘Oui, ça, on a compris,’ s’énerva Mikael. ‘Mais tu n’as pas le droit – il faut respecter le plan.’
‘Je n’ai rien contre notre plan – c’est juste que… Je ne suis pas sûr de pouvoir te tuer, c’est tout.’
Bürge, en effet, tremblait de tous ses membres – presque comme un chien qui sent le tonnerre arriver.
‘Tu veux échanger avec Mikael ?’ proposa Tiger.
Bürge acquiesça alors que Mikael grimaçait.
‘Mikael, prends la place de Bürge,’ ordonna Tiger.
‘OK, OK… Mais je veux pas être le dernier – c’est clair ?’
‘T’inquiète pas : on a déjà prévu que c’est moi qui finirai l’boulot,’ le rassura Tiger avec conviction.
Le groupe s’organisa de nouveau. Mikael s’empara de l’instrument duquel Bürge se disait incapable de jouer et ce dernier s’agenouilla en face de lui.
‘À trois ?’ rappela Tiger.
Peter et Mikael acquiescèrent.
‘Un…’ commença Tiger.
Bürge ferma les yeux.
‘Deux…’
Bang se mordit la lèvre inférieure. Henry respira profondément.
‘Trois.’
Un seul coup de feu retentit. Bürge bascula en arrière et fracassa son crâne sur le sol bétonné, éclaboussé. La balle avait laissé derrière elle une traînée de poudre et quelques gouttelettes de sang au milieu de son front. Étrangement, il semblait presque dormir – apaisé à jamais. Mikael respirait tellement fort que les autres avaient l’impression qu’il criait ou pleurait. D’ailleurs, ils étaient tellement fascinés par le cadavre de Bürge qu’ils s’étaient tous figés dans leur position de tueurs ou de victimes potentiels et se contentaient d’admirer le travail de Mikael, dont la main droite présentait les traces indélébiles de son geste impulsif. Après avoir longuement contemplé les taches rougeâtres sur sa peau et sa manche, Mikael se tourna vers son meilleur ami et comprit qu’il avait démarré le concert tout seul – ‘comme un con’.
‘Alors ? Qu’est-ce que vous attendez ?’
Tiger tenta de se ressaisir et posa à nouveau le canon de son pistolet contre le front de Bang.
‘À trois,’ répéta-t-il. ‘Un…deux…’
‘Attends !’
Henry leva les yeux vers Peter.
‘Quoi, attends ?’
‘J’ai…j’ai besoin de quelques secondes…’
‘Non ! t’en as pas besoin ! T’as juste à tirer !’ s’écria Henry.
Celui-ci attrapa la main de Peter et la força en position.
‘Il faut que tu tiennes, Peter – fais ça pour moi ! C’est pas si difficile – c’est comme…c’est comme pour notre premier concert : au début, on a le trac, mais ça s’en va dès qu’on a joué la première note !’
‘Bürge est mort,’ se lamenta Peter.
‘Non, ne dis pas ça – il faut rien dire : il faut agir. Alors agis, bordel !’
Peter acquiesça – mais ses yeux étaient baignés de larmes.
‘Bon,’ recommença Tiger. ‘Un…deux…’
La main de Peter fléchit. Le pouce de Henry se faufila sur la gâchette et il tira à sa place. Comme Bürge quelques secondes plus tôt, il tomba en arrière – sa cervelle alla souiller le sol, son visage se figea dans une mimique de stupeur joyeuse, l’un de ses bras trouva naturellement le repos sur son ventre. Peter recula de plusieurs pas. Il n’avait pas voulu tirer – il n’avait pas tiré – Henry l’avait obligé à le faire… Non, il n’avait pas tiré. Les yeux de Tiger, de Bang et de Mikael étaient fixés sur le corps de Henry, dont le visage était partiellement défiguré – effet plus que logique d’une mauvaise trajectoire de la balle.
‘C’est horrible !’ grommela Bang.
Tiger lui répondit par une grimace.
‘C’est même écœurant,’ poursuivit Bang.
Il chercha à se lever mais Mikael se précipita sur lui.
‘Non, tu bouges pas, c’est ton tour !… Tiger ? Qu’est-ce t’attends ? Allez, merde !’
Tiger surveillait Peter du coin des yeux.
‘Tiger !!’
Il tourna la tête vers son meilleur ami, puis vers Bang, dont il visait toujours le front – sa main en manque manifeste de détermination.
‘TIGER !!! Réveille-toi, putain ! Allez ! tu peux le faire : t’as vu ? moi et Peter, on a pu le faire – alors, pourquoi pas toi ?’
Bang secoua la tête, rejeta la main de Mikael qui enserrait son épaule et se leva pour lui faire face.
‘Non,’ fit-il simplement.
Peter écarquilla les yeux ; Tiger baissa son arme ; Mikael commença à protester.
‘Mets-toi à genoux tout de suite !’
‘J’ai dit : non !’
‘Tu dois respecter le plan : remets-toi à genoux !’
‘Ferme-la, Mikael – et regarde ce qu’on est en train de faire ! C’est tout simplement horrible !’
‘Non, non, non, t’as pas le droit – t’as pas le droit de te désister !’
‘Calmez-vous,’ murmura Tiger.
‘Mais regarde un peu ce qu’on a fait !’ hurla Bang. ‘On a tué Henry et Bürge !’
‘C’est le plan !’
‘Mais regarde ! C’est tout simplement dingue !…’
‘Ils ont respecté le plan et maintenant, c’est ton tour !’
‘Non. Hors de question. C’est purement taré ! On est tous tarés ! Comment j’ai pu accepté de faire un truc pareil ?’
‘Oh ! non, t’as pas le droit de te désister : tu vas te remettre à genoux, fermer les yeux, et…’
‘Mais REGARDE, bordel de merde !!!’
‘Tiger ?’ fit Peter en hésitant.
Mikael et Bang se tournèrent vers Tiger, qui avait posé le canon de son pistolet contre sa tempe.
‘Tiger ? Mais qu’est-ce que tu fais ?’ paniqua Mikael.
‘Tiger, calme-toi et pose-moi cette arme – doucement,’ l’apaisa Bang.
‘Je peux pas…’ commença à sangloter Tiger. ‘Je peux pas…’
Aussi étrange que cela puisse paraître, Tiger n’avait jamais réellement apprécié d’être au centre de la scène – ça l’avait toujours mis mal à l’aise, tous ces regards rivés sur lui. Et pourtant, tout ce qu’il faisait attirait l’attention sur lui – immanquablement.
‘Tiger, j’t’en prie !’
‘Tiger, ça va aller – il faut juste que tu te calmes.’
‘Tiger ?’
‘Je peux pas… Je suis pas un meurtrier.’
Un troisième coup de feu retentit dans le hangar – suivi d’un écho incompréhensible.
‘NON !!!’
‘Oh ! c’est pas vrai !’
‘Tiger ?’
Peter s’approcha du cadavre de Tiger, allongé sur le béton, où il s’était effondré comme un bloc de glace. Du sang noirâtre s’écoula sur le sol, où la tête reposait sur le côté. S’il n’avait pas gardé les yeux ouverts, on aurait cru qu’il dormait lui aussi. Mais il ne dormait pas puisqu’il ne ronflait pas. Mikael se mit à tourner en rond, répétant inlassablement un ‘non’ angoissé comme s’il eût été en train de psalmodier une sorte d’incantation. Bang entoura son visage de ses mains, niant la réalité de ce qu’il voyait avec autant d’anxiété. Peter, lui, gardait la bouche ouverte d’effroi, mais aucun mot n’en sortit.
‘C’est de la folie…c’est de la pure folie… Oh ! c’est pas vrai – mon dieu ! C’est pas possible !…’
‘Ferme-la Bang ! j’essaie de réfléchir !’ lui ordonna Mikael, qui continuait à marcher comme un lion enfermé dans sa cage.
Bang s’acharna sur Mikael.
‘Mais il n’y a rien à réfléchir ! Putain mais regarde ! REGARDE !!’
‘Oui ! j’ai vu !! Et tout ça, c’est de ta faute !!’
‘Quoi ?’
‘Ouais ! tu pouvais pas rester tranquille comme Bürge et Henry ! Il a fallu que tu te désistes, pauvre con !’
‘Mais tu ne comprends pas ce qu’on est en train de faire ? c’est de la folie ! Tu ne comprends donc rien ?!’
‘Tout ce que j’comprends, c’est qu’on a un sérieux problème : Tiger était censé finir le travail. C’est lui qui devait me tuer, moi et Peter. Merde ! Comment on fait maintenant !’
‘On arrête !’
‘Hein ?’
‘On arrête ce carnage – et tout de suite !’
‘Oh ! non, non, non. Tu vas mourir avec nous, Bang, y a pas d’autre alternative.’
‘Hors de question ! T’entends ? On arrête ces conneries, et maintenant !’
‘Et tu fais quoi de ceux qui sont…déjà morts ?’ demanda Peter, visiblement gêné de les interrompre en jouant une fausse note.
‘Ouais ! Peter a raison : on peut plus rebrousser chemin – il faut continuer le plan. Bon. Très bien. Je sais. Bang, tu prends le flingue et tu me…’
Bang rejeta la main que Mikael lui tendait.
‘Pas question ! T’entends ? Pas question ! Si tu veux crever, fais-le toi-même !! Moi, j’me tire !’
‘Quoi ? Non, tu peux pas nous abandonner !! Tu peux pas quitter la scène comme ça !’
‘J’vais m’gêner !! Peter ? Tu viens ?’
Peter était incapable de choisir entre l’un ou l’autre de ses amis. Il se contenta d’examiner le revolver qu’il tenait toujours entre ses mains et ne bougea pas d’un centimètre. Bang, dégoûté, s’éloigna vers la sortie.
‘Reviens ici : tu dois respecter le plan. Bang ! on doit respecter le plan ! Bang !!’
‘Je reste pas avec des tarés comme vous ! J’me tire et démerdez-vous !’
‘Non, Bang, tu reviens ici sinon…sinon je te tue, t’entends ?’
Mikael pointa son arme à feu vers Bang.
‘Ouais, vas-y ! Tue-moi, crétin ! En tout cas, moi, j’me tire.’
‘Bang ! Reviens ! BANG !!’
BANG ! Peter et Mikael sursautèrent en même temps. Bang s’écroula quelques mètres devant eux.
‘Ah !… Putain !!… Sale con !!!’ gémit Bang.
Il avait reçu la balle dans le dos. La blessure n’était certes pas assez grave pour l’achever mais assez douloureuse pour l’empêcher de bouger. Peter et Mikael accoururent vers lui.
‘Ah ! ça fait mal !… Abruti !’ geignit Bang.
‘Je…je suis désolé,’ s’excusa sincèrement Mikael.
‘T’es désolé ?… Mon œil !… Crétin !!…oh, putain, ça fait mal !’
‘Le coup est par…il est parti tout seul !’
‘Ouais !…c’est ça, espèce de crétin sans cervelle !… Abruti fini !’
‘Il faut l’amener à l’hôpital.’
‘Quoi ? Non ! Et on fait comment pour expliquer les trois autres, hein ? Non…il faut…il faut…il faut… Bang ?’
‘Oh, non… N’y pense même pas, pauvre con !’
Mikael prit une longue inspiration alors que Peter le regardait sans réagir.
‘Tu m’y contrains, Bang.’
‘Non, Mikael, t’as pas intérêt – t’as pas intérêt – t’entends ?’ grinça Bang. ‘Mikael, si tu fais ça…crois-moi…’
Bang essaya de se relever, en vain.
‘Je suis désolé.’
‘Non, Mikael ! Enlève-moi cette idée de ta tête, tout de suite !… Je veux pas – t’entends ? Je veux pas…’
‘Désolé.’
Mikael prit une seconde inspiration, posa le canon contre la tempe de Bang, retira le cran de sécurité puis appuya sur la gâchette. La cervelle mêlée des cheveux de Bang gicla dans tous les sens et les deux autres reculèrent d’un pas en fermant les yeux. À plat ventre, le corps de Bang colorait le sol de rouge avec lenteur mais précision, à croire que même après sa mort, il cherchait encore à être aussi appliqué que sur sa batterie.
‘Il…il a dit qu’il voulait pas… Il voulait pas mourir…’
‘Parce qu’il avait peur,’ se rassura Mikael.
Ce dernier se tourna vers Peter, qui était visiblement choqué par son geste.
‘Il a dit…’
‘Oui ! J’ai entendu ce qu’il a dit !! Pas besoin de me le répéter !!’
Peter recula à nouveau, apeuré.
‘Je…je suis désolé. OK ?’ s’excusa Mikael.
‘Mais il est mort…ils sont tous morts…’ sanglota Peter.
‘Bon, Peter, écoute. J’t’ai dit : écoute-moi. On va y arriver. Baisse pas les bras. S’il te plaît, Peter, écoute.’
Peter passa frénétiquement sa main sur son crâne, qu’il gardait rasé car il en avait marre de constater que, même en étant le plus jeune du groupe, il avait la calvitie aussi précoce que celle de Bürge ou Henry. Mikael saisit l’un de ses bras et le secoua pour lui redonner courage.
‘Allez ! écoute : c’est le dernier morceau du plan – il faut que tu me tues, là.’
Peter se dégagea avec frayeur.
‘Non, je peux pas – je peux pas : j’ai même pas pu faire ça à Henry – c’est lui qui a tiré…’
‘Peter, je t’en prie : c’est important pour moi… Je – je peux pas faire ça moi-même, tu comprends ? J’ai besoin de toi !’
‘Moi non plus…’
‘S’il te plaît ! Allez, Peter!… Attends – je réfléchis.’
Mikael se remit à tourner en rond, se servant du revolver comme d’une baguette qui orchestrait ses pensées. Peter, qui ne pouvait plus supporter la vue de cadavres, contemplait fixement son arme, donnant ainsi l’impression qu’il la berçait, qu’il la dorlotait presque, avec la même passion que celle qui l’avait envahi le jour où Mikael lui avait offert sa première basse – fruit de plusieurs nuits passées avec des clients bizarres.
‘Je sais !’
Mikael se rapprocha de Peter et leva la tête pour le regarder droit dans les yeux.
‘J’ai une super idée : on le fait en même temps, OK ? Tu poses ton flingue contre ma tête ; moi, je mets le mien comme ça (il cala le canon sous le menton de Peter) ; et on tire en même temps. Qu’est-ce t’en penses ?’
‘Je sais pas trop…’
‘Peter ! S’il te plaît…’
‘Il faut vraiment que ça soit en même temps, sinon…enfin, sinon y en aura un qui aura pas le temps de…’
‘Oui, c’est ça – on le fait exactement en même temps – pile au moment où je dis trois, OK ?’
Peter acquiesça.
‘Bien. Pose ton flingue comme il faut.’
Peter leva sa main, tremblotante, et plaça le canon de son arme, prête et frémissante, contre la tempe de Mikael. Celui-ci retira à son tour le cran de sécurité et corrigea la trajectoire du canon.
‘Mikael ?’
‘Quoi ?’
‘Je voulais te dire… J’aurais voulu le dire aux autres aussi…mais… Sache…sache que je t’aime comme un frère.’
‘Je sais.’
Mikael sourit en ajoutant :
‘Moi aussi.’
C’est qu’il avait des difficultés à dire les trois mots équivoques. Même à un ami. Même à un frère de sang.
‘Bon. Pile quand je dis trois, OK ? Bien. Un…’
Peter ferma les yeux.
‘Deux…’
Mikael inspira un grand coup.
‘Trois.’
La balle de Mikael traversa la mâchoire, puis le cerveau, et enfin le crâne de Peter, qui bascula en arrière tel un arbre qui se déracine. Sa tête heurta le béton dans un bruit sourd avant de répandre avec délicatesse ce sang dont il aurait rêvé de partager le lien avec ses cinq amis. Son visage était impassible – personne n’aurait pu certifier que ce cadavre avait pleurer avant de mourir.
La balle de Peter alla frôler la tête de Mikael si près que le crâne fut fracturé, causant des dégâts cérébraux irrémédiables – mais le choc ne fut pas assez violent pour que Mikael perdît connaissance. Même si la douleur était insupportable, même si sa mort était assurée, il pouvait être certain d’une agonie très, trop longue. Désespéré par l’échec de Peter, il s’écria :
‘NON !!…’
Puis il s’écroula sur le sol, retenant sa tête avec sa main gauche, l’arme serrée dans sa main droite. Son sang et sa matière grise s’écoulaient à une vitesse vertigineuse – il pouvait les sentir prendre la fuite à travers ses doigts paniqués. Le sol commença à se colorer d’un rouge noirâtre devant ses yeux alors que sa vision flanchait, et il ne trouva rien d’autre à faire qu’à hurler le prénom de Peter, avant de finir par comprendre que lui, Mikael, il n’avait pas raté son coup – lui, au moins, il avait fait zéro fausse note, du début jusqu’à la fin. Il comprit aussi qu’il allait agoniser là pendant des heures, à gémir et à implorer ses amis, désormais tous disparus. Cette éventualité ne lui donna que la force de crier à nouveau :
‘NON !!!…’
Il commença à sangloter tout en hurlant de temps à autres. Il voulait se ressaisir, pouvoir approcher le revolver de sa tête et mettre un terme à ses souffrances qui, il le sentait, pouvaient encore durer des heures, voire des jours. Mais la tâche s’avéra aussi difficile que de quitter une salle de concert encore pleine de spectateurs. Il savait pourtant qu’il n’existait plus rien qui pût le maintenir en vie dans ce monde cruel : chacun de ses amis étaient morts. Pire ! s’il survivait, il serait accusé de leur meurtre. Il força donc sa main droite à obéir.
Lorsque Mikael posa enfin le canon contre sa tempe, il comprit qu’il ne pourrait pas tirer. Il n’avait pas le courage – ni la lâcheté – de Tiger. Il avait compris trop tard que sans les cinq autres, il n’avait plus aucune raison d’agir, plus aucune raison d’achever ses souffrances, plus aucune raison d’entreprendre cette tâche impossible. Sans eux, il n’était rien.


„Ohne dich kann ich nicht sein
Ohne dich
Mit dir bin ich auch allein
Ohne dich
Ohne dich zähl’ ich die Stunden
Ohne dich
Mit dir stehen die Sekunden
Lohnen nicht“
Till Lindemann, „Ohne Dich“[2]

Cette histoire n’est basée ni sur des faits réels, ni sur des personnes ayant existé. Tous les noms utilisés sont fictifs. Toute similarité avec le monde réel (ou l’imaginaire d’autrui) est involontaire et purement due au hasard.

NOTES:
[1] ‘Puisque la nuit était à l’agonie/Nous annonçons le jour dernier/Il n’y aura aucune pitié/En avant ! En avant pour votre vie ! – Le patron’
[2] ‘Sans toi, vivre je ne puis/Sans toi/Avec toi, tout aussi seul je suis/Sans toi/Sans toi, les heures je compte/Sans toi/Avec toi, les secondes/N’ont aucun sens – Sans Toi’

Ohne euch - 2ème partie

Succès et décadence

„Könntest du schwimmen
Wie Delphine
Delphine es tun
Niemand gibt uns eine Chance
Doch können wir siegen
Für immer und immer
Und wir sind dann Helden
Für einen Tag“
David Bowie et Brian Eno, „Helden“[1]

Henry Eider

Quelques mois avant la chute du Mur, je suis retourné à Berlin, où je me suis arrangé pour travailler à l’usine. C’est là que j’ai rencontré Bürge, un grand maigrichon aux lunettes à la John Lennon, qui m’a tout de suite proposé de venir habiter dans son appart’ quand je lui ai dit que je dormais plus ou moins dans la rue. Un bon gars, ce Bürge. Un peu trop nostalgique de l’Est, mais un bon gars quand même. J’allais sur mes 25 ans ; lui sur ses 23 ans.
Je dois vous signaler au passage que j’ai l’immense fierté d’avoir converti Bürge au punk. Eh oui ! sans moi, pas de Flugschau ! Bon, je n’ai pas obtenu l’ordre de Karl-Marx pour ça ; et puis, Flugschau, c’est pas vraiment du punk rock. Plutôt du metal tournant autour de l’electro parfois ; du dance-metal si vous voulez…mais quand même ! Sans moi, pas de claviériste dans Flugschau ! Et ça n’a pas été facile de le convaincre, ça, je vous le jure : « Henry ! qu’il m’a dit. Ce n’est pas de la musique, c’est du bruit ! » Mais j’ai fini par lui refiler mon virus – c’était juste une question de temps… Mais revenons-en plutôt à mon histoire.
On en était resté en 1989, c’est ça ? Ouais. En 1991, j’ai fait la connaissance de Bang dans un club où toutes sortes de groupes amateurs se réunissaient. Moi, j’avoue que j’aimais bien l’idée de devenir guitariste – et célèbre – surtout célèbre en fait (pour les groupies, hi-hi !). D’ailleurs, si moi et Bürge avons fait un petit trafic de vestes clandestinement cousues à partir de couvertures, c’était principalement dans le but de récolter assez de fric pour nous offrir une guitare pour moi et un nouveau clavier (à défaut du vrai piano) pour lui. Comme vous vous en doutez sûrement, notre trafic nous a tellement rapporté que nous avons pas eu besoin d’attendre longtemps pour toucher mon rêve du bout des doigts. Quand j’ai rencontré Bang, moi et Bürge avions déjà intégré une petite formation depuis un an, avec un pote tchécoslovaque.
Bang était assez impressionné pour parler de nous à son pote Mikael. « Tu vas voir : il tape un peu sur les nerfs avec ses grands projets, mais il est cool… ». C’était les mots de Bang – un type relativement intraitable, ce Bang. Moi, bien sûr, j’étais hyper enthousiaste – rencontrer quelqu’un qui embrassait le nouveau régime avec ferveur mais sans conviction, ça valait le détour. Et j’ai pas été déçu. Mikael a ses petits côtés extravagants – d’ailleurs, je croyais sincèrement qu’il était ‘schwul’ (comment dites-vous déjà ? ah oui ! gay) jusqu’au jour où j’ai appris qu’il avait chipé l’ex-femme de son meilleur pote et l’avait mise enceinte.
Le meilleur ami en question, vous le savez, c’est Tiger – un nom qui lui va si mal : grand gaillard super musclé, à en faire peur les pseudo caïds qui emmerdaient Mikael à l’école, j’vous jure. D’ailleurs, quand j’ai rencontré Tiger pour la première fois (c’était dans sa petite boutique – il y avait aussi Peter, le petit jeunot qui me dépasse de deux têtes), je l’imaginais plus facilement boxeur que chanteur, profession à laquelle Mikael s’obstinait à le destiner, et ce, malgré les protestations mollassonnes du principal concerné. Car il faut que vous sachiez que l’Ours* (comme j’aime bien appelé Tiger), c’est l’opposé même de ce que son physique peut faire croire : un cœur tendre, voilà ce qu’il est, en particulier avec Lidja.
En 1993, Bang, Mikael, Tiger et Peter, qui venaient de remporter un concours pour groupes de rock amateurs, m’ont proposé de les rejoindre en tant que guitariste rythmique, ce que j’ai accepté très volontiers. Par contre, Bürge a été plus difficile à convaincre – et, en fait, encore aujourd’hui, il refuse de répondre à ma question pourtant cruciale : « Alors ? Sommes-nous cinq ou six ? ». Et je pense qu’il refusera toujours d’y répondre, quoi que je fasse.
Pourquoi Flugschau pour désigner notre groupe ? Eh bien…si vous êtes pas allemands, vous vous souvenez sûrement pas du crash aérien qui est survenu à Ramstein un certain 28 août 1988. Mais moi, si ! Difficile de le rater : c’était dans tous les journaux – même à la télé, on en parlait sans arrêt. Après tout, c’était le meilleur argument du moment contre l’Ouest – 70 morts juste parce que les Américains avaient encore une fois préféré s’offrir une large marge de bénéfices en lésinant sur la sécurité… D’ailleurs, ça me fait penser, ça doit faire bizarre de mourir brûlé vif…bizarre… [son esprit disparaît à nouveau de la surface terrestre pendant quelques minutes avant de revenir en un sursaut – il ne s’est pas aperçu de son absence] Ramsteinflugschau, c’était donc le nom que Bang, Bürge et moi voulions donner à notre formation. Mikael et Tiger trouvaient l’idée ridicule, trop prévisible de la part d’un groupe de jeunes Allemands nés à l’Est. « De la provoc’ gratuite, voilà ce que c’est ! » que disait Tiger. Peter, plus conciliant, trouvait le nom trop long. Mais Bang a persisté – et notre formation s’appelle désormais Flugschau – meeting aérien, pour les nuls en allemand. On a abandonné Ramstein pour éviter toute confusion avec la ville et créer une sorte de mystère autour de notre nom (moins évident de retracer les origines de Flugschau que de Ramstein)…or, « le mystère fait vendre ! » pour parler comme Mikael.
1994 : c’est le début de notre mini tournée. Bon, principalement des petits concerts – rien ne sert de rêver. Nous commencions à peine à nous faire connaître. Résultat : nous jouions devant une cinquantaine de personnes dans des salles qui pouvaient en contenir des centaines. Ça laisse de la place, hein ? Lorsque Tiger m’a dit (après un concert plutôt moyen) qu’il avait un diplôme en pyrotechnie, ça m’a donné une super idée. J’ai filé à la première station service ouverte à cette heure-là – dure-dure à trouver, mais je l’ai trouvée – et j’ai ramené un bon gros baril d’essence. Les autres m’ont regardé sans comprendre. Trois jours plus tard, au concert suivant, ils ont compris.
Il fallait rendre nos shows spectaculaires ! Je veux dire : avec un nom pareil, meeting aérien, les gens s’attendent à de l’extraordinaire ; pas à un groupe de six métalleux qui se contentent de gesticuler sur scène avec leur instrument ou leur micro en mains. Il fallait leur montrer ce dont nous étions capables pour devenir célèbres – et quoi de mieux, pour faire parler de nous, que de foutre le feu à la salle ?! Sens propre et sens figuré associés !
Alors que les fumigènes étaient lancés sur la scène, que les spot lights éclairaient les autres et que Tiger entamait le premier couplet, moi, je me promenais dans la salle (décidément encore trop vide à mon goût) avec mon baril et je répandais de l’essence un peu partout sans que personne ne remarque quoi que ce soit – la salle était bien entendue plongée dans l’obscurité – mais pas pour longtemps. Au refrain, Tiger craquait l’allumette… Et c’était parti pour le show ! Cette idée a tellement fait fureur que, début 1995, les gens se précipitaient pour voir « le groupe le plus taré du moment ». C’était tout simplement formidable !… Et plus on nous disait d’arrêter nos conneries, plus nous voulions en faire plus ! C’était littéralement devenu une drogue – du feu, encore du feu ! Et puis, un jour…
C’était juste après avoir signé notre contrat pour enregistrer le premier album de Flugschau. C’était l’euphorie totale ! Nous pensions devoir en faire toujours plus pour ne pas décevoir le public ! Mais je suppose que cette fois-ci, nous sommes allés trop loin. Une femme et ses bas en nylon prirent feu par accident – et elle fila direct à l’hôpital, où elle est morte après plusieurs jours de coma. Tiger et moi avons été accusés d’homicide involontaire et condamnés à deux ans de prison pour lui, trois pour moi.
À ma sortie, j’ai appris qu’il n’y aurait plus d’enregistrement – ni plus aucun concert. Mikael a tenté vainement d’argumenter, assurant que les effets pyrotechniques seraient désormais tous réservés à la scène, que le public ne serait plus jamais mis en danger. Mais le mal était fait, comme on dit. Nous nous étions bien débrouillés pour avoir une très, très mauvaise réputation – et plus rien ne pouvait la blanchir désormais.

Je vous épargne les années qui suivent – sans intérêt. On est en 1999 – année diabolique, pensent certains illuminés – et rien, rien, rien de bien intéressant ne se passe dans la pauvre vie de Henry. Je continue à voir les cinq autres de Flugschau. En fait, ils forment à eux cinq la seule famille qu’il me reste – je suis fils unique ; mon père est introuvable ; ma mère est morte ; mes deux ex-femmes refusent de me voir.
Je viens de fêter mes trente-cinq ans (ou trente-trois ans, peu importe) et, franchement, je suis sûr que je ne reverrai plus les feux de la rampe : mon rêve de groupies à gogo ne se réalisera jamais…
Hm ?… Oh ! oui, je suis retourné à Brest-Litovsk cette année – on m’avait invité pour les funérailles de ma mère. Je ne sais pas trop comment ils ont réussi à me retrouver – je veux dire : les deux autres fils qu’elle a eu avec le Salopard – mais bon, ils ont réussi à me retrouver, et ils m’ont demandé de passer en Biélorussie pour recevoir ma part de l’héritage. Non, pas grand-chose : juste une boîte en carton avec quelques photos de moi bébé, des livres qui avaient appartenu à mon père, et les seize lettres qu’elle a écrites chaque année, le jour de mon anniversaire, dans l’espoir de me les envoyer un jour – mais sans adresse à inscrire sur l’enveloppe, c’est plutôt difficile. [petit ricanement malicieux] En allemand, elle les a écrites – sûrement pour que sa nouvelle famille ne puisse pas découvrir leur contenu. C’est qu’elle y racontait sa vie et ses secrets dans la plupart d’entre elles : une sorte de compilations des trucs que son mari, ses enfants, ses voisins avaient fait de mal : qui a tué le chien de qui ? qui a couché avec la femme de qui ? – c’était marrant de lire tout ça, sur des gens que je connais même pas ! Elle y disait aussi combien elle était en colère contre moi, puis combien elle se sentait coupable parfois… Je suppose que pour elle, écrire ces lettres, c’était un peu comme… C’est quoi déjà le mot que vous avez utilisé, avant qu’on commence l’interview ? [catharsis] Oui, c’est ça !… Peut-être qu’elle avait besoin de se soulager…
Qu’est-ce que j’ai fait des lettres ? Je les ai brûlées. Selon moi, le passé, c’est un feu qui crame tout ce que vous laissez traîner derrière vous. Ces lettres appartiennent au passé. Elles devaient donc subir le même sort que mes souvenirs : au feu !


Bürge

C’est en mars 1989 que je rencontrai Henry alias Heiko, celui qui me força plus ou moins à écouter du punk rock, style de musique dont il était friand jusqu’au jour où il a découvert les joies du heavy metal. Moi, je trouvais ce type de musique un peu trop violent à mon goût – il lésinait sur les mélodies, et les paroles étaient d’une simplicité à faire pleurer… D’ailleurs, elles le sont toujours, quand on y pense… Pourtant, j’ai fini par m’habituer à ces riffs incisifs et monotones – le fait de partager un appartement avec Henry a sûrement dû y être pour beaucoup.
Henry était à cette époque-là un jeune homme qui débordait d’énergie partout sauf à l’usine, où il était réputé pour être un véritable paresseux. Bien sûr, il savait sortir son excuse incontournable pour éviter toutes représailles – sa santé fragile a toujours été un atout pour lui. De plus, quand la nécessité se présente, il a le don pour trouver les meilleures combines. C’est ainsi qu’en 1989, nous nous lançâmes tous les deux dans un trafic de vêtements qui était parfaitement illégal mais extrêmement lucratif.
Fin 1989, je réussis donc à m’offrir un clavier digne de ce nom. Bien sûr, j’aurais préféré un piano…mais c’est quand même moins pratique à transporter, surtout quand on est saisi par l’ambition, désormais un peu plus réaliste (le Mur ayant été ébréché), d’être musicien dans un groupe de rock. Oh ! j’avoue qu’il m’est difficile de vous dire si j’y croyais vraiment ou pas à cette époque-là. Certes, j’avais abandonné tout autre projet dans ma vie – mais je gardais secrètement le sentiment que, si je me mettais vraiment à y croire et qu’ensuite tous mes espoirs s’effondraient, je perdrais toute envie de vivre – simplement.
Alors, je me contentais d’observer les autres s’affairer, donnant l’impression de m’intéresser à leurs projets sans pour autant m’impliquer. En 1990, Henry, qui s’imaginait devenir un célèbre guitariste, et moi avions rejoint un ami tchécoslovaque qui cherchait des acolytes pour former un groupe punk-rock. C’est avec lui que nous entrâmes dans un studio d’enregistrement pour la première fois : une première mémorable, même si le studio en question n’était pas très bien équipé. Tous les trois réussîmes même à jouer dans un club berlinois…jusqu’au jour où un léger désaccord artistique conduisit à la dissolution de notre groupe sans nom.
En 1991, Henry rencontra un certain Bang, batteur depuis quelques années déjà et ce, dans différentes formations. Bang m’a toujours semblé très ‘direct’. Tout le monde vous dira qu’il a un sale caractère – un caractère de hérisson*, dirait sûrement Tiger pour s’amuser – mais selon moi, il est avant tout quelqu’un de très franc, qui possède un telle droiture d’esprit qu’il est assez difficile de ne pas lui accorder raison. Quelques mois après cette rencontre, Henry voulait à tout prix me présenter à ses nouveaux amis. Comme toujours, je gardai mes réserves. Mais j’acceptai finalement. Je rencontrai donc Mikael, Peter et Tiger un soir d’août 1991, dans le magasin de bricolage que ce dernier tenait à cette époque-là.
Au premier abord, je dois avouer que Tiger me mit très mal à l’aise : sa carrure impressionnante y était pour beaucoup. Mais avec le temps, j’appris à mieux le connaître, et m’aperçus qu’en réalité, il était avant tout un homme très marqué par son passé, dont il refuse obstinément de parler – de peur de se mettre dans une position de faiblesse, je suppose. (N’allez surtout pas lui répéter ce que je viens de dire : il serait capable de me casser la figure ! Et comme vous pouvez le constater, je ne fais pas vraiment le poids face à lui !!) Mikael, au contraire, me parut très chaleureux – son air convivial est peut-être un peu trop surfait, et ses manies parfois irritantes…mais on finit par s’y habituer – presque autant qu’au silence de Peter, qui me sembla un garçon charmant bien que timide ce jour-là.
En 1993, je fus ravi d’apprendre que Mikael, Bang et Peter, accompagnés de Tiger (que Mikael avait enfin réussi à convaincre de les rejoindre) avaient gagné un concours pour jeunes talents berlinois, dont la récompense était une semaine d’enregistrement en studio. Par contre, lorsque Henry vint me voir en disant : « Devine quoi ?! Ils m’ont proposé de les rejoindre pour jouer les parties de guitare rythmique ! J’ai accepté bien sûr ! Mais je leur ai aussi demandé si tu pouvais venir et ils ont accepté ! Alors ? Tu nous rejoins ? », j’avoue que j’hésitai. Selon moi, il était important que Tiger chante en allemand ; or, ce n’était pas trop au goût de Mikael (« C’est pas super joli à écouter, l’allemand, quand même ! » prétendait-il). Moi, j’estimais que le chant en allemand était essentiel pour se démarquer des autres groupes, notamment occidentaux. De plus, j’ai toujours été fier de ma langue maternelle.
Bang et Tiger m’approuvaient – Henry s’en fichait éperdument – Peter estimait que le message que nous voulions donner était plus important que la langue dans laquelle Tiger le chanterait – et Mikael regrettait amèrement que sa voix ne fût pas aussi puissante que celle de Tiger : il céda donc, et moi, j’intégrai (de manière officieuse – j’ai toujours émis des réserves, par réflexe surtout) le groupe, qui fut quelques temps après nommé Flugschau de facto – à défaut de l’être de jure. [petit rire satisfait]
L’année 1994 fut principalement consacrée à notre tournée. Nous jouions dans de petites salles la plupart du temps. Parfois en plein air. Toujours devant un petit groupe de professionnels – journalistes, producteurs, etc. : notre but était surtout de signer un contrat, et non plus seulement de vendre nos démos via le bouche à oreille. Le succès n’était pas toujours au rendez-vous, mais nous ne nous découragions pas pour autant.
Un soir, Henry proposa de mettre le feu à la salle de concert pour donner, je le cite, « un petit coup d’adrénaline au public ». Je croyais sincèrement qu’il plaisantait. Henry est le genre d’homme à lancer des idées farfelues sans arrêt – inutile de le prendre au sérieux tous les jours. Mais, cette fois-là, il était sérieux, dit-il. Moi, je trouvais l’idée absurde et bien trop dangereuse. Et finalement, je n’avais pas tort. Mais lui, il s’en fichait éperdument. Et comme Bang, Mikael et Tiger abondaient dans son sens, il mit très vite en pratique sa théorie. Au concert suivant, il répandit un bidon entier d’essence dans la salle de concert afin qu’au premier refrain, un rideau de flammes entourât les spectateurs qui, bien entendu, n’avaient pas été prévenus.
Lors des semaines qui suivirent, notre public se fit plus nombreux et enthousiaste. Les gens venaient surtout nous voir pour nos essais pyrotechniques, ce qui en soi n’était pas déplaisant, puisqu’ils venaient ensuite nous féliciter pour nos talents de musiciens (chose qu’ils faisaient assez rarement auparavant). Nous débutâmes donc l’année 1995 dans une effervescence indescriptible, ponctuée par des propositions de contrat toutes plus alléchantes les unes que les autres. Comme on nous conseillait sans arrêt de calmer notre frénésie concernant l’utilisation du feu sur scène, nous avions décidé d’en faire toujours plus – enfonçant le clou avec la fameuse cape enflammée, que Tiger portait avec fierté pendant nos concerts, même après s’être brûlé une partie de la joue droite avec.
Peut-être aurions-nous dû écouter ces conseils bien intentionnés ?… Comme vous le savez, une journaliste fut grièvement brûlée lors de notre dernier concert et immédiatement admise à l’hôpital, où elle finit ses jours, clouée sur un lit et bandée jusqu’au cou. Sa famille porta plainte contre Tiger et Henry, tous deux tenus pour responsables de sa mort – et en fin de compte, coupables aussi.

À sa sortie de prison, deux ans après le procès, Tiger était passé de peu bavard à muet comme une tombe. Il refusa de faire allusion à son incarcération ; tenta vainement de reprendre la direction de sa boutique de bricolage ; ainsi que la garde de Lidja, que la Justice avait confiée à sa mère… Il s’était métamorphosé – pour toujours. Encore aujourd’hui, il me donne l’impression de se noyer – de se noyer dans ses souvenirs…et de ne rien entreprendre pour sortir de l’eau.
Henry aussi, d’une certaine manière, a changé… Il sortit un an plus tard, en 1998. À vrai dire, comme il a toujours dissimulé ses sentiments derrière son image de Gavroche, il est difficile de constater une quelconque différence entre le Henry d’avant et le Henry d’après la prison. Mais aujourd’hui, j’avoue que je la ressens parfois, cette différence. C’est surtout le vide qu’il a dans son regard et que j’imite sans le faire exprès… Une sorte d’absence de l’esprit, qui s’en va voguer ailleurs – trop loin.


Peter Franz

Le 22 août 1988, trois avions de la patrouille acrobatique italienne se percutent et s’écrasent sur les spectateurs venus voir le meeting aérien sur la base américaine de Ramstein. Si je me souviens bien, il y a eu 69 morts et environ 500 blessés, tout simplement parce que les Américains n’avaient prévu aucun service de sécurité. C’est de là que vient notre nom de groupe, en fait. Flugschau, ça veut dire ‘meeting aérien’. Mais j’ai sauté pas mal de choses, je crois, non ?
C’est Mikael qui m’a poussé à jouer de la basse. Il me trouvait plutôt doué et pensait que je devais cultiver mon talent « comme on cultive la plante verte offerte par la belle-mère – c’est une question de vie ou de mort ! ». J’ai toujours adoré les métaphores de Mikael – c’est ça ? C’est bien une métaphore ? oh, peu importe ! – c’est toujours de lui que je tire mes meilleures citations, d’ailleurs. Il a un don pour sortir des trucs bizarres – c’est…comment dire ?…presque convulsif chez lui.
Peu de temps après la chute du Mur, Mikael (rentré de son exil à l’Ouest) m’a proposé de former un groupe avec Bang, batteur qu’il m’avait présenté quelques mois plus tôt et avec qui je m’entendais bien, même si, franchement, ça me surprenait de voir Bang et Mikael ensemble : ils sont de caractères radicalement différents. Difficile d’imaginer qu’ils puissent s’entendre. Mikael est plutôt extraverti – un jour, Tiger m’a dit qu’il le trouvait « maniéré », et c’est vrai, en fait – il fait toujours de grands gestes quand il parle – on dirait un acteur. Bang, lui, est moins conciliant, comme type – il dit ce qu’il pense sans chercher à passer par quatre chemins – et puis, il est vachement têtu. Pourtant, plus nous avancions dans notre projet, plus nous voyions que ça marchait. Une vraie osmose, en quelque sorte. Le seul problème, c’est que… Mikael à la guitare, c’était parfait – mais au chant, c’était moins ça. Et puis, pour être franc avec vous, nous avions du mal à composer la musique et à écrire les paroles en même temps. Nous avions besoin d’un quatrième élément pour être complet.
C’est comme ça que j’ai appris que Tiger aimait bien chanter pour le plaisir. Mais seulement quand il se croyait seul…ou alors, seulement devant sa fille – et Mikael, qu’il a toujours considéré comme son meilleur pote. Un jour, Mikael nous a demandé, à moi et à Bang, de nous rallier auprès de lui pour convaincre Tiger de rejoindre notre groupe. Tiger, lui, ne voulait pas – il nous prenait pour des cinglés. « Non, non, hors de question que j’aille faire le pitre sur scène – chuis trop vieux pour ça ! » Pourtant, il venait à peine de fêter ses vingt-sept ans. Mais Tiger est comme ça : il ne se lâche pas facilement. C’est un dur à cuire, comme on dit. Il n’y a qu’une bouteille de tequila qui puisse le faire changer d’avis, en fait… Mais je saute quelques trucs importants, là.
En 1991 (en août, je crois) Bang nous a présenté deux potes à lui : Henry et Bürge. Henry est un petit farceur – il adore faire rire les gens – c’est son passe-temps préféré. Bürge, lui, par contre…c’est tout le contraire – il est un peu comme moi : il ne parle pas beaucoup – mais quand il ouvre la bouche, c’est toujours pour dire quelque chose de très intelligent, ce à quoi personne n’aurait pensé. C’est toujours marrant de voir les deux ensemble, je trouve – on dirait qu’ils se complètent…comme le Clown loufoque et le Clown blanc, en fait.
En 1992, Mikael m’a proposé de l’accompagner à New York. Pour lui, aller aux Etats-Unis, c’était son rêve d’enfant – et il voulait à tout prix que Tiger et moi l’accompagnions. C’est comme ça que j’ai claqué une partie de mes économies pour prendre l’avion (pour la première fois de ma vie !), direction : la Grosse Pomme. Là-bas, nous nous sommes rendu compte d’un truc vraiment idiot : la musique que nous faisions n’avait rien d’original. Du metal redondant, voilà ce que nous faisions, en fait. Rien de spécial. Quand nous sommes rentrés à Berlin, donc, Mikael était motivé à bloc : « On doit changer radicalement de perspective – se démarquer des autres groupes et faire du rock comme ils n’en ont jamais entendu !! » Je vous ai prévenue : Mikael est quelqu’un de très passionné par ce qu’il fait.
En plus, la naissance de sa fille, Aelin Gaja, quelques semaines après notre retour, l’avait complètement reboosté…alors que Tiger, par contre, me semblait encore plus morose. Je pense qu’il n’a jamais pu encaisser le choc de voir son ex-femme se mettre avec son meilleur ami – même s’il a toujours prétendu le contraire… Bang, qui ne nous avait pas accompagnés à cause de ses obligations avec un autre groupe (groupe qui allait finalement se disloquer peu de temps après), nous a avoué qu’il avait retravaillé nos morceaux de son côté – rendant notre musique encore plus agressive, c’est-à-dire exactement ce que nous cherchions à faire !
La même année, je suis tombé par hasard sur un concours pour jeunes talents berlinois, prévu pour janvier 1993. Mikael voulait tout mettre en œuvre pour le gagner. Nous avons donc enregistré nos quatre meilleurs morceaux sur son magnétophone pourri. Concernant les paroles, deux étaient en anglais (Mikael et Bang se débrouillent bien dans cette langue – moi pas vraiment), les deux autres en allemand (Tiger avait accepté de remanier quelques uns de ses poèmes pour nous). Mais, notre but caché, c’était de le faire chanter sur nos démos. La voix de Mikael ne passait pas trop mal sur les chansons en anglais…mais en allemand, ça n’allait pas du tout. Un soir, donc, Mikael a soûlé Tiger à coup de tequila pour le pousser à donner de la voix sur nos démos. Le résultat (pas trop génial, en fait, puisque Tiger s’est écroulé ivre mort après un couplet) l’a quand même convaincu de nous rejoindre définitivement.
Janvier 1993, nous gagnons le concours : une semaine d’enregistrement dans un des meilleurs studios de la capitale. Le rêve ! C’est là que Bang nous reparle de son pote Henry, qui nous rejoint pour jouer les parties de guitare rythmique à la seule condition que nous prenions Bürge comme claviériste. Pour nous c’était parfait. Nous voulions mettre l’accent sur le son – le rendre le plus fort, le plus énergique possible – donc, cinq musiciens au lieu de seulement trois à l’origine, plus la voix gutturale de Tiger, c’était l’idéal.
Peu de temps après avoir enregistré nos nouvelles démos, nous partons en « mini tournée » (pour reprendre l’expression de Henry), principalement pour nous faire connaître des professionnels et pour vendre nos CDs, sur lesquels, bizarrement, il n’y avait pas de nom de groupe. Nous étions incapables de nous mettre d’accord ; même si Bang, Henry et Bürge nous désignaient par le nom de Ramsteinflugschau à tout bout de champ, nous n’arrivions pas à nous faire à l’idée d’un nom bien fixe – définitif. Au final, nous avons réduit à Flugschau.
Quelques temps après, nous avons commencé à utiliser le feu sur scène – à un point tel que c’est devenu un élément primordial de notre show. Un concert de Flugschau se devait d’être impressionnant, presque aussi terrifiant que l’accident qui était arrivé à Ramstein. D’où les traînées d’essence en flammes, la cape enflammée de Tiger et notre projet de torches de feu, qui a finalement tourné court quand la journaliste a eu son grave accident.
En fait…on n’a jamais voulu faire de mal au public – si on avait su… Nous n’avions pas vraiment conscience du danger que nous prenions en aspergeant la scène d’essence – nous savions juste que le public aimait ça, que ça allait faire sensation. Et puis, au final… Enfin, vous savez ce qui s’est passé : la journaliste est décédée à l’hôpital, sa famille nous a fait un procès, Henry et Tiger se sont retrouvés en prison. Je ne dis pas que le jugement a été injuste ; l’avocat nous a même dit que le juge avait été très clément pour cette fois – mais… Disons qu’il était peut-être un peu disproportionné, non ?…

Oui, je suis allé les voir plusieurs fois quand ils étaient en prison. Je me sentais aussi coupable qu’eux. Après tout, nous étions tous responsables. Pourquoi seulement eux devaient aller en prison ?!…
Tiger, en particulier, je trouve, a changé – chaque jour, il est devenu un peu plus réservé ; chaque jour un peu plus acariâtre, aussi. À sa sortie de prison, on aurait dit qu’il avait perdu toute joie de vivre, toute envie de…persister. [il baisse son regard] Dans ses yeux, on ne retrouve plus l’étincelle d’avant…
Henry aussi, à sa manière, il a changé : mais c’est moins évident. Il est du genre à cacher ses émotions derrière des paroles futiles. Dans la voiture, le jour de sa sortie, il était comme un moulin à paroles – il nous a dit des tas de trucs du genre : « Vous savez ce qu’il y a de plus gênant dans une prison pour hommes ? C’est qu’il y a pas de femmes ! Alors, on demande gentiment à certains prisonniers de jouer ce rôle – heureusement que j’avais Tiger avec moi – aucun mec n’osait m’approcher comme ça ! » mais il ne disait rien sur lui. Il n’a pas précisé comment il a fait pour éviter les problèmes avec les autres détenus quand Tiger est sorti un an avant lui, par exemple. Par contre, quand il a ouvert l’enveloppe qui contenait ses effets personnels, dont il avait dû se séparer avant d’aller en cellule, et qu’il est tombé sur sa montre (qui ne marchait plus), sa chaîne et sa croix, il a haussé les épaules et les a tout simplement balancées par la fenêtre de la voiture.
Le seul moment où il a montré une part d’émotions, c’est quand il a fondu en larmes dans les bras de Tiger. Mais aucun des deux n’a précisé pourquoi, ni fait aucun commentaire à ce sujet. C’est comme si la prison avait irrémédiablement affecté Tiger et Henry…mais aussi moi par la même occasion.
Comme un virus. Comme une traînée d’essence qui s’enflamme trop vite.


Bang

Quelques mois avant la chute du Mur, j’ai rencontré Mikael dans un club. Ce soir-là, c’était une spéciale « On recherche de jeunes talents ». Alors, bien évidemment, Mikael s’était présenté. Et je vais vous le dire, il ne se débrouillait pas trop mal à la guitare. Je suis allé le voir après son morceau, je lui ai payé un coup (il n’avait pas un sou en poche, soi-disant) et nous avons tapé la discut’. Bon, au premier abord, Mikael m’a paru hyper désagréable – le genre à péter plus haut que son cul, si vous voyez ce que je veux dire. Mais comme il cherchait des partenaires pour former un groupe de rock et que mon projet avec deux de mes potes était toujours au point mort, j’ai accepté de le revoir quelques jours plus tard.
Certes, Mikael me tape toujours sur les nerfs, avec ses manies de starlette et son ton un peu narquois. D’ailleurs, il ne se passe pas un jour sans que nous ne nous prenions la tête, tous les deux. Surtout en ce moment. Mais bon, en ce moment, je me prends la tête avec tout le monde de toute façon…
Mikael connaissait Peter, un jeune bassiste qui venait à peine de fêter ses dix-huit ans et qu’il avait rencontré l’année d’avant, quand il était encore peintre en bâtiment – c’était avant qu’il ne se reconvertisse en caissier de supermarché (quel plan de carrière, vraiment !). Peter aussi se débrouillait bien pour son âge. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai accepté de les rejoindre quand Mikael est rentré de son Délire Occidental avec, dans la tête, des tas de projets plus fantaisistes les uns que les autres. Le Mur s’était ouvert : selon lui, c’était un signe envoyé du Ciel pour lui dire de se bouger les fesses et de « profiter des opportunités que le nouveau régime nous offre !! ». Moi, je pensais toujours à mon premier groupe – alors, je me suis investi sans plus.
En 1991, j’ai rencontré Henry alors qu’il jouait dans un club pour punks et rockeurs en tout genre. Il faisait partie d’un groupe formé par deux de ses potes, un Tchèque dépressif et un gringalet aux lunettes bizarres, et comme il était extrêmement doué, je l’ai présenté à Mikael, qui l’a trouvé « surexcité, trop excentrique », mais je m’en foutais. Pour moi, Henry est le type même du mec naturel, qui ne se la pète pas et qui, comble de la perfection, a un humour décapant. Si Mikael avait peur de la concurrence, ça m’arrangeait totalement ! Histoire de le faire tomber de ses hauteurs, si vous voyez ce que je veux dire.
En 1992, Mikael m’a proposé de l’accompagner à New York, mais j’ai refusé. Le tourisme, ça ne m’intéressais pas. Et puis, inutile de prendre l’avion pour savoir comment allait la scène rock américaine : j’avais déjà mon idée sur le type de musique que je voulais faire – du metal aussi violent que possible, et de bonnes mélodies, mais surtout pas genre : sirupeuses à l’occidentale. Du metal allemand, voilà ce que je voulais jouer. Par conséquent, quand Peter, Mikael et leur ami Tiger sont rentrés de New York avec, dans la tête, l’idée de retravailler tous nos morceaux, je n’étais pas étonné : au contraire ! En fait, je n’attendais plus que ça ! Et je leur avais déjà mâché le travail pendant leur voyage. Je suppose aussi que la naissance d’Aelin Gaja (quel prénom bizarre, franchement !) a réveillé Mikael de ses délires irréalisables et l’a rendu un peu plus responsable et moins rêveur…
À la fin de cette même année, Peter nous a déniché un concours pour jeunes musiciens, ce qui a rendu Mikael complètement marteau : il voulait le gagner coûte que coûte, et il a même payé une bonne cuite à Tiger pour l’obliger à chanter sur nos morceaux. En toute franchise, je trouvais Tiger bien meilleur chanteur que Mikael – et ses compos en allemand sonnaient beaucoup mieux que les nôtres (en anglais). Je pense que l’intégrer au groupe était la meilleure chose que nous puissions faire pour nous démarquer dans le marché musical : Tiger est le genre de mec tout en muscles qui fait peur à tout le monde dès qu’il prend son regard méchant – un personnage par excellence ! Et une voix robuste et gutturale ; à côté, celle de Mikael paraît mièvre et insipide.
Par conséquent, quand mon premier groupe m’a lâché et que Tiger a accepté d’être notre chanteur, je me suis lancé « corps et âme » (pour reprendre l’expression préférée de Mikael) dans ce groupe, qu’on allait plus tard appelé Flugschau, en hommage aux victimes du crash aérien du 28 août 1988 à Ramstein. En janvier 1993, Peter, Tiger, Mikael et moi avons participé au concours, que nous avons gagné haut la main. Le prix consistant en une semaine d’enregistrement dans un vrai studio, je me suis arrangé pour que Henry intègre notre formation, malgré les protestations de Mikael (qui prétendait pouvoir jouer toutes les parties de guitare sans problème – même sur scène – mais qui ne convainquait personne) et malgré l’unique condition de Henry lui-même (à savoir, que son pote Bürge, le grand maigrichon qui réfléchit trop, nous rejoigne aussi en tant que claviériste).
Nous étions donc six. Un bon chiffre, je trouve. Ça rend nos discutions plus compliquées ; on ne peut pas toujours satisfaire les envies de chacun. Mais je pense sincèrement que nous avons atteint une certaine osmose – en particulier parce que nous avons tous connu un peu les mêmes galères… Un jour, Henry m’a dit que « Flugschau, c’est un couple à six » et c’est ça, en fait. Rien ne peut nous séparer désormais… Et c’est bien ça, le problème.
En 1994, nous sommes partis faire la promotion de nos démos. Au début, nous avions du mal à remplir une petite salle – jusqu’au jour où Henry a sorti l’idée des bidons d’essence à enflammer. Franchement, je croyais qu’il plaisantait : c’était tout à fait le genre de blagues qu’il pouvait sortir pour remonter le moral des troupes. Et pourtant, deux-trois jours après nous avoir expliqué son stratagème de taré, il s’est présenté avec l’essence en question, qu’il a répandue sur scène et dans la salle – en suivant scrupuleusement les indications de Tiger, diplômé en pyrotechnie ou un truc du même genre. Nous voulions faire parler de nous, mais pas au point de tuer quelqu’un !
Et devinez quoi ! En 1995, des foules immenses se bousculaient pour venir nous voir en concert – nous étions même obligés de jouer dans des salles plus grandes, et de faire sans arrêt preuve d’ingéniosité pour la mise en scène. La présence du feu était devenue essentielle, se faisant donc presque systématique : à chaque show, le public avait droit aux traînées d’essence que Tiger enflammait, puis à la cape de feu – avec laquelle il s’est brûlé la joue droite, une fois. Mais qu’importe ! Nous avions trouvé notre petit truc en plus. D’ailleurs, Mikael et moi projetions même de nous procurer des torches et quelques feux d’artifices quand la journaliste a eu son malheureux accident. [frénésie perdue, visage figé]
Vous savez ce qui s’est passé ensuite. Tiger et Henry ont été incarcérés ; le contrat que nous avions signé quelques jours avant l’incident a été déchiré ; nous étions interdit de concert jusqu’à nouvel ordre ; et notre moral est tombé au plus bas. Mais cette fois, Henry n’était pas là pour le remonter grâce à ses blagues débiles. J’ai repris mon boulot en tant qu’installateur ; Peter s’est remis dans le bâtiment ; Bürge est redevenu ouvrier ; et Mikael s’est fait rembauché en tant que caissier de supermarché mais s’est fait viré quelques mois plus tard – là, il fait la vaisselle et le ménage d’une vieille mémé impotente. [sourire narquois] Ou alors, il est encore au chômage… Oh ! je ne sais plus !

En 1997, Tiger est sorti de prison sans faire aucun commentaire. L’année dernière, c’était le tour de Henry. Aujourd’hui, tous deux préfèrent ne pas parler de leur emprisonnement, et je les comprends.
J’espérais qu’un jour, ils arriveraient à s’en remettre – qu’ils finiraient par sortir la tête de l’eau et que nous pourrions repartir de zéro, et même, qui sait, reprendre nos projets de groupe. D’ailleurs, c’est pour ça que je n’ai pas cessé de composer – la musique est ma deuxième source d’espoir après Dieu…
Malheureusement, aujourd’hui, j’ai l’impression que les deux m’ont laissé me noyer dans un bidon d’essence gigantesque, auquel je m’apprête à foutre le feu.


Mikael Zimmer

En 1986, j’ai rencontré mon futur meilleur ami : Tiger est un grand gaillard à la carrure de sportif et à la voix d’outre-tombe. Étonné de constater que j’avais comme seuls meubles qu’une guitare et une batterie déglinguées, il m’a fait engager dans la boîte où il bossait : je suis donc devenu peintre en bâtiment – métier qui ne me correspond pas du tout, quand on y pense, mais ça permet de se muscler à une vitesse prodigieuse…même si, à vrai dire, il semble que ça n’ait pas vraiment marché pour Peter (c’est dans cette boîte que je l’ai rencontré pour la première fois, en 1988) : il est toujours aussi maigre, celui-là… Je comprends pas…
En 1987, je dois vous avouer que j’ai fait l’erreur de coucher avec la femme de Tiger, Rebecca, que je pensais aimer à la folie – ce qui a conduit à leur divorce. Bien sûr, leur couple battait déjà de l’aile – mais, aujourd’hui, je me sens toujours un peu mal d’avoir fait ça à Tiger. C’est mon pote, quand même ! Même si, à l’époque, je croyais rayonner d’amour pour Rebecca, je n’aurais jamais dû lui faire ça… [remords voilé d’insouciance] Oh ! vous savez, il dit qu’il m’a pardonné – et je me force chaque jour à le croire.
L’année suivante, comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai croisé le chemin de Peter, gamin de plus de deux mètres qui m’a tout de suite paru sympathique (notamment parce qu’il était fan de rock tout comme moi) et avec qui j’ai fini par me lier d’amitié : j’ai senti qu’il avait un don pour la musique, un sens du rythme incomparable – mais comme il n’avait pas l’air de s’intéresser à la batterie, je lui ai dit d’apprendre à jouer de la basse, ce qui s’est avéré très prometteur. D’autant plus que quelques mois plus tard, j’ai finalement rencontré un batteur au surnom très évocateur, Bang, avec qui j’allais former l’idée de monter un groupe (moi, Peter et lui).
Début 1989, je me suis fait engager comme caissier (ayant été la cause du énième licenciement de Tiger l’année d’avant, j’avais préféré me faire jeter par principe) – pas vraiment top, comme métier, mais très utile pour entraîner ma mémoire des chiffres. Le laser qui fait bip devant le code barre du produit, ils connaissaient pas ça dans mon magasin. Comme il se trouvait loin de mon appart’, je devais prendre le métro pour y aller. Or, le 7 octobre, alors que je rentrais chez moi, je me suis retrouvé par hasard au milieu d’une de ces nombreuses manif’, devenues monnaie courante à l’époque. Certes, j’aurais peut-être mieux fait de filer doux pour me planquer derrière une poubelle, mais au lieu de ça, j’ai foncé tête baissée pour soutenir les autres jeunes. Bien sûr, la Stasi est très vite intervenue et m’a envoyé six jours au trou – six jours pendant lesquels j’ai pu voir personne (malgré les efforts de Tiger, qui passait tous les jours dans l’espoir de me trouver là, et pas à la morgue), à devoir répondre aux mêmes questions encore et encore, et à me faire traiter comme un chien ! [colère bien orchestrée] Cette expérience m’a tellement dégoûté du régime que dès ma sortie de prison, je suis parti en Hongrie, où les barbelés avaient été démantelés – ce qui m’a permis de passer à l’Ouest à travers ce fameux rideau de fer, peu impressionnant, je vous le dis – en me promettant de revenir que quand le Mur serait tombé, ce dont je rêvais depuis le Jubilé de Berlin de 1987*…et ce qui est arrivé quelques semaines plus tard. [léger coup de tête satisfait]
Tout ce dont je peux me souvenir de mon premier passage à l’Ouest, c’est d’une euphorie incommensurable, agrémentée des couleurs des affiches publicitaires sur les murs et des ordures sur le trottoir – une véritable renaissance, symbolisée par l’acquisition de la citoyenneté fédérale, révélée par ma nouvelle coupe de cheveux (je me suis teint les cheveux en blond – Tiger a trouvé ça ridicule mais moi, j’aimais bien) et qui a atteint son apogée quand je suis revenu à Berlin dès le soir du 10 novembre 1989. La chute de l’ancien régime, l’Allemagne qui allait se réunifier, ça signifiait surtout pour moi la possibilité de signer des contrats avec des maisons de disques, d’être musicien à part entière. C’est donc comme ça que l’idée de monter un groupe avec Peter et Bang, puis Tiger, est devenue une quasi-obsession. Depuis tout petit, je rêvais de devenir le célèbre guitariste d’un groupe de rock mondialement connu – je traînais cet espoir comme un trèfle à quatre feuilles trouvé au cours d’une promenade en solitaire. Sauf que là, ce trèfle s’était multiplié par dizaines, accroissant nettement mes chances de réaliser mon rêve.
Dès 1990, je me suis presque entièrement consacré à la musique, composant tous les jours : je débordais littéralement d’un désir de création. Et d’ailleurs, j’ai toujours autant besoin de m’exprimer : mes pulsions créatrices, voilà ce qui m’anime, ce qui m’emporte. Bien sûr, en attendant de devenir riche et célèbre, j’avais bien besoin de bouffer. J’ai donc économisé un max sur mon job de caissier pour réaliser le plus grand de mes rêves : aller aux Etats-Unis, ce que j’ai fait en 1992, avec Tiger et Peter. Je devais aller voir et écouter par moi-même ce qui se faisait par là-bas, tendre mon oreille aux toutes dernières nouveautés de l’Ouest. Et je dois avouer que ça m’a déçu : je pensais sincèrement que mes compos étaient originales et innovantes, mais je m’étais mis le doigt dans l’œil – ou plutôt, dans l’oreille ! Certes, je ne regrette pas ce voyage : New York City, c’est là que j’aurais aimé vivre. C’est là que le monde entier se rencontre et se heurte dans une sorte de symbiose quasi diabolique et pourtant typiquement humaine. Oui, c’est ma Babylone en quelque sorte… C’est aussi là que m’est venue l’idée de faire du metal encore plus dur, encore plus violent, encore plus agressif. [emportée dans un élan quasi lyrique, sa main rythme sa prose] Une fois rentré à Berlin, je n’avais plus que ça en tête : exprimer ma rage d’être né en Allemagne de l’Est à travers une musique provocante et des paroles choquantes. Bref, il fallait en faire des tonnes !…
Je pense que oui, la naissance d’Aelin, même si elle n’était qu’un accident, m’a redonné une envie de créer complètement irrépressible. Le seul problème, c’est que mes compos en anglais (j’ai jamais pu écrire en allemand – je sais pas vraiment pourquoi, d’ailleurs – peut-être que c’est ma manière à moi de me révolter contre mes origines…un rejet intérieur, ouais… Ou peut-être parce que j’ai toujours trouvé que l’anglais sonne plus groovy, tandis que l’allemand est vraiment complexe – peu de gens ont le mérite de pouvoir écrire en allemand, je trouve – l’allemand est si cadencé, si militaire – Tiger se débrouille bien mieux que moi ! Et puis, je crois vraiment en la chimie musicale, qu’une chanson peut parler d’elle-même, sans parole, juste avec les notes. D’ailleurs, quand je compose, je vois un film, comme si j’écrivais une bande originale… Ou plutôt, comme si j’écoutais une BO dans ma tête et que je me contentais de recopier les notes. Tu vois ce que je veux dire ? [j’acquiesce sans trop savoir où il veut m’emmener] En fait, je pense que… Je pense que la musique est le roi, et que je veux être sa reine ! Ouais ! Je suis là pour servir la musique avant tout – mais je veux être le seul à le faire aussi bien !), mes compos en anglais, donc, manquaient de cette agressivité. C’est pour cette raison que j’ai demandé à Tiger, poète en herbe, d’écrire pour nous. Ce qu’il a un peu rechigné à faire, il faut le dire. Je pense qu’il se doutait bien que je cherchais en fait à l’intégrer au groupe en tant que chanteur : sa voix, grave et immédiatement reconnaissable, que j’avais pour la première fois entendue à travers la porte de la chambre, est exactement ce qu’il fallait au groupe. Certes, j’aurais préféré jouer les chanteurs moi-même, mais je maîtrisais pas super bien ma voix – et puis, Bang n’arrêtait pas de me dire qu’il la trouvait ‘mièvre’. Même si, je vais vous dire franchement, je ne suis pas du tout d’accord – mais bon. [il écrase méticuleusement sa cigarette dans le cendrier et s’en allume une autre – il me laisse le temps de me remettre de sa digression]
Où j’en étais ?… Ah oui ! Fin 1992, Peter est tombé sur une affiche pour un concours de rock organisé à Berlin. Je voulais à tout prix y participer et surtout le gagner. C’est comme ça que la nuit de ma dernière dispute avec Rebecca, j’ai convaincu Tiger de faire un essai sur mon magnéto, ‘sans engagement’ bien sûr. En fait, d’abord, je l’ai légèrement poussé à vider une bouteille de tequila à lui tout seul : à la fin, il était tellement bourré qu’il a accepté de chanter mais s’est très vite effondré par terre, où il a ronflé toute la nuit. Je n’avais réussi qu’à enregistrer un couplet et la moitié d’un refrain, mais ç’a été suffisant pour persuader Bang et Peter de faire pression sur Tiger. Quelques jours plus tard, Tiger a accepté de « faire le pitre sur scène » pour nous.
Bien entendu, on a gagné ce concours. Le prix, c’était une semaine d’enregistrement dans un super studio. Le rêve, je vous le dis, le rêve ! Bon, Bang a insisté pour que son pote Henry nous rejoigne. Moi, j’étais pas trop chaud. J’avais rien contre Henry, notez bien. Il est marrant comme gars. Mais au début, il m’a paru un peu trop…comment dire ?…un peu trop excentrique – ce type ne peut pas tenir en place deux secondes. Et quand il est calme, c’est qu’il prépare un truc : ça se voit dans ses yeux… Mais bon, Peter et Tiger l’aimaient bien eux aussi, alors j’ai dit OK. Même quand Henry a débarqué au studio avec Bürge (son pote à lui – ouais, le binoclard), j’ai acquiescé sans rien dire… Bon, ça me plaisait pas vraiment – surtout que Bürge et moi, enfin, y a pas photo, quoi ! [il tire longuement sur sa cigarette] Ce type-là est né sur Pluton, alors que moi, je viens de Mars ! On n’a strictement rien en commun, ça, c’est sûr. Mais bon… Après tout, ce qui est bien dans ce groupe, c’est qu’on est tous différents – chacun a une pierre à apporter à l’édifice. On est comme… On est comme un meuble fait de six bois différents : ça dérange, car c’est pas commun, mais c’est hyper solide !
En 1994, on a fait la promo de nos démos un peu partout en Allemagne. Sur les CD’s, il n’y avait pas de nom de groupe (on n’arrivait pas à se mettre d’accord), mais Bang, Henry et Bürge n’arrêtaient pas d’utiliser le mot ‘Flugschau’ pour nous désigner : c’est donc devenu notre nom de scène par obligation, en quelque sorte… Au début, on n’arrivait pas à rameuter les foules pour nos concerts, jusqu’au soir où Henry a proposé de faire brûler de l’essence sur scène et dans la fosse. C’était début 1995, je crois – juste après avoir fêté les trente-deux ans de Tiger, si je me souviens bien. C’était une super bonne idée, au début. Je trouvais ça génial ! Un groupe a toujours besoin d’une marque de fabrique, d’un truc qui permet de l’identifier en deux secondes. Nous, on était les ‘Cracheurs de Feu’ ! En 1995, c’est comme ça que les gens nous appelaient. Et ils venaient à nos concert en se demandant : « Qu’est-ce qu’ils vont faire cette fois ? » Alors, nous, on était obligés d’en mettre plein la vue. Après les bidons d’essence, c’était la cape enflammée que Tiger portait sur un de nos morceaux. Les spectateurs adoraient ça ! Et Bang et moi, on avait même le projet de se procurer des torches qui cracheraient du feu en appuyant sur un bouton. Le problème, c’est que…bref ! la journaliste a eu son putain d’accident et ç’a mis fin à notre carrière. Le contrat qu’on avait réussi à signer a été déchiré en petits morceaux – et on n’avait plus le droit de jouer sur scène !
Tiger et Henry sont même allés en prison pour meurtre…

Aujourd’hui, ben…j’avoue que je suis seulement entouré de désillusions. Je n’ai plus rien à foutre dans ce putain de monde. Mon unique rêve m’a été volé. Certes…j’ai Aelin… Elle est si mignonne. Et elle grandit si vite, trop vite (mais elle n’y est pour rien). C’est elle qui me redonne mon sourire chaque jour, chaque matin… Enfin, seulement les jours où j’ai sa garde : sa mère et moi, nous nous sommes séparés – et je suis autorisé à avoir Aelin uniquement pendant la moitié de ses vacances scolaires… Ce qui n’est pas grand-chose, quand on y réfléchit – mais toujours plus que ce qu’a Tiger : depuis son procès, Rebecca et ces putains d’assistantes sociales le considèrent toutes comme un attardé ! Et il n’a le droit de voir Lidja qu’un jour par mois. C’est donc normal qu’il ait l’air si mal, si démoli : la prison, plus ça, ça détruit un homme.
Moi aussi, ça m’a détruit, mais de manière indirecte – comme un court circuit. La prison a anéanti Tiger et Henry – et ça nous a tous affectés, les uns à la suite des autres. Même si ça se voit pas, on est tous calcinés de l’intérieur.


Tiger Beer

Lors de la chute du Mur ?… Je devais être chez moi…ou alors, je manifestais avec les autres : je sais plus trop. Après l’incarcération de Mikael (pas vu pendant six jours et ressorti de prison tellement déboussolé qu’il s’était tiré en Hongrie), j’ai préféré me faire tout petit. Je sais, avec ma corpulence, c’est impossible…
Par contre, je me souviens que la première fois que j’ai mis les pieds à Berlin-Ouest de jour, j’étais avec Lidja : elle n’avait pas école car la directrice de sa crèche avait rejoint sa famille de l’autre côté du Mur. Alors, j’ai décidé de l’emmener faire une petite promenade en terre inconnue. Dans les magasins, il n’y avait plus rien à vendre – ni bière, ni tequila – juste ces petits bonbons multicolores en forme d’ours*. Lidja les a dévorés en une seule bouchée, la coquine… [un sourire mélancolique se dessine sur ses lèvres]
En fait, c’est plutôt en 1992 que tout s’est joué pour moi. Pas seulement parce que mon père cancéreux est mort cette année-là – comprenez, le foie n’a jamais pu surmonter les litres d’alcool qu’il s’enfilait – mais aussi parce qu’à cette époque, Mikael n’arrêtait pas de me soûler avec son projet de groupe, qu’il voulait que j’intègre en tant que chanteur. Moi, je n’avais aucune envie de le suivre dans son trip – j’avais enfin réussi à me poser en reprenant ce magasin de bricolage qui se trouvait juste en dessous de mon nouvel appart’, où je vivais seul avec Lidja, et je n’avais aucune envie de mettre fin à ma tranquillité. Mais Mikael est têtu comme une bourrique. Il m’a d’abord convaincu de lui refiler quelques uns de mes poèmes en prétendant que c’était lui qui allait pousser la chansonnette. (Peter ? Trop timide. Et Bang ? Il est déjà à la batterie : pas l’idéal pour tenir le micro.) Au final, il m’a bel et bien soûlé – à la tequila !… Puis il s’est arrangé pour mettre Peter et Bang de son côté. Comme j’en avais marre de les entendre me répéter que ma voix était « superbe, exactement ce qu’on cherche, il faut que tu chantes pour nous » et bla-bla-bla, j’ai accepté.
En fait, le voyage à New York avec Mikael et Peter y était pour beaucoup dans mon assentiment final : ayant vu de mes propres yeux ce dont la scène rock américaine était capable, j’étais convaincu qu’il fallait les rafraîchir un petit peu – leur montrer ce que nous, pauvres Allemands légèrement paumés, étions prêts à faire pour leur piquer la place. Pas question de suivre le mouvement comme des petits moutons – nous voulions faire ce qui nous plaisait à nous ; et peu importe si on nous reprochait un anticonformisme facile. Voilà pourquoi, pour le concours auquel nous avons participé en janvier 1993, nous avions déjà une bonne moitié de chansons écrites en allemand : pas seulement parce que mon accent en anglais est tout pourri, mais aussi parce que je trouve ma langue maternelle parfaite pour exprimer ce qui carbonise mon cœur.
À vrai dire, je ne trouve pas que les sujets auxquels je fais référence dans les chansons de Flugschau sont si tabous que ça – il doit y avoir une ou deux chansons, tout au plus, qui flirtent avec l’interdit – mais c’est tout. Et puis, j’écris surtout en fonction de la musique que composent les autres : quand celle-ci est agressive et bruyante, je me dois d’écrire des paroles assorties. Sinon, ce serait comme mettre un cadre baroque à un tableau abstrait… Texte et musique doivent aller de paire.
Lors de l’enregistrement qui récompensait les gagnants du concours, notre groupe s’est enrichi de deux nouveaux éléments : Henry, petit rigolo qui sait pas tenir sa langue dans sa poche, et Bürge, son parfait contraire. Parfois, il m’arrive de me demander comment ces deux-là ont pu se rencontrer et s’entendre… Mais bon, je suppose que tous les bons potes ont l’air dépareillés aux yeux des gens – les opposés s’attirent, comme on dit. Tout ça pour dire qu’au final, nous étions six : six Allemands de l’Est à se prendre pour des rock stars.
En 1994, nous avons commencé à promouvoir les titres que nous avions enregistrés en donnant des petits concerts un peu partout en Allemagne. C’est cette année-là, donc, que j’ai confiée Lidja à sa mère – certes, j’aimais beaucoup m’occuper de ma petite, mais n’ayant pas vraiment le temps de le faire, j’ai choisi de la laisser à Berlin – plutôt que de la trimbaler dans les hôtels les plus miteux du pays. D’autant plus qu’elle est bien plus douée pour les études que moi à son âge. Je n’ai jamais voulu gâcher ses chances, vous savez…
Je me dis aussi qu’elle ne peut pas être malheureuse avec sa mère et sa demi-sœur, Aelin… Comment pourrait-elle être malheureuse dans une famille stable, hein ?… C’est pas avec moi qu’elle trouvera cette stabilité, ça, c’est sûr… [il semble se recroqueviller dans sa carapace]
Où en étais-je ?… Ah, oui. Fin 1994, nous nous sommes rendu compte que nous n’ameuterions jamais les foules en nous contentant de gesticuler sur scène comme une bande d’abrutis. C’est donc comme ça que Henry a eu son idée des bidons d’essence à enflammer sur scène, puis dans la salle de concert. Ayant une fois travaillé pour une compagnie spécialisée dans les feux d’artifice, je pouvais me vanter de connaître les règles de sécurité les plus basiques, que Henry s’est empressé d’apprendre par cœur, comme un bon petit écolier. Début 1995, son idée, qui avait tout d’abord paru ridicule aux yeux de tout le monde, a eu tellement de succès que nous étions obligés de nous produire dans des salles plus grandes, ce que je n’ai jamais vraiment apprécié puisque non seulement ça rendait notre pyrotechnie encore plus dangereuse, ce dont elle n’avait pas vraiment besoin, mais en plus je n’aime pas que les gens me regardent… Alors, je vous laisse imaginer ma consternation quand notre public s’est fait dix fois plus nombreux… Nous avons même été forcés d’innover dans nos jeux pyrotechniques, afin que les spectateurs ne se lassent pas : d’où l’idée de la cape enflammée, avec laquelle je me suis brûlé la joue droite – j’ai toujours eu un problème avec le feu, on dirait… Oui, c’est bien la cicatrice que vous voyez là…
Ensuite, tout est allé très vite. L’effervescence de chaque concert nous est plus ou moins montée à la tête : nous avons dû rajouter des dates, parfois nous faisions quatre concert d’affilée, sans soir de pause ; des tas de producteurs et de manageurs nous ont proposé leurs services, et nous avons même réussi à signer un contrat ; et bien évidemment, nous lésinions un peu trop sur la sécurité – plutôt ironique, quand on connaît l’origine de notre nom de scène… Bref ! le soir où la journaliste a brûlé vive, les mecs de la sécurité, censés surveiller les traînées d’essence enflammée, étaient plus occupés à raccompagner quelques trouble-faites – personne n’a entendu ses cris à cause du son, et sa robe était déjà entièrement en flammes quand Bürge a arrêté de jouer pour la montrer du doigt. Le temps que je descende de la scène et que j’éteigne les flammes avec ma veste, elle était déjà par terre, inconsciente – et la suite, vous la connaissez.
Enterrement.
Procès.
Prison. Pour moi et pour Henry. Ne me posez pas de questions sur ça – je ne veux pas en parler.
Sorti de prison, j’ai appris qu’on m’avait étiqueté ‘irresponsable’ et que je pouvais toujours rêvé pour reprendre la garde de ma fille, même partagée. Ça m’a mis en rogne, bien sûr – mais quels que soient mes arguments, personne ne les a écoutés. Je suis désormais impuissant face à la vie qui me tourne délibérément le dos. À quoi bon vivre dans une telle situation ?

Vous savez, quand j’étais petit, ma grand-mère faisait de la compote elle-même et elle la conservait dans sa cave… C’est de là que me vient l’expression ‘compote de souvenirs’ : quand on fait des tas de choses extraordinaires, puis qu’on rentre chez soi et qu’on savoure les bons moments qu’on a passés en se les ressassant ou en les racontant à ses amis, c’est comme ouvrir une compote de souvenirs et la déguster à la petite cuiller… La prison m’a vidé de mon stock. Pénurie de compotes. Non seulement ma cave est désormais vide, mais elle est submergée de mauvais souvenirs : il n’y a plus de place pour les bons car tout a moisi. Je crois que je vais m’arrêter là. De toute façon, je n’ai plus rien à ajouter… Comment je me sens ? Submergé. Immergé. Comme un navire achevé par la tempête. Vous savez, des fois, quand on tombe tout au fond du puits, on ne peut plus remonter parce que les parois glissent. Tout ce qu’on voit, c’est la lumière du soleil au-dessus : resplendissante, mais inaccessible. Ça fait regretter de s’être brûlé auprès d’elle.

Troisième partie
NOTES:

[1] ‘Peux-tu nager/Comme les dauphins/Les dauphins le font bien/Personne ne nous donne une chance/Pourtant nous pouvons l’emporter/Encore et toujours/Et nous sommes alors les héros/D’un seul jour – Héros’
* jeu de mots intraduisible entre ‘Beer’ (nom de famille de Tiger) et ‘Bär’ (ours), NdA
* jeu de mots dû au nom de Bang
* Pour les 750 ans de la ville, quelque 3000 jeunes ont forcé le Mur pour aller écouter un concert donné devant le Reichtag, ce qui a conduit à une sévère répression par la Stasi, NdA
* Gummy Bears, NdA

Ich verstehe nicht - 15

  Chapitre XV – Un moulin à paroles               Dès le lendemain de son arrivée, je regrettai d’avoir accepté la compagnie de Paul. ...