EPILOGUE
„Der Tod
ist ein König
mächtig und
allmächtig
mit Königin
doch ohne Garde
und zwischen seinen Beinen
pendelt eine Hellebarde
weiß nicht wohin er will
links rechts
das Pendel gibt die Richtung an
weil er sich nicht entscheiden kann“
Till Lindemann, „Der Tod“
Tout
le monde est déjà là quand j’arrive à l’hôpital : Maja dans les bras de Schneider,
visiblement en larmes, sous le regard timide de la mère d’Emil et de la sœur de
Paul ; Olli agenouillé devant Hannah, qui est sagement assise entre Emil et
Thomas – non, Tanja ; Flake debout à côté d’eux, murmurant quelque chose à
Jenny et Lidja ; et Richard qui fume sa clope au bout du couloir, tout
seul.
‘Till,’ m’accueille Flake. ‘Tu as fait vite.’
‘J’ai pris le premier avion.’
Je
jette un coup d’œil à chacun des enfants de Paul.
‘Comment ils encaissent ?’ marmonné-je à Flake.
‘Hannah est sous le choc et ne parle pas : Olli
essaye de la rassurer depuis tout à l’heure ; Emil semble un peu déboussolé
mais ça va ; par contre, Thomas… enfin, je veux dire : Tanja… comment
dire ?… Elle a l’air désinvolte et choqué en même temps.’
‘Ils s’étaient disputés,’ rappelle Jenny. ‘Elle et
Paul ne se sont pas revus depuis le départ d’Amy.’
‘Il – enfin, elle – doit se sentir un peu coupable…’
conclut Lidja.
‘Paul est dans un sale état ?’ demandé-je.
‘Toujours dans le coma aux dernières nouvelles. Avec
un hématome sous dural, c’est normal,’ répond Flake d’un air sceptique.
‘Il y a toujours de l’espoir,’ insiste Jenny.
‘Là, je ne crois pas, non.’
Les
deux femmes gardent le silence. Je dévisage Flake.
‘Un hématome sous dural, c’est un choc au niveau du
crâne qui crée une hémorragie importante,’ m’explique-t-il. ‘Si elle ne se
résorbe pas d’elle-même, il faut opérer. L’ennui, c’est qu’il a fracturé sa
colonne vertébrale avec la chute. Même si l’opération se passe bien, et même s’il
sort du coma, ce qui serait déjà un miracle, il sera paralysé à vie. En plus,
l’hématome est au niveau du cortex visuel… Il risque aussi d’être aveugle. Et
tout ça, c’est si son cœur tient le coup.’
J’acquiesce
pour lui signifier que j’ai enfin compris. Au loin, Richard recommence à faire
les cent pas en allumant une autre clope. Il a l’expression anxieuse qu’il
affiche quand il se trouve face à un dilemme : pouce sur les lèvres,
cigarette entre l’index et le majeur, regard complètement vide. Olli vient de
prendre Hannah dans ses bras et lui caresse les cheveux tendrement, tout en pleurant
lui-même, silencieusement. Maja et Schneider sont toujours dans leur coin à se
consoler mutuellement. Enfin, je regarde Thomas – je veux dire, Tanja. Visiblement
énervée. Ou dépitée. Ou les deux. Difficile à dire.
‘Et on a une idée de ce qui s’est passé ?’
ajouté-je.
Lidja
et Jenny baissent la tête.
‘Eh bien…’ commence Flake. ‘D’après la police, il
aurait sauté de son balcon. Mais il n’a rien laissé derrière lui – aucune lettre…
mis à part un…’
‘Quoi ?’
‘La police a demandé à Schneider s’il connaissait un
certain T.L. car ils ont trouvé un mot signé de ces initiales dans son salon.
Bien sûr, Schneider a pensé à toi tout de suite et il a demandé à voir le mot.
La police le lui a juste montré, mais selon lui, le message n’était pas destiné
à Paul.’
Flake
fait une pause pour me laisser répondre mais je ne dis rien.
‘En tout cas,’ reprend-il, ‘la police a conclu à la
tentative de suicide quand Schneider leur a parlé de la séparation. Et comme les
médecins ont trouvé un taux d’alcoolémie très élevé, ça semble concorder. La
question, c’est pourquoi maintenant ? Je veux dire, ça fait au moins six
mois qu’ils sont séparés !’
‘Il est allé voir Amaryllis.’
‘Tu es au courant de quelque chose alors ?’
Je
surveille Flake du regard. Je n’ai jamais aimé son côté un peu inquisiteur. Ça
lui donne un air mesquin qui lui apporte toujours des ennuis.
‘Il est venu me voir hier pour me dire qu’il voulait
se réconcilier avec elle. C’est tout.’
‘Et le mot ?’ insiste Flake.
‘C’est peut-être… ça doit être celui que j’ai écrit
à Amaryllis il y a quelques jours,’ lui dis-je en évitant son regard perçant.
‘Je vois… Donc, il semblerait que Paul soit allé voir
Amy aujourd’hui ; ils ont eu une explication, qui s’est mal passée pour
Paul puisque Amy lui a donné ton mot. La question, c’est pourquoi elle aurait
fait ça ?’ dit-il, plus pour lui-même qu’à moi, j’ai l’impression. ‘Tu
avais écrit quoi ?’
‘Schneider te l’a pas
dit ?’
‘A vrai dire, il a très vite évité le sujet quand Maja
est arrivée.’
‘Mm.’
‘Alors ?’
‘J’aime pas quand t’insistes comme ça.’
‘Je sais.’
‘J’ai juste écrit que je regrettais ce qui s’était
passé. C’est tout.’
‘Je vois.’
Le
chirurgien sort dans le couloir et nous explique que l’état de Paul est désormais
stable. Ils ont tenté de minimiser l’hémorragie et le reste, je ne comprends
pas vraiment. Du jargon d’hôpital. Au final, Paul va être transféré dans une
chambre mais il est toujours dans le coma.
‘Il y a… des chances qu’il se réveille ?’ demande
Schneider en se pinçant les lèvres.
Je
crois que je ne l’ai jamais vu avec un tel regard désespéré.
‘Pour être sincère, elles sont infimes. L’hémorragie
s’est étendue au-delà du cortex visuel donc les dégâts peuvent être très
graves. On a aussi dû le mettre sous respiration artificielle, ce qui n’est pas
bon signe. Pour l’instant, son cœur tient le coup, mais à terme, cela pourrait ne
pas suffire. Par ailleurs, on ne peut rien faire pour ses trois fractures.’
‘Celles à la colonne vertébrale ?’ demande
Olli.
‘Oui. Trois fractures lombaires avec section de la
moelle épinière. Malheureusement, on ne connaît aucune technique pour réparer ce
genre de fracture. S’il se réveille, ce qui me semble, et je le regrette
beaucoup, assez peu probable, il sera paraplégique.’
‘Ça veut dire quoi paraplégique ?’ demande la
petite voix d’Hannah.
‘Eh bien, ça veut dire qu’il ne pourra plus
marcher,’ lui répond le doc avec une voix compatissante au débit ralenti pour
qu’elle comprenne mieux. ‘Vous pourrez le voir d’ici quelques minutes. Je suis
vraiment désolé…’
Je
m’esquive pour rejoindre Richard quand le chirurgien passe au chapitre des
condoléances.
‘Alors ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ?’ me demande
la voix anxieuse de Richard.
‘Il est comme mort.’
‘Mais non, c’est pas possible ! Je comprends
pas : ils ont dit qu’il était encore en vie quand il est tombé. C’est – c’est
que le choc ne pouvait pas le tuer ! Hein ? Hein ?’
‘Il est dans le coma.’
‘Donc il peut se réveiller ?’
‘Mouais, c’est possible. Mais s’il se réveille, il
sera paralysé.’
‘Oh non… merde !’
Richard
se cale le dos contre le mur, abattu, le regard voilé.
‘Mais pourquoi il a fait ça, ce con ? Pourquoi ?!’
soliloque-t-il.
Du
coin de l’œil, je vois Thom– Tanja nous rejoindre.
‘Alors ?’ demande encore Richard, sans qu’aucune
réponse ne soit donnée. ‘Il peut pas mourir, il peut pas mourir…’ se répète-t-il
en secouant la tête.
‘Mais il a le cerveau en compote !’ lui lance
nerveusement Tanja.
Richard
la dévisage, stupéfait d’être attaqué ainsi.
‘Désolée… c’est juste que… ça fait beaucoup d’un
coup…’
‘Oui, c’est normal, c’est ton père. Ça doit être dur
pour toi. Mais il faut garder espoir !’ lui sort Richard en allant lui
tapoter l’épaule.
‘Arrête, s’il te plaît.’
‘D’accord,’ lui dit Richard en s’exécutant, un peu
penaud.
Tanja
s’approche de la fenêtre et Richard me regarde, comme si je détenais la réponse
au comportement lunatique de Tanja.
‘Thomas ? Je peux te demander quelque
chose ?’ commencé-je.
Il–
Elle ne bouge pas. Richard me regarde en fronçant les sourcils.
‘Je veux dire : Tanja ?’
‘Quoi ?’
‘T’as des nouvelles d’Amaryllis ?’
Ma
question est suivie d’un silence glacial.
‘Où est le rapport ?’ me murmure Richard, visiblement
intrigué à la fois par ma question incongrue et la résignation de Tanja, qui
finit par se retourner vers nous.
Ce qu’elle me dit, à moitié
étouffé dans un sanglot, me scie en deux :
‘Amy est décédée. Renversée par un bus le week-end
dernier. Je suis allée à son enterrement hier.’
‘Oh, mince…’ s’exclame Richard. ‘C’est vraiment pas
de chance, ça. Deux malheurs d’un coup, c’est…’
Richard
lève le regard vers moi.
‘Till, ça va ?’
‘Mm.’
***
Les
jours suivants défilent comme si je n’étais que figurant d’une pièce de théâtre
que j’aurais écrite. Je ressens le découragement de l’auteur bafoué ; la résignation
de l’écrivain spolié qui voit sa pièce jouée médiocrement devant deux ou trois
péquenauds.
Chacun
y va de son avis sur ce qu’il faut faire pour Paul, et moi, je n’arrive tout
simplement pas à y croire. Je suis pourtant quelqu’un de terre à terre. Je sais
bien que les réactions de chacun sont tout à fait compréhensibles à défaut d’être
logiques ; la peine est un monstre qui nous extorque les pires décisions. Mais
la mienne, celle de garder le silence, est probablement la moins comprise de
tous.
On est tous réunis dans la
chambre blanchâtre de Paul, tous postés autour de son lit, moi dans un coin. Paul
a l’air d’aller – si ce n’est qu’il a le crâne rasé, avec un pansement dessus,
et un énorme tuyau dans la bouche qui l’empêche de sourire. Il a l’air bien tranquille
ainsi. Comme apaisé. Mais il ne bouge pas, et ne bougera plus jamais. Lui qui
était pourtant quelqu’un de vif, toujours à gigoter, ou à faire en sorte qu’on
se bouge le cul quand on faisait face à un problème ; lui qui, même à cinquante
balais, continuait de courir, de sauter, de se casser la gueule, comme un gamin
dans un parc ; lui qui ne supportait pas l’idée de stagner, et ne le
faisait que lorsqu’il était au plus mal, le voilà immobile, allongé sur un lit
d’hôpital. Mort.
Le médecin discute avec Emil
et lui explique l’importance de la décision qu’il doit prendre avec Tanja.
Cette dernière n’a pas hésité une seconde quand le médecin a fini son speech.
Elle a gardé les bras croisés et elle a lancé dans un silence morbide :
‘Débranchez-le alors ! Il est déjà mort de toute
façon.’
‘Ecoute, faut… faut pas prendre cette décision… à la
légère…’ se défend Emil, aux côtés de Schneider qui acquiesce pour
l’encourager.
Emil se tourne à nouveau vers
le médecin.
‘Vous… vous êtes vraiment sûr… qu’il… qu’il n’y a pas
d’esp…’
‘On n’est jamais sûr de rien,’ lui répond le doc. ‘A
vrai dire, le cerveau est l’organe que nous connaissons le moins. Il est assez
imprévisible. Mais disons qu’en l’état actuel des choses, ses chances de se
réveiller sont infimes. Et comme je vous l’ai dit, s’il se réveille, nous ne pourrons
rien faire contre sa paralysie et sa cécité. Comme je ne peux pas vous garantir
qu’il se réveillera dans quelques jours, ou même dans quelques années, et que
les dommages au cerveau peuvent être encore plus graves encore que ceux que
nous avons identifiés au scanner, je ne peux que vous conseiller de prendre cette
décision pour vous. C’est à vous de voir si vous préférez faire votre deuil
maintenant, ou… si vous voulez attendre.’
Evidemment,
les avis sont partagés. On dirait que Maja, Schneider et Lidja préfèrent croire
aux miracles. Mais Flake a rameuté Olli, Jenny et la soeur de Paul à sa cause
plus sceptique. Selon lui, « ce que l’on fait subir à Paul depuis des
jours, c’est de l’acharnement thérapeutique pur et simple. » Richard vote
blanc : il est plongé dans ses pensées oppressantes et personne n’arrive à
l’en sortir. Tanja signale qu’elle a déjà voté, et Hannah regarde chaque acteur
donner son argumentation sans qu’on lui laisse la parole. Pauvre petite. Les larmes
me montent aux yeux quand je la vois ainsi, au centre de l’arène, la main
fermement accrochée aux doigts de Paul.
‘Till ?’
‘Mm.’
Je
ne sais même pas qui m’a appelé.
‘T’en penses quoi ?’ me demande Emil d’une voix
désabusée.
Tout
le monde me fixe de leur regard inquisiteur, presque accusateur. Je prends une
grosse inspiration comme pour plonger :
‘Ton père a fait un choix ; il avait ses raisons.
C’est vrai que c’est difficile à accepter mais c’est comme ça.’
Schneider
est outré par ce que je viens de dire et repart dans son discours moralisateur,
d’autres argumentent l’idée peu commune que Paul ne voulait pas se suicider, qu’il
est évident que ce n’était en fait qu’un accident, mais Emil les arrête dès que
le prénom d’Amaryllis survient pour réveiller Richard de sa torpeur.
‘Richard ?’
‘Hein ?’
‘T’en penses quoi ?’
‘Oh ! Heu…’
Richard
me regarde comme un collégien qui a perdu ses anti-sèches et qui cherche la réponse
sur la copie du voisin.
‘Je ne sais pas…’ hésite-t-il. ‘Non, franchement, j’en
sais rien. Désolé.’
Richard
sort de la chambre sans demander son reste. Le clan Schneider me lance des
éclairs, et celui de Flake a l’air honteux de me compter parmi ses membres.
C’est vrai. C’est de ma
faute. Du début jusqu’à la fin. Si je n’avais pas autant merdé comme ça, Amaryllis
serait en vie – peut-être. Et Paul ne serait pas ce légume pour la dignité
duquel tout le monde prétend se battre. Il faut croire que tout ce dont je suis
capable, c’est de tomber amoureux de la mauvaise personne – à chaque fois dans une
configuration différente, donc à chaque fois en succombant à la tentation
interdite – et au lieu de trouver une solution au merdier que je laisse derrière
mon passage, je me contente de regarder les autres recoller les pots cassés
sans les prévenir quand ils se trompent de morceaux.
Je suis comme un vieil ours
qui, quand il fait une bêtise, se cache tout au fond de sa tanière où il espère
qu’on l’oubliera – et quand il en ressort enfin, les problèmes ont décuplé et
on lui reproche de ne toujours pas avoir d’explications à fournir.
Au final, Emil rejoint la décision
de Tanja et chacun entreprend de faire ses adieux – en silence pour la plupart,
en serrant une des mains du mort. Schneider ne peut pas s’empêcher de sangloter
en embrassant le front de celui qu’il considère toujours comme son meilleur
ami. Hannah pose sa tête sur le torse de son père et insiste pour qu’il n’oublie
pas d’aller dire Bonjour à ses grands-parents et à Amaryllis quand il sera « là-bas, »
cet au-delà auquel il ne croyait pas – auquel je ne crois pas non plus.
‘Je sais que tu t’en fiches mais c’est important, alors
t’oublies pas,’ ajoute-t-elle en pointant son index vers son père. ‘Bien.’
Emil
se contente d’un « Tu vas me manquer, Papa » enroué et difficile à
sortir. J’avoue que les mots me manquent quand vient mon tour. Je me contente d’acquiescer
en approbation d’une fatalité qui, pourtant, me déchire le cœur et je laisse vite
ma place à Tanja, qui se baisse et murmure à l’oreille de Paul :
‘Je te pardonne.’
***
Paul n’ayant fait part d’aucune dernière volonté, ni écrit de
testament, Emil a choisi de suivre l’idée de Tanja, qui était d’enterrer Paul auprès
de la tombe d’Amaryllis. Ce n’était visiblement pas au goût de la meilleure
amie, restée à l’écart lors des funérailles. Intrigué par la jeune femme furibonde,
j’ai demandé au type à qui j’avais laissé ma lettre pour Amaryllis et qui m’a
visiblement reconnu, quel était son nom.
‘Gaïa.’
‘Comme la déesse grecque ?’
‘Oui, c’est ça,’ m’a-t-il confirmé en souriant
faiblement.
Je
suis allé la rejoindre discrètement.
‘Bonjour, je m’appelle Till.’
‘Ouais, ouais, je sais : j’ai reconnu ta tête
sur un de ses livres.’
‘Ah. Je suis un ami de Paul.’
‘Oui, j’avais compris ça aussi.’
Elle était bien furax, la fille.
Je lui ai demandé sans passer par quatre chemins pourquoi elle n’a pas fait
rapatrier le corps d’Amaryllis en France.
‘Sa famille est dispersée un peu partout – et personne
n’habite près du tombeau familial.’
‘D’accord, je vois.’
‘Alors j’ai proposé à sa sœur aînée de l’enterrer
ici. Ça lui a convenu. C’est la seule, avec un des frères, qui a pu faire le déplacement
pour l’enterrement et récupérer ses affaires.’
‘Et… heu…’
‘Myalis ?’
‘Oui.’
‘Je l’ai confiée à sa sœur. Je voulais pas que ce
connard ait sa garde ! Maintenant, c’est pratique : il peut pas la réclamer.
Et puis, selon Tanja, c’est pas son frère Erni…’
‘Emil.’
‘Ouais, c’est ça, Emil, qui ira râler non plus. Et
c’est tant mieux parce que vu comment il joue les chochottes éplorées…’
J’avoue
que ça m’a fait bizarre de me retrouver face à quelqu’un qui rejetait en bloc
la faute de la mort d’Amaryllis, pourtant accidentelle, sur le dos de Paul. Pas
sur moi. Pourtant, il n’y a qu’un ermite égoïste comme moi qui peut foutre en
l’air une relation idyllique et sonner le glas pour les deux amoureux. D’après
tous les autres, c’est moi le fautif dans le drame. On ne me le dit pas, mais
je le sens. D’après Gaïa, non.
C’est comme si elle voyait la
situation à l’envers : Paul en trouble-fête dans le couple Amaryllis/Till.
Selon elle, Amaryllis m’aimait inconditionnellement – elle m’avait toujours admiré
plus que quiconque au monde, et les sentiments qu’elle avait envers Paul n’étaient
inspirés que par la compassion. J’aimerais me bercer dans cette illusion, mais
même en voyant les choses ainsi, le remords ne me lâche pas. Il prend seulement
une nouvelle ampleur. Il se fait plus acéré. Plus tranchant.
Je
n’ai pas fait l’erreur de sous-estimer l’amour de Paul envers Amaryllis – je me
suis juste repris trop tard pour lui éviter la mort. Par contre, j’ai complètement
sous-estimé celui d’Amaryllis envers moi. J’ai fait cette erreur stupide –
sage, mais stupide – de croire qu’elle pouvait m’oublier quand moi-même, je me
refusais cet effort ; qu’elle pouvait me pardonner mes écarts quand
moi-même n’aspirais qu’à les réitérer.
Je
l’ai crue plus forte qu’elle ne l’était. J’ai oublié qu’elle était aussi
fragile qu’une fleur, au pied de laquelle Paul est tombé – comme une abeille
empoisonnée.
-------------------------------------------------------------------------
Ceci est la fin de la fanfiction Amaryllis. Il existe une nouvelle dont l'action se déroule 14 ans après. J'avais envisagé de l'intégrer à cette fiction mais en réalité, la démarche est fondamentalement différente. Le ton, le thème abordé, la caractérisation des personnages forment un tout qu'il m'est impossible de modifier pour coller à la fiction d'origine. Elle reste donc une nouvelle à part, fondée sur le même univers, qu'on peut trouver ici.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire