samedi 2 mars 2019

Amaryllis - Chapitre XX


XX – Remords fatals


                Son affiche est toujours là, toujours en rouge, toujours aussi belle. La revoir ainsi, en taille réelle, ravive ma peau un peu frileuse, alors je m’élance vers la porte d’entrée du Rose et Pâquerette. A l’intérieur, je reconnais tout de suite son ami Gürt. Je lui souris timidement pour voir si lui me reconnaît, et son air à la fois étonné et hésitant approuve ma tactique, donc je m’approche.
‘Bonsoir.’
‘Bonsoir Gürt. Je sais que ça fait un bon moment mais… Amy est là ?’
                Il baisse les yeux. Apparemment, il est au courant. Amy doit toujours m’en vouloir de l’avoir frappée – et je sais déjà ce que tu vas dire, c’était une grave erreur de ma part, mais je dois avouer que j’avais le vague espoir que le temps ait un peu effacé mon erreur. Un peu… Je sais ! Je sais ! Frapper une femme est une faute impardonnable ! Pas besoin de me sermonner à ce sujet ! Mais il faut croire que, sous un excès passionnel, j’ai perdu le contrôle. Je voue à Amy un amour trop inconditionnel pour échapper à cette jalousie destructrice qui accompagne souvent la passion, comme sa partenaire diabolique – comme le Méphistophélès qui ne lâche pas son Faust. Ça arrive d’agir bêtement quand la haine saisit les tripes, non ? C’est plus que regrettable, certes, mais… c’est… Oui, c’est impardonnable, en fait. Et je me rends compte que je me cherche bêtement des excuses, encore.
‘Ecoute, je sais qu’elle a dû te dire de ne pas me laisser passer et je sais combien elle aurait raison, mais si je pouvais lui parler, ne serait-ce qu’une minute…’
‘Ce n’est pas ça, Paul. C’est juste que…’
‘Oui, je sais,’ le coupé-je, ne sachant pas comment me positionner, s’il sait – il doit forcément être au courant. ‘Elle m’en veut toujours, c’est ça ?’
‘Non, non… ce n’est pas ça le souci…’
                Il a le regard fuyant, et son attitude me donne un mauvais pressentiment – il a l’air navré pour moi, comme si ma requête était rejetée avant même d’être formulée, mais pas forcément par Amy elle-même. Je me demande si c’est à cause de ma tenue – pourtant, j’ai fait un effort aujourd’hui – car il ose à peine me regarder.
‘Paul… je… je dois te dire quelque chose qui… qui…’
                La porte s’ouvre derrière moi. Je fais volte-face pour découvrir la jeune femme qui a délibérément essayé de me casser le nez il y a six mois.
‘Toi !?’
‘Heu… bonsoir…’
‘Espèce d’enfoiré !’
                J’esquive de justesse son coup de poing. Frapper du vent semble la mettre encore plus en rogne car elle se débarrasse très vite de son sac et se rue sur moi. Je cours vers la cage d’escaliers pendant que Gürt contourne le comptoir pour la retenir.
‘Calme-toi, Gaïa.’
‘Cet enculé n’a rien à faire ici !’
‘Gaïa, s’il te plaît…’
‘Lâche-moi, que je lui en foute une dont il se rappellera pour de bon !!’
‘Je vous en prie…’ paniqué-je en m’accrochant à la rambarde. ‘Je suis venu m’excuser…’
‘Dégage d’ici !’ hurle-t-elle, complètement enragée.
‘Gaïa, c’est moi le patron ici, c’est moi qui décide. Alors, laisse-moi gérer ça,’ dit-il d’un ton calme er désabusé, pas vraiment autoritaire.
‘Fous-le dehors ! Je ne veux pas voir sa sale tronche ici une seconde de plus !’
‘…je suis simplement venu m’excuser…’ insisté-je faiblement.
‘Ta gueule, connard !’
‘Gaïa, tu vas monter dans ton appartement. Tout de suite, d’accord. Laisse-moi m’en occuper.’
                Elle fait semblant de se débattre encore quelques secondes ; je vois bien que Gürt ne fournit pas de grands efforts pour la retenir ; et je recule en montant les marches par instinct de survie. Puis elle cède en me crachant :
‘Crois-moi, connard : si je le pouvais, je te tuerais de mes propres mains. Bouge de là !’
                Je me précipite en descendant les quelques marches pour lui céder le passage. Elle monte les escaliers comme une reine et ne daigne même pas me regarder à nouveau. Je me tourne ensuite vers Gürt pour avoir des explications, mais il a repris son air navré. J’insiste encore, presque mécaniquement :
‘Je comprends qu’Amy m’en veuille toujours, mais s’il te plaît, dis-lui que je suis passé pour dire que j’aimerais repartir de zéro…’

***

                Comme avant. J’aimerais que tout redevienne comme avant. C’est en posant le pied sur le perron de la maison de Till que je m’en suis complètement rendu compte. Il a ouvert la porte et m’a dévisagé : j’étais vraiment le dernier sur terre qu’il s’attendait à trouver devant sa porte. Il a clairement hésité à accepter ma bouteille de tequila. Il est allé jusqu’à me demander si elle était empoisonnée, d’ailleurs. Mais non, elle était juste là pour fêter le mois sans alcool que je venais de passer.
‘Et… tu veux gâcher tous tes efforts comme ça ?’ m’a-t-il demandé en me lançant un regard mi-désapprobateur, mi-amusé.
‘Mais non ! La bouteille est pour toi ! Tu te bourres la gueule pendant que moi, je te regarde faire en chialant.’
‘En chialant ?’
‘Oui, en pleurant sur mon misérable sort…’
‘J’avais compris.’
‘Bon,’ dis-je avec un peu d’impatience, les pieds dans la neige. ‘Tu me laisses entrer alors ?’
                Il a quand même vérifié le bouchon de la bouteille avant de me laisser m’installer au chaud. Toujours aussi suspicieux, le Till.
‘T’as fait tout ce chemin jusqu’ici pour me regarder picoler, hein ?’
                Était-il cynique ? S’essayait-il à de l’humour bon enfant ? Avec Till, on n’est jamais bien sûr.
‘Oui. Et je voulais mettre les choses au clair avec toi aussi, avant d’aller voir Amy…’ ai-je commencé en regardant ses photos de famille disposées sur la cheminée, la bonne excuse pour éviter son regard.
‘Mettre les choses au clair. Ah.’
‘Je sais, ça ne t’enchante pas – mais on a besoin de parler.’
                Et voilà comment nous nous sommes plus ou moins réconciliés. Pendant qu’il liquidait la bouteille, je me morfondais sur mon sentiment de solitude, le manque qu’avait laissé Amy dans ma vie, mon désir de la revoir au plus vite, de lui pardonner le petit écart qu’elle avait fait avec lui, et surtout, de la reprendre dans mes bras et de la voir sourire à nouveau. De m’excuser pour la violence dont j’avais fait preuve, aussi – ce qui a valu un léger lever de sourcils de la part de Till.
‘C’est rien.’
‘Ce n’est pas rien de frapper une femme,’ ai-je dit solennellement.
Il a froncé les sourcils.
‘Quoi ?’ ai-je dit, avant de comprendre soudainement. ‘Ah, j’avais oublié que je t’avais frappé aussi. Désolé.’
‘C’est rien, j’ai dit.’
Je ne savais plus trop quoi dire, alors que j’avais plusieurs fois répété le dialogue – enfin, avec Till, c’est plutôt un semi-monologue – dans ma tête. Je savais que Till n’était pas la bonne oreille pour ça mais je ne pouvais pas m’en empêcher :
‘C’est à moi de m’excuser auprès d’elle.’
‘Mm.’
‘Je m’en veux tellement de l’avoir frappée, tu sais,’ ai-je murmuré en baissant la tête car une larme coulait. ‘Je… Je voudrais tellement que tout soit comme avant.’
‘Mm.’
Amy est plus qu’une simple cigarette pour moi – elle est l’essence qui fait tourner mon moteur – sa jeunesse est l’énergie dont j’ai désespérément besoin pour survivre alors que le temps m’amène à me détester de plus en plus.
‘Ah.’
                J’étais si pathétique ce jour-là que même Till restait presque mutique en écoutant mes platitudes.
‘Je ne peux pas m’imaginer de vieillir avec quelqu’un d’autre. C’est elle ou personne, tu comprends ?’
‘Il y en aura d’autres.’
‘Pas à mon âge, non. Je me sens trop vieux pour aller en séduire une autre, surtout maintenant – maintenant que je suis sûr d’avoir trouvé la bonne !’
‘Hm.’
                Till a baissé la tête puis s’est bu un huitième shot.
‘Et tu sais, je comprends que toi aussi, tu sois tombé sous son charme. Elle est tellement merveilleuse !…’
‘Mm.’
‘Mais j’ai besoin que tu t’effaces… Tu dois t’effacer.’
                Till a relevé la tête et m’a dévisagé comme si je lui demandais de se couper la main pour moi.
‘Tu dois t’effacer parce que je sais que je ne fais pas le poids contre toi.’
‘Ah.’
‘Et puis… Il est évident que tu ne quitteras jamais María pour Amy, et je suppose que tu as tes raisons,’ ai-je ajouté en jetant à nouveau un œil à ses photos de famille. ‘Mais dans mon cas, les choses sont différentes : Amy est tout pour moi !’
‘Mm.’
                Il a bu son neuvième verre.
‘Je n’aurais jamais dû apporter cette bouteille. Tu te bourres la gueule sans dire quoi que ce soit d’intéressant.’
‘Il n’y a rien à dire. T’as raison.’
                Je ne sais toujours pas s’il a accepté au nom de notre amitié, ou s’il s’est rendu compte qu’il ne pourrait jamais rendre Amy et María heureuses s’il persistait à vouloir les garder toutes les deux pour lui. A vrai dire, Till est quelqu’un de bien trop torturé pour moi. Même quand je suis moi-même au plus profond du trou, mon esprit aussi sombre et dégueulasse que ma tenue de scène, il me surpasse en noirceur.
‘Et t’as pas besoin non plus de me sortir ton mièvre discours sur le comment du pourquoi Amy s’est emparée de ton cœur.’
                J’avoue que j’étais un poil blessé sur le coup, mais qu’attendais-je de Till, franchement !
‘Tu viens me voir en honnête homme et me demande de m’effacer. Donc c’est ce que je ferai. Fin de l’histoire.’
‘On repart de zéro, alors ?’
‘Oui. On repart de zéro.’
‘Bien,’ ai-je simplement dit.
                Le silence s’est installé ; il n’y avait même plus le tintement de la bouteille contre le verre à shot. Till était comme plongé sous hypnose et me lançait un regard vide.
‘Tu crois qu’elle va me pardonner ?’ a-t-il marmonné.
                Je me posais exactement la même question.

***

‘…j’aimerais que tout soit comme avant. Tu peux lui dire ça de ma part ?’
‘Ecoute Paul, ce serait avec plaisir mais…’ me répond Gürt avant que je le coupe avec une impatience effrayée :
‘Elle est partie ? Elle ne vit plus ici, c’est ça que tu veux dire ? Mais elle est partie s’installer où ? Elle n’est pas retournée en France ? Si ?’
‘Paul…’
‘Oui ?’
                Gürt soupire une énième fois et je sens qu’il y a quelque chose qui cloche. C’est comme s’il prenait des pincettes avec moi ; comme s’il cherchait la meilleure façon d’aborder un sujet délicat. C’est à ce moment-là que mon regard tombe sur une étagère derrière le comptoir. Une étagère sur laquelle on a posé des bougies, des fleurs et une photo. Une photo d’Amy qui n’était pas là avant. Et je constate en même temps qu’il est tout de noir vêtu – comme la folle qui vient de remonter à l’instant – mais l’information semble bloquée quelque part dans mon cerveau ; elle n’apporte pas les conclusions logiques qui devraient me faire réagir…
‘Paul… Je dois te dire qu’Amy a eu… un accident.’
‘Un accident ? Comment ça ? Mais elle va bien ?’
                Je ne le laisse pas répondre et enchaîne sur :
‘Myalis ? Où est-elle ?’
‘C’est Gaïa qui s’en occupe… pour l’instant.’
‘Mais… mais qu’est-ce qui s’est passé ? Quel genre d’accident ? Est-ce que c’est grave ? Et dans quel hôpital est-elle ?’
                Je m’arrête car je vois bien que ça fait trop de questions d’un coup pour le vieux Gürt.
‘Amy n’est… n’est pas à l’hôpital.’
‘Mais… Donc c’est pas un accident grave ? Elle se repose ici peut-être ? C’est ça que tu veux dire ?’
‘Non.’
                Instinctivement, je regarde à nouveau l’étagère qui, désormais, me semble sinistre. Et soudain, je tombe dans un état second – comme si je refusais d’assimiler les signes autour de moi : le costume noir, la robe noire, les fleurs, les images – non, les présages – tout signale ce que je ne veux surtout pas admettre.
‘Amy a… a été renversée par un bus la semaine dernière,’ dit-il dans un sanglot. ‘Elle allait faire quelques courses… C’était le lendemain du… du soir où un homme a déposé cette lettre.’
                Gürt me tend une enveloppe déchirée, que je prends machinalement. Il essuie une larme et poursuit :
‘D’après la police, elle devait être trop occupée à lire cette lettre quand elle a traversé. Et… et comme il y avait beaucoup de neige ce jour-là… le… le bus n’a pas pu freiner à temps. Elle… elle est décédée… sur le coup.’
                Sans dire un mot, je regarde Gürt sangloter et sortir un mouchoir de sa poche. Il se mouche bruyamment et me propose de boire quelque chose. Je n’arrive même pas à émettre un son. Je me contente de secouer la tête en refus. J’ouvre l’enveloppe pour en sortir une feuille blanche sur laquelle un liquide semble avoir été renversé. Je la déplie pour voir et j’identifie très vite des traces de boue. La feuille a dû finir dans la neige fondue lorsque Amy a… a été…
                Je lève le regard vers Gürt. Il me dit que le mot dans l’enveloppe est signé. Je fronce les sourcils sans comprendre. Il pointe l’enveloppe du doigt mais je regarde à nouveau la feuille chiffonnée et toute sale. J’arrive à distinguer un poème dessus. Sans le nom de l’auteur à la fin. Alors je fouille à nouveau l’enveloppe et tombe sur un petit mot intact. J’entends Gürt me dire qu’il a trouvé le mot dans sa chambre, avec l’enveloppe, et qu’il a pensé que le poème était sûrement arrivé avec car il peut reconnaître l’écriture d’Amy, et celle-ci ne correspond pas. Lorsque je lis le mot, je n’écoute même plus Gürt.
T. L.
Je ne connais qu’un seul T. L. qui écrit comme ça.
‘Paul ? Attends, reste !’
                Sans m’en rendre compte, je suis déjà sorti du cabaret.
‘Sache que tu seras toujours le bienvenu si tu as besoin de parler.’
Je suis toujours en transe quand je monte dans ma voiture. Je jette la lettre de Till sur le siège passager et je démarre machinalement. La route pour rentrer chez moi défile comme un décor qu’on déroule sur mon pare-brise. Je ne calcule plus du tout mes gestes, qui sont devenus automatiques : freiner au feu rouge et devant le passage piéton ; accélérer au feu vert ; tourner au panneau qui indique la bonne direction. C’est limite, je suis étonné d’arriver si vite dans la cour de mon lotissement. Les graviers si familiers ne craquent plus sous mes semelles : la neige les a remplacés. Les bips du digicode sonnent sous mes doigts et la porte du hall s’ouvre lentement. Mon corps s’enfourne dans l’ascenseur et les signaux lumineux font défiler les étages avec de légers à-coups. Ma clé part se faufiler dans la serrure de mon appartement avant de finir sur la commode à l’entrée. Mon manteau part s’allonger sur le canapé du salon ; ma main farfouille les placards ; les bouteilles s’entrechoquent. Je ne compte pas le nombre de fois où mon verre se remplit – l’idée me semble absurde. Je me contente de rincer mon gosier comme on fait un lavement de boyaux.
                Voilà le discours si pathétique sur le vide que je ressens en ce moment. Peu importe ce que je dirai : aucun mot ne peut exprimer l’absence complète de connexion dans ma cervelle. J’ai la même sensation que lorsque j’ai fait mon premier trip à l’acide : je fixe les objets comme s’ils avaient une forme incongrue ; je me surprends à sourire comme un con à mon chien qui a eu l’idée saugrenue de se mettre à poursuivre une pomme en forme de fraise accrochée à des veines qui laissent des traces de sang coagulé sur leur passage ; puis je secoue la tête avant de regarder maintenant les nuages transformés en strip-teaseuses. Si je me souviens bien, j’avais terminé ce trip au LSD dans une marre de vomissure au fond de la baignoire d’un hôtel quelconque. Mais ce souvenir-là est-il vrai ? Est-ce bien réel, tout ce qui se passe là ?...
                Les nuages ont quelque chose de malsain, donc j’évite de les regarder pour aller m’ouvrir une autre bouteille. Mais je ne sais pas… Ils ont quelque chose de fascinant aussi, ces nuages…

***

                Je suis debout sur le rebord de mon balcon, et je ne me souviens pas comment je suis arrivé là. Je sais ce que tu penses. Tu me trouves minable, hein ? Minable, là, comme un con, à secouer les bras au-dessus de ma tête pour garder l’équilibre. J’aimerais penser à autre chose ; je voudrais déchirer ces satanés nuages, ces corps blancs et aguichants. J’aimerais penser à un truc qui ne me ferait pas pleurer mais le visage de mes amis, celui de mes enfants s’est très vite enfui de ma mémoire. J’ai l’impression de ne voir que des sourires sans visages. Arrête de te marrer ! Je parle d’un truc sérieux, là. J’aimerais ne pas penser en fait. J’aimerais arracher tous ces souvenirs qui m’obsèdent. Ce sourire surtout. Tiens ! Le revoilà ! Dégage, saloperie de cumulus ! Tu vois donc pas que je me sens assez mal comme ça ! Pas besoin de me la rappeler !
                Et je chiale. Je chiale comme un bébé à qui on a arraché son jouet car je suis incapable d’émettre le moindre son raisonnable la concernant. Elle est là, dans ma tête – ses yeux maquillés, son costume pailleté, son rire resplendissant, ses ongles envoûtants, son parfum mélodieux, son cul mielleux – elle est toute entière dans ma tête, et elle n’en sort pas.
                Mais pourquoi ? Pourquoi ne suis-je pas venu la voir avant l’accident ? Pourquoi ai-je attendu comme un con ? Pourquoi ai-je eu l’arrogance d’attendre, en pensant que c’était le seul moyen de la faire souffrir un peu en retour ? Pourquoi l’ai-je frappée aussi ? Cette question est ignoble, et pourtant… J’ai l’intime conviction, à contre-cœur évidemment, que j’avais commis l’impardonnable, que plus rien ne pouvait être fait pour effacer mon geste – que même si je revenais la queue entre les jambes, elle m’enverrait chier, me dirait d’aller faire pénitence loin, très loin d’elle. Et pourtant, j’y suis allé aujourd’hui. J’y ai cru un instant… Pourquoi suis-je si rancunier ? Et pourquoi fallait-il que ça arrive ? Pourquoi cet accident ?…

                Quand je fais volte-face en attendant la sonnerie de mon portable, on dirait qu’un de mes talons glisse sur le rebord enneigé. Mon corps perd l’équilibre et tombe en arrière.

„Jetzt fängt der Mann zu weinen an

Heimlich schiebt sich eine Wolke

Fragt sich Was hab’ ich getan

Vor die Sonne es wird kalt“

Rammstein, „Spring“


Ça m’apprendra à vouloir habiter au dernier étage d’un immeuble pour en admirer la vue : j’ai fracassé ma colonne vertébrale sur le capot de ma Jeep avant de finir comme une crêpe mal réceptionnée dans le lit de neige et de graviers de la cour du lotissement.


[Suite]

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