XIV – Va donc voir un psy !
‘Ma
rose noire exprime ma mélancolie
Que j’ai longtemps partagée avec lui.
Avec
toi je voudrais les pétales compter ;
C’est
avec lui que mes heures je peux ôter.’
‘Rose,
Flamme ou Chocolat ?’
Des
bouteilles vides, j’en retrouve un peu partout dans la maison : dans un
placard à vaisselle, derrière les meubles, à côté de l’ordinateur du studio,
derrière la cuvette des WC – tous les endroits qui lui viennent à l’esprit
quand il n’est plus lui-même. Parfois, c’est Hannah qui me les apporte, ce qui
me met encore plus mal à l’aise. Qu’expliquer à une gamine de treize ans ?
Elle n’est pas si bête – elle voit bien que son père est en train de se
détruire à petit feu. Hannah aimerait avoir la réponse au pourquoi mais je ne
connais pas la réponse, et je me demande même si Paul a fait l’effort de la
chercher. Je me dis que c’est juste parce que je ne suis pas capable de lui
apporter le bonheur que j’ai détruit en lui – indirectement, certes : même
si ce n’est pas ma faute, même si je ne suis pas vraiment responsable, j’en
reste la cause – et il n’est pas non plus capable de se le reconstruire tout
seul.
On
se retrouve donc dans l’impasse sordide de vouloir adopter une vie de famille
normale en préparant l’arrivée de notre enfant alors que tout semble se désagréger :
l’espoir d’être à la haute s’émiette ; j’ai l’impression de bâtir une
maison sur des fondements instables. Ce sont les mots précis que j’ai employés
quand j’ai eu Till la semaine dernière au téléphone. J’avais besoin de parler à
quelqu’un, et comme je soupçonne Jenny de tout raconter à son mari, il n’y a qu’avec
Till que je me sens assez à l’aise pour me confier. Il y a aussi Gaïa, devenue
ma seule meilleure amie depuis mon exil à Berlin, mais j’ai l’impression
qu’elle comprend peu mon choix de vouloir m’installer définitivement avec un
homme – elle se fiche bien de son âge ; elle estime simplement qu’être une
femme libérée, pleinement et simplement, a plus d’avantages que de fonder une
famille, que de « se caser » d’autant plus avec une « rockstar »
avec laquelle on ne peut jamais aspirer à la stabilité que je chérissais tant.
Peut-être n’a-t-elle pas si tort au final…
Till,
par contre, prête volontiers une oreille attentive à mes craintes et mes doutes,
et tente de me rassurer sur le caractère imprévisible de Paul, sur l’amour qu’il
me porte, sur la sagacité de mes propres choix. Il m’a avoué dès le début qu’il
ne trouvait rien à redire sur l’écart d’âge mais qu’il avait été quelque peu sceptique
en me voyant – non pas parce qu’il estimait que je n’étais pas convenable pour
Paul mais parce qu’il me trouvait insaisissable.
Insaisissable.
C’est au moment où il a prononcé ce mot que mon
regard sur Till a changé. Du statut d’idole, il est passé à celui d’homme
sensible et charmant – du dieu vivant qui m’inspirait crainte et admiration, il
est devenu un ami. Un confident, en quelque sorte. Avec lui, j’ai l’impression
de trouver mon égal – en plus fort, plus dur, plus stable. Il est ce que j’aurais
voulu devenir si j’avais été un homme : l’idéal masculin qui ne me
complète pas ; qui me stimule plutôt. Avec Till, je ressens la liberté
d’exprimer mes pensées, mes états d’âme, mes élans noirs – et quand il retourne
dans la campagne de son enfance du côté de Wendisch-Rambow, quand il ne répond
pas au téléphone, ou quand je n’ose pas composer son numéro, j’aime lui écrire
une petite lettre – officiellement pour m’entraîner à l’écrit – à laquelle il
répond une ou deux semaines plus tard, s’excusant de son retard (pour raisons
diverses : ses fils turbulents, sa fille pré-ado insupportable, sa María
qui lui en fait voir de toutes les couleurs, Nele qui lui demande de faire du
baby-sitting – les excuses sont diverses mais souvent fausses à mon avis) avant
de corriger mes fautes de grammaire et de finir par parler de ce qui l’a
surpris, fasciné ou attristé dernièrement. Grâce à lui, je me suis remise à l’écriture
de mes nouvelles, que je corrige et traduis pour lui. J’ai l’impression d’avoir
trouvé la reconnaissance dont j’avais besoin ; le regard qui ne me juge
pas, qui se contente de critiquer sainement.
Au
début, son air grave m’avait rebutée ; j’avais même peur de lui. Puis il
s’était révélé un homme compatissant – séduisant aussi, mais comme j’ai
toujours été victime de son charme, on ne peut pas vraiment dire que la
séduction opère plus efficacement qu’avant. Avec Till, il est clair que je
ressens un peu la culpabilité de la femme insatisfaite qui constate que la
voisine a trouvé mieux ; pas vraiment de la jalousie puisque je n’oublie
pas que je n’ai pas à me plaindre : Paul aussi est très charmant – et je
l’aime comme il est – mais il faut croire qu’après cinq années de chasteté,
renouer avec une relation « dangereuse » est la pire chose que j’aie
pu faire. Quelle ironie, quand j’y pense, d’associer Paul au danger quand on
connaît la réputation de coureur de jupons que se traîne Till.
Je
dois l’avouer, Paul est devenu instable, imprédictible, impondérable – avec
lui, je me sens toujours perdue dans l’incertitude bien qu’on m’assure de la
sincérité de ses sentiments, bien qu’on me dise que cette addiction à l’alcool
doit être passagère. Son problème me rappelle malheureusement de vieux
souvenirs familiaux que j’aurais préféré oublier, ce qui ne me réconforte pas
dans mon désarroi. L’avantage avec Paul, c’est qu’il semble se rendre compte de
son addiction, et tente de la gérer lui-même en promettant d’arrêter quand il est
pris en flagrant délit. Mais le problème reste là – pas très visible, mais en
permanence rejeté dans un coin pour être étudié plus tard – ce qui n’arrive jamais,
bien sûr, puisqu’on finit souvent par abandonner la discussion avant d’arriver
à une solution.
Récemment,
le schéma s’est inversé – ce n’est plus lui qui évite le sujet ; c’est moi
qui l’écarte à coups de « Va donc voir un psy ! », phrase
devenue ma réplique générique pour clore la discussion sans fin. Paul s’en
était piqué et m’avait tiré une tronche pas possible pendant une semaine – il
ne répondait qu’à mes questions basiques de la vie quotidienne, et obéissait
aux « Peux-tu me passer le sel ? » avec l’assentiment de l’époux
résigné. Voyant sa réaction, j’avais évité le thème de la cure pendant un temps.
Mais sous la colère, la phrase est ressortie soudainement, et il n’y a pas
réagi. Il est resté impassible – sourcils froncés, sourire figé, regard perdu.
La réplique « Va donc voir un psy ! » s’est donc installée entre
nous – comme une souris dans les murs : elle fait une apparition rapide
dans le salon et crée un véritable remue-ménage dans la maisonnée, chacun des
membres de la famille s’activant à sa manière pour éradiquer l’intruse quand
elle apparaîtra à nouveau – et au final, on se dit qu’elle attendra bien le
lendemain matin, puis on finit par l’oublier.
***
Depuis quelques temps déjà, Till m’écrit que María découche
parfois en le prévenant au dernier moment. Il m’en a parlé car je lui ai plus
ou moins tiré les vers du nez – et aussi parce qu’il voulait avoir mon avis
là-dessus. J’ai eu du mal à être sincère avec lui alors j’ai simplement mesuré mes
mots en lui disant qu’étant données les tensions familiales, elle préférait peut-être
prendre quelques distances « pour se ressourcer un peu », ce sur quoi
Till m’a dit que j’avais l’air doué pour les relations humaines, prenant comme
exemple les petits week-ends « entre hommes » que j’avais organisés
pour Paul et Tanja. Je suis toujours touchée par les compliments venant de Till,
quels qu’ils soient – et même si à l’écrit, j’arrive à dissimuler mon émotion,
au téléphone, la tâche me semble toujours impossible :
‘Non, franchement ! Tu as le don d’analyser les
situations de l’intérieur et de régler les soucis qui te semblent importants, et
je t’admire pour ça.’
‘Merci, c’est… c’est gentil. Mais en ce moment,
j’aimerais plutôt régler un autre souci,’ dis-je pour changer de sujet et
avancer sur un terrain plus connu.
‘Tu parles de Paul et la bibine ?’
‘Plus ou moins.’
‘Je vois.’
‘J’ai tellement l’impression d’être… en face d’une
impasse avec lui… Je ne sais plus quoi faire…’
‘Je te comprends. Pour moi non plus, c’est pas
simple – et ça fait déjà dix ans que ça dure.’
‘Faut croire que ça ne s’arrêtera pas.’
‘Eh bien, sans vouloir casser tes espoirs… non.’
Till
est doué pour briser mes espérances en mille morceaux – et toujours avec cette
voix glacée qui me fait frissonner dans le silence qu’il laisse souvent
s’écouler après ce genre de phrases.
‘Paul et Thom… non, Tanja, sont partis en week-end,
non ?’ demande-t-il en constatant que le silence a fait trop d’effet.
‘Oui, ils sont partis vendredi à Vienne cette fois
et doivent revenir demain soir. Tanja fête son anniversaire lundi normalement
mais ils ont aussi prévu une soirée ensemble ce soir, d’après ce qu’ils m’ont
dit.’
‘Ah oui ! ça lui fait quel âge déjà ?’
‘Dix-neuf
ans.’
‘Ah
quand même ! Que le temps passe vite…’
‘Oui,
c’est vrai. D’ailleurs, j’ai cru entendre que tu vas encore être papy.’
‘Ah,
mince ! ça y est, tout le monde est au courant ou quoi ?’
‘C’est
Jenny qui m’a raconté.’
‘Ah, je vois. Eh bien, oui. Nele attend son deuxième,
là. Et vu comment Marie-Louise se comporte, je dois m’attendre à ce que le
prochain petit-fils soit d’elle.’
‘Vraiment ?’
‘Oui ! Elle est ingérable ! Quand je pense
que Nele à son âge était encore une petite fille bien sage et s’intéressait à
peine aux garçons. Marie vient d’avoir quinze ans et pourtant elle est
littéralement collée à son portable à discuter avec le nouvel « amour de
sa vie » … enfin, si on peut appeler ça discuter parce qu’à part des
« Mmm… », « Mouais… » et des « Trop cool ! »,
elle ne dit pas grand-chose d’autre. Elle m’énerve !’
Je
ris doucement.
‘M’enfin ! Là, elle est chez sa mère donc ça
m’arrange bien.’
‘Donc tu es tout seul avec tes garçons ?’
‘Non, non, María les a pris avec elle cette fois.’
‘Ah ?’
‘Ouais… Je… j’avais pas envie de sortir, j’avoue.
Donc elle est allée manger chez Claudia avec Esteban et Fabiano pour qu’ils
jouent avec ses filles – je sais plus trop quel âge elles ont maintenant, mais
elles doivent être à peine plus âgées que Fabiano. Et là, María vient juste
d’appeler pour dire qu’elle restait pour le dîner et dort sur place.’
‘Donc on est deux à passer un samedi en
célibataire !’
‘Ha-ha ! mais oui, t’as raison ! ça fait
bizarre.’
‘Pareil pour moi ! Je ne dirais pas que ça me
manquait, mais…’
‘…ça fait du bien une fois de temps en temps !’
‘Oui, voilà !’
J’éclate
de rire à cette idée. A l’autre bout du fil, j’entends Till rire aussi, mais il
se retient un peu – comme s’il hésitait à ajouter autre chose. La conversation
venant à tarir, je propose de raccrocher en invoquant l’habituelle excuse
« je ne vais pas te retenir plus longtemps », à laquelle il répond :
‘Tu ne me retiens pas : je n’ai rien à faire
aujourd’hui.’
‘Eh bien, moi non plus, à part finir de traduire le
dernier chapitre de la nouvelle dont je t’ai parlé.’
‘Ah oui ! c’est quand que tu auras fini ?’
‘Bientôt ! Dès que je raccroche, je m’y mets.’
‘Tu as intérêt ! Sinon papa te mettra une
fessée !’
Je
ne peux même pas m’empêcher de rire, malgré sa voix qui s’est effacée vers la fin
en apercevant sûrement l’ambiguïté.
‘Bon, je vais te laisser.’
Je
ne lui laisse jamais de grain à moudre quand il s’égare comme ça, probablement
volontairement.
‘Okay,’ dit-il simplement.
‘Alors à la prochaine !’
‘Oui.’
J’attends
toujours qu’il raccroche – le téléphone dans ma main tremblotante, ma
respiration coupée – et en général, il raccroche très vite. Mais là, le prénom
Till continue d’apparaître sur mon écran, avec le temps de conversation – déjà
plus long que d’habitude – qui défile lentement. Au bout d’une dizaine de secondes,
je remets l’appareil près de mon oreille.
‘Allô ?’
‘Oui.’
‘Tu es toujours là ?’
‘Oui.’
‘Tu raccroches pas ?’
‘Toi non plus ?’
‘Je…’
‘Ah non, j’oubliais : tu raccroches jamais.’
Oups !
Je me sens littéralement piégée comme une petite fille qui a volé des bonbons
dans un magasin, et au lieu des parents, c’est le vendeur qui l’arrête pour
vider ses poches.
‘Comm… comment tu sais ?’
‘Je le sais.’
C’est
quand j’ai désespérément peur de faire un faux mouvement que Till devient
laconique : il faut croire qu’il serait prêt à me laisser trébucher dans
le ravin et à me rattraper au tout dernier moment, par le bout des doigts, rien
que pour savoir jusqu’où j’irais sans perdre mes moyens, quand je pars sans
corde attachée à mon mousqueton – or, je déteste perdre le contrôle de la
situation par-dessus tout.
‘Dis-moi,’ commence-t-il enfin après un silence trop
long pour mon petit cœur. ‘Comme on dirait bien que nous allons passer le
week-end seuls, ça te dit de le passer chez moi ?’
‘Heu…’
‘Je t’ai promis de te montrer ma réserve naturelle –
c’est l’occasion idéale. Surtout qu’il fait beau ; les hérons seront
faciles à repérer,’ enchaîne-t-il un peu rapidement.
‘Heu… je sais pas trop…’
‘Je te prépare la chambre d’ami, bien sûr,’
précise-t-il enfin quand il juge mon hésitation trop raisonnable.
‘Eh bien, pourquoi pas ! Je vais regarder les horaires
d’avion et de train pour comparer, et je te rapp…’
‘Non, non, laisse tomber : je viens te chercher
en voiture.’
‘Mais ça fait une trotte ! Tu ne peux pas faire
l’aller-retour, ça va te prendre toute la journée !’
‘J’ai rien de prévu de toute façon – et ça te laisse
le temps de faire tes affaires. Comme ça je te ramènerai demain soir juste avant
le retour de ton homme.’
‘Mais…’
‘Il n’y a pas de mais qui tienne – je ne te laisse
pas le choix. Si tu veux voir ma réserve, c’est ce week-end ou jamais !’
‘Eh bien, si c’est comme ça… d’accord.’
‘Parfait. J’en aurai sûrement pour cinq heures de
route donc sois prête pour quinze heures avec un bon goûter pour moi. Je te
préparerai le dîner une fois arrivés chez moi.’
‘Oui, chef !’
Il
éclate de rire.
‘Bien. A cette après-midi alors !’
***
Dans
la voiture, Till se comporte comme un véritable gentleman – une fois mon sac
casé dans son coffre, il m’ouvre la portière, me demande si je suis bien
installée, balaye très vite ma proposition de payer le péage. Le trajet se
déroule d’ailleurs plutôt bien : on discute d’un peu de tout et, au final,
quand il gare sa voiture sur les graviers de sa cour intérieure, je suis presque
étonnée d’être arrivée si vite.
‘Le soleil est à peine couché,’ dit-il. ‘On va
pouvoir faire un petit tour rapide à la réserve avant d’aller manger.’
Ce
petit tour rapide durera jusqu’au coucher du soleil. Je vous rassure : pas
d’écart de conduite dans un bosquet. Il me ramène chez lui et prépare un bon petit
plat pendant que je suis assise sur le canapé devant la télé, avec une flûte de
champagne pour patienter. La situation semble équivoque mais le comportement de
Till est irréprochable. Ou presque.
‘Au fait, j’oubliais : j’ai un truc pour toi,’
dit-il en remuant la sauce bolognaise faite maison.
‘Ah ?’
‘Oui, sur la cheminée.’
Je
me retourne et découvre un bouquet de lys Saint-Jacques. Aussi appelés
amaryllis. Je me surprends à rougir en caressant les fleurs du bout des doigts.
‘Je ne savais pas trop quoi acheter alors je suis
allé voir la fleuriste au coin de la rue. J’espère que ça te plaît. Sinon, je
les jette,’ ajoute-t-il en constatant mon air déconfit.
‘Non, non… elles… elles sont très belles. C’est
gentil – mais tu n’étais pas obligé.’
‘Oh, pas la peine de faire des manières. María
n’aime pas les fleurs, alors quand je peux en offrir à quelqu’un d’autre, j’en
profite – ça n’arrive pas souvent avec moi.’
‘C’est vraiment très gentil. Merci.’
‘De rien.’
Il
éteint le feu, sert deux assiettes de pâtes élégamment couvertes de sauce avec
quelques feuilles de persil au sommet, accompagnées d’une tranche de rôti
froid, puis les apporte à la table basse. J’ai posé les amaryllis sur mes genoux
et leur cherche une place convenable. Till me dit :
‘Attends, je t’apporte un vase.’
Et
s’exécute. Trônant au milieu de la table, les fleurs semblent éclairer notre
repas et attirer notre regard. Au bout de quelques minutes de silence, Till me
demande :
‘Pourquoi Amaryllis ?’
‘C’est assez long à expliquer.’
‘Dis-moi.’
‘Tu connais le langage des fleurs ?’
‘Un peu – c’est pour ça que ça m’intrigue.’
Je
ne puis m’empêcher de sourire de satisfaction – les gens qui connaissent la
signification de cette fleur sont rares, et même Paul ne m’a jamais vraiment
questionnée sur mon changement de prénom : d’ailleurs, pour lui, je suis
simplement Amy – pas Gabrielle ni Amaryllis – juste Amy.
‘C’est vrai que le choix est assez étrange mais
disons qu’il est chargé d’ironie.’
‘Ben, j’espère pour toi !’ fait-il en
plaisantant. ‘L’amaryllis, c’est la fleur de l’orgueil.’
‘Pas seulement ! C’est avant tout la fleur la
plus coquette.’
‘Oui, aussi. Mais elle symbolise la fierté et
l’artifice. L’inconstance aussi, d’ailleurs.’
Till
souhaite surfer sur l’ambiguïté, et je le suis dans sa lancée. Je sais que j’aurais
dû refuser le champagne ; ce week-end semble propice au danger.
‘C’est vrai,’ concédé-je. ‘C’est la fleur qui se
laisse admirer sans s’attacher.’
‘Exactement ! Une vraie petite coquine !’
‘Imprévisible aussi – elle peut se parer de toutes sortes
de dégradés.’
‘Insaisissable alors…’
Je
baisse la tête pour dissimuler mon sourire confus.
‘Mais mon choix ne vient pas de là à l’origine,’
dis-je enfin.
‘De l’étymologie peut-être ?’
‘Oui. Tu connais son étymologie ?’
‘Non. Mais je me dis que c’est bien ton style
d’aller vérifier l’histoire d’un prénom dans un bouquin.’
J’ai
parfois l’impression que Till me connaît encore mieux que moi-même.
‘Alors, ça vient d’où amaryllis ?’ demande-t-il
enfin.
‘C’est le nom d’une bergère dont Virgile s’est amouraché :
son nom apparaît dans ses églogues.’
‘Virgile, le poète latin ?’
‘Oui.’
‘Tu es donc une muse pour poètes ?’
‘Dans mes rêves !’
Nous
éclatons de rire mais Till semble prendre ma réplique plus sérieusement. Ou
serait-ce un effet de mon imagination, déroutée par mes fantasmes
inavouables ? Décidément, cette flûte de champagne est déjà de trop.
Le
repas terminé, je sens bien que Till cherche autre chose. Il ne va pas plus
loin que le regard coquin dirigé vers ma poitrine tatouée, regard qui porte cependant
toute la saveur de l’interdit. Vers deux heures du matin, au milieu d’une
conversation sur la poésie qui est systématiquement interminable avec Till, je
lui fais savoir que je suis fatiguée par un bâillement sonore. Il m’accompagne
donc jusqu’à la chambre d’ami avec un peu de réticence, parce que non, la chambre
d’ami n’était pas prête. Quand je regarde Till, il semble feindre la surprise.
‘J’étais sûr d’avoir fait le lit pourtant !’
Nous enfilons la couette
dans la housse à deux tout en discutant du fait que les meilleurs textes de Rammstein,
selon Till, avaient tous été écrits lorsqu’il était célibataire, ou en passe de
le devenir.
‘Vraiment ?’
‘Oui, je t’assure. Tiens ! Ohne dich, par exemple,
j’en ai écrit les paroles il y a un bail, bien avant de rencontrer María – et puis,
tout l’album Herzeleid exprime bien ce qu’il désigne.’
‘C’est vrai. Faut-il en conclure qu’on n’écrit pas
quand on est heureux ?’
‘Ben, tu en es la preuve. Tu n’as pas cessé d’écrire…
n’est-ce pas ?’
‘Donc tu crois que je suis malheureuse ?’
‘C’est toi qui le dis.’
‘Non, c’est toi.’
‘Et tu ne le nies pas.’
Sa
remarque vient de me transpercer le cœur par sa franchise intransigeante.
‘Désolé, je ne voulais pas être blessant.’
‘Non, non, tu as raison – c’est pour ça que je le
prends mal.’
Till
s’approche et caresse mes cheveux de manière trop paternelle pour m’affecter.
Je finis d’enfiler l’oreiller dans la taie et le jette sur le lit avant de
relever ma tête vers Till :
‘Bon, ben… il ne me reste plus qu’à te souhaiter
Bonne nuit.’
‘Oui. Le Bonne nuit s’impose.’
Je
me mets sur la pointe des pieds pour lui faire la bise (Till étant une des
rares personnes à faire exception en acceptant la coutume française) et il se
penche vers moi, mais au lieu de sa joue, c’est ses lèvres qu’il me tend. Je
recule instinctivement mais il me rattrape par la taille – je saisis ses
épaules pour l’écarter mais sa bouche dévore déjà la mienne. Je sens un frisson
irrésistible qui part de mon entrejambe et parcourt mes reins avant de me
monter à la tête. Le parfum musqué de Till enivre mes narines ; sa barbe
de trois jours picote sous mes doigts, qui sont arrivés jusqu’à son visage par
je-ne-sais-quelle force inconnue. Je sais que je dois l’arrêter au plus vite avant
d’en arriver à la bêtise irréparable, mais il faut croire que sa masse musclée
est littéralement invincible – je n’ose plus le repousser.
Je
le laisse me plaquer contre son corps, saisir mes cuisses, me porter jusqu’au
lit, où il me déshabille avec une délicatesse attentive et arrache ses propres
vêtements avec une rapidité sauvage. Je suis presque effrayée quand il s’allonge
sur moi, son ventre collé au mien déjà bien arrondi, son phallus impressionnant
caressant ma jambe. Je lui demande même de me laisser le temps de reprendre mon
souffle alors que nous n’avons même pas commencé le cœur des ébats.
Il
susurre des mots doux à mon oreille, des mots qui ont perdu leur sens car mon cerveau
est littéralement groggy, incapable de me faire reprendre le contrôle de mes
actes dans cette situation plus que dangereuse, mais qui ont la délicatesse
d’un baume qui apaise enfin mon cœur meurtri. Non, je n’oublie pas Paul quand
Till me lèche le cou mais il n’est plus que quatre lettres sans intérêt – un
Pack d’Angoisses Usées et Livides ; l’homme que ces lettres désignent s’est
envolé de mon esprit étourdi. Maintenant je n’ai envie que d’un Tourbillon Intense
de Lubricité et de Luxure.
J’aimerais
arrêter Till quand sa bouche descend jusqu’à mon pudendum mais la tentation est
trop forte : sa langue expérimentée ne souffre aucune comparaison avec les
doigts maladroits de Paul, et je ne puis dire Non face à l’assurance de Till. Malgré
l’inconfort dû à ma grossesse, je sens le premier orgasme arriver comme un
boulet de canon qui transperce mes entrailles. Le sourire malin de Till apparaît
au-dessus de mon ventre, où il a posé sa tête pour une courte pause. C’est à ce
moment-là que Till m’avoue qu’il a toujours trouvé les femmes enceintes plus
« intéressantes à baiser ». Sa remarque me rappelle soudainement que
Paul, au contraire, a choisi de me délaisser à partir du cinquième mois, invoquant
l’excuse idiote :
‘Je veux pas faire du mal au bébé – surtout que tu aimes
quand c’est… tu sais… un peu… rough. Et puis, j’ai pas trop envie là.’
Je
soupçonne Paul de trouver les femmes enceintes, voire même les femmes rondes, peu
sexy. J’imagine ne pas être son genre, en fait. Je l’avoue à Till, qui sourit
de plus belle.
‘Je ne peux pas te contredire, si c’est ce que tu
veux.’
‘Tu m’as piégée,’ lui dis-je.
‘Tu voulais bien.’
Je
n’ai pas l’audace de démentir. Je le vois se mettre à genoux devant moi, son pénis
énorme redressé avec fierté. Il avance lentement, se penche vers mes seins et commence
à les sucer et les lécher. Une de ses mains glisse vers mes cuisses et les écarte
à nouveau – mon instinct m’a poussée à refermer la forteresse – mais mes défenses
sont minables car Till se permet même le privilège de prendre tout son temps pour
s’installer à nouveau sur moi, ménageant mon ventre arrondi avec une attention
exquise. Ensuite, il guide mes propres mains, qui caressaient timidement ses
cheveux, vers son dos massif sur lequel se dessinent de vieilles cicatrices
probablement dues à des ébats plus intenses. Ses lèvres s’approchent de mon
oreille et me murmurent de le griffer. Je m’exécute volontiers, trouvant même
jouissif le cri rauque qu’il pousse avec une légère secousse de ses reins. Son
pénis effleure mon clitoris et je ne désire plus qu’une percée historique qui
tarde encore. Till me regarde et sourit avec orgueil. Il remet une mèche de mes
cheveux en arrière puis caresse ma joue tatouée avec onctuosité. Je me surprends
à fermer les yeux : la délicatesse de Till – certes interdite et périlleuse
– me procure la sérénité qui m’a quittée depuis bien trop longtemps. Dans ses bras
musclés, je ressens enfin le plaisir de renaître tel un phénix – la chaleur de
son corps me sort enfin de l’anxiété glaciale qui paralysait mon cœur. Avec Paul,
j’ai réussi à épousseter les cendres qui m’oppressaient – mais c’est avec Till
que mes ailes se déploient enfin.
Quand
j’ouvre à nouveau les yeux, ceux de Till ne regardent plus mon visage mais ma poitrine.
Il me chuchote qu’enfin, mes mots ont rencontré leur réalité, mais mon esprit
enivré n’arrive pas à saisir ce qu’il veut dire. Ses lèvres s’approchent du Ohne
et l’embrasse – puis c’est au tour de Dich. Chaque baiser est suivi d’un frisson
qui l’enorgueillit encore plus, et je n’arrive toujours pas à comprendre
l’implication de son geste. C’est seulement quand il me pénètre que je comprends
enfin qu’il parlait du premier poème en allemand que j’ai écrit – celui dont
j’hésite toujours à lui parler :
„Meine Zunge leckt meine Stimme
Die für immer geschrieben wird
Auf deinem kleinen, holden Brust
Auf deinem schwarzen und roten Busen“
„Deine Worte küssen“
Et je repense à Paul, à son mal-être quand il lit ses mots gravés sur mon
corps, à sa jalousie maladive qui le ronge de l’intérieur et se voit justifiée par
mon inconscience, à son visage penaud quand il constate qu’il m’a déçue – qu’il
s’est encore une fois réveillé sur le canapé du salon avec la gueule de bois
que j’appréhende tous les matins. Pendant que les mouvements de Till me transpercent
avec sauvagerie, emportant mon corps sur la balançoire du plaisir, mes yeux veulent
pleurer au nom des tourments de Paul, qui ont commencé avec mon martyre, mais
qui n’ont jamais trouvé leur repos. Mais aucune larme n’ose couler sur ma joue
– le visage satisfait de Till me guète, et je crains de le décevoir, de faire
cesser notre débauche.
Après
mon deuxième orgasme, Till se permet une nouvelle pause puis me redresse et
propose de finir en levrette. C’est l’occasion idéale de mettre un terme au
désastre de ma tromperie mais encore une fois, la volonté m’échappe – je caresse
ses cheveux et l’embrasse avec volupté. Sa langue au goût de cyprine en
redemande ; sa main gauche attrape une de mes fesses ; l’autre
caresse mon entre-jambes. Puis il me retourne, pose mes mains sur le coussin et
saisit mes hanches avec force. Sans crier gare, il les positionne à sa guise et
me pénètre à nouveau. Je jouis presque de douleur.
Ce
troisième orgasme est une véritable symphonie de jouissances : mes
geignements exquis s’accordent avec les gémissements onctueux de Till, dont les
mains malaxent mes seins en rythme. Son énergie sensuelle se combine à la
mienne jusqu’à la dernière note ; sa sueur voluptueuse se mêle à la mienne
pour un final en parallèle – sa joue collée contre la mienne, ses pectoraux poilus
glissant contre mon dos.
***
Le
lendemain, je m’éveille apaisée. La tête de Till est posée contre ma cuisse, sa
main sur mon ventre. Je trouve étrange son sommeil, paisible lui aussi, qui me
plonge dans mes fantasmes de mère comblée et que je n’ose troubler par la
réalité glaciale de mes regrets. Je décide de somnoler jusqu’à ce que mon
portable sonne. Till sursaute en entendant l’alarme et me laisse éteindre le
réveil. Il m’observe quelques minutes : par pudeur, je commence à enfiler
mes vêtements pour cacher les traces de nos ébats nocturnes. Il ne dit rien – son
visage ne me laisse entrevoir aucun désir de sa part, aucune réaction face à ma
décision d’effacer cette nuit de ma mémoire. Quand j’ai fini de me vêtir, il se
lève et part préparer le petit déjeuner. Lorsqu’il revient avec le plateau, il
me découvre en train de pleurer à chaudes larmes et choisit de me laisser
savourer seule toute la froideur de ma honte.
Il
propose de me raccompagner directement après le petit déjeuner, que je
m’obstine à ne pas avaler. Il me dit que la journée à la réserve sera pour une
prochaine fois. J’acquiesce nonchalamment – j’aimerais qu’il aborde le sujet de
notre écart de conduite, mais il persiste dans le silence prudent. Mes larmes
doivent le faire paniquer, et c’est pour cela qu’il n’entreprend rien, pensé-je
enfin lorsque nous approchons de la sortie d’autoroute, direction Berlin.
‘Désolée…
de réagir… ainsi… mais je me… je me sens si mal…’
‘Tu n’as pas à te sentir mal,’ dit-il sèchement. ‘On
s’est fait du bien car on en avait besoin. Demain, ce sera oublié.’
La
froideur de Till m’horrifie – j’y ressens presque la saveur de la cruauté la
plus pure.
‘Je compte sur toi pour ne rien dire, d’ailleurs,’
ajoute-t-il. ‘Ce genre de choses doivent rester secrètes pour le bien-être de
tous.’
Je
dévisage son profil qui me semble terrifiant de sérieux. Il dit « ce genre
de choses » comme si les tromperies entre membres du groupe étaient choses
communes. Et au moment même où cette réflexion me traverse, une deuxième
devient évidence : il a donc tout calculé. Il est venu me chercher en
voiture pour ne laisser aucune trace d’une quelconque réservation de vol ;
il a acheté les amaryllis, que j’ai oubliées chez lui et qu’il jettera
sûrement, pour nous mener à une conversation qui me toucherait à coup sûr. Depuis
le moment où il a décroché le téléphone, il n’avait qu’une idée en tête, celle
de me mettre dans son lit comme la première bimbo qui traîne. Être prise pour un
objet sexuel devrait me mettre en colère, mais je n’ai pas la force de sortir
de ma torpeur accablée.
A moins qu’il ait choisi de
réagir avec froideur à cause de mes remords plus qu’évidents ?… Oh !
je ne sais pas ! je ne sais plus…
Une
fois à la maison, il pose mon sac dans le salon et me dit que ce n’est pas la
peine de proposer le café, qu’il préfère repartir tout de suite. Il n’attend pas
ma réponse pour se diriger vers la porte d’entrée. Sur le seuil, il se retourne
et m’observe. Il me conseille de me démaquiller et de prendre une douche. Et
là, je sens une boule de haine dans mes entrailles qui aimerait éclater à sa
figure – lui cracher toute ma peine à la gueule, lui montrer combien j’ai mal
d’être laissée pour compte ainsi. Mais je n’y arrive pas. Je le dévisage, et il
me guète du regard. Il répète que je devrais prendre une douche, et au lieu du
« Mais je le sais bien, pauv’con !! », c’est un faible
« D’accord » que j’émets.
Till
referme la porte derrière lui. Je regarde l’horloge instinctivement et constate
que Paul et Tanja vont rentrer dans une heure et demi. Je m’arrache de ma torpeur,
range mes affaires, prends une douche rapide. Quand Paul passe le seuil, il a un
sourire resplendissant – Tanja aussi. Ils me racontent leur week-end et je m’efforce
de sourire avec joie suite à leur réconciliation. Paul me demande ce qu’il y a
à manger et je lui avoue que je n’ai pas eu le temps de préparer le repas.
‘Je me suis un peu sentie mal…’
‘Ah ?’
‘T’es malade ? ça va aller ?’ m’interroge
Tanja.
‘Oui-oui, juste mes migraines habituelles.’
‘Tu as pris un Doliprane ?’
‘Oui, mais ça vient tout juste de faire effet – ou
alors c’est votre retour.’
Paul
me sourit et me prend dans ses bras pour m’embrasser.
‘Ecoute,’ dit-il. ‘On va au restaurant ce soir.
Comme ça, tu n’as pas à te tracasser. Tiens ! Tanja, ça te dit un japonais ?’
‘Génial !’
‘Je vais enfiler une veste alors,’ dis-je mollement.
‘On t’attend.’
Au
restaurant, je me contente de les écouter – ils mettent mon ton laconique sur
le compte de ma fatigue, et ça m’arrange. Le retour se déroule de la même
manière et on se couche assez tôt. Paul me propose même un massage, que
j’accepte volontiers car mes muscles endoloris me rappellent les faux pas de la
veille, que je dois à tout prix oublier. Paul me trouve un peu morose et me
demande pourquoi j’ai passé le week-end à la maison.
‘Je n’avais pas trop le moral.’
‘Oh…pourquoi ?’
‘Je sais pas trop…’
‘C’est moi ?’
‘Tu n’étais pas là : comment ça pourrait être
toi ?’
‘Ben… à cause de…’
Paul hésite.
‘…à cause de mon comportement dernièrement – je sais
que je te fais du mal et… enfin, j’ai… j’ai discuté avec Tanja hier et…’
‘Tu as appris à l’appeler Tanja ?’
‘Oui… j’ai… j’ai arrêté de me tromper.’
‘C’est bien. Et vous avez discuté de quoi
alors ?’
‘Eh bien… j’ai décidé de me ressaisir.’
‘C’est bien.’
‘Je promets pour de vrai cette fois.’
Je soupire. Paul semble se
sentir coupable et le voir ainsi aggrave ma propre culpabilité, qui doit rester
secrète – cette fois, je suis fautive. Till ne m’a pas embrassée de force, comme
cet abruti de Richard. Il m’a séduite, et je me suis laissée piéger. Je ne
pourrais jamais l’avouer à Paul… surtout pas maintenant, alors qu’il m’offre
une énième réédition de ce serment.
‘Je n’ai pas bu un seul verre de tout le week-end,
tu sais. Tanja te le confirmera. Je veux vraiment…je veux vraiment te rendre heureuse,
tu sais. Oh ! et regarde !’ dit-il en me montrant sa main droite.
‘Elle marche correctement ! C’est Tanja qui me l’a fait remarquer tout à
l’heure ! J’ai encore du mal à le croire…’
‘C’est génial.’
‘T’as pas l’air très enthousiaste. Tu vas donc si
mal que ça ?’
‘Toujours ma migraine.’
‘Viens par là, que je te fasse un câlin !’
Je
repose ma tête contre son épaule frêle – mes narines retrouvent son parfum
fruité ; mes doigts retrouvent ses courts cheveux bruns ; ses caresses
me révèlent qu’il a envie de moi, et malgré ma réticence, je le laisse faire
pour ne pas paraître suspecte. On fait l’amour sur le côté, avec douceur car il
n’ose pas « faire pression ». Le souvenir sauvage des va-et-vient de
Till me revient à l’esprit et je l’écarte au plus vite pendant que ceux de Paul
ne font que me bercer dans ma solitude.
En
couchant avec Till, je n’ai gagné que l’ignominie d’être blasée dans les bras
de Paul, qui ne peuvent plus me réconforter – qui m’étouffent comme ceux d’une
pieuvre.
[Suite]
[Suite]
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